Les liens assez proches qu’entretenait jusqu’alors la Turquie avec le mouvement islamiste palestinien du Hamas sont-ils en train de se distendre à l’ombre du conflit déclenché par les attaques meurtrières du Hamas du 7 octobre contre des militaires et des civils israéliens ?
Citant des sources palestiniennes en Turquie, Al-Monitor fait état d’une certaine déception du Hamas par rapport au pouvoir turc. “Les réactions de la Turquie [face à la campagne de bombardements contre Gaza lancée en représailles] sont jugées insuffisantes par le Hamas et les autres groupes palestiniens.”
Si le président ultranationaliste Recep Tayyip Erdogan a critiqué l’excès de violence utilisé par Israël, il s’est abstenu de faire convoquer l’ambassadrice israélienne pour des protestations officielles et de prendre d’autres mesures.
Ismaïl Haniyeh à Istanbul le 7 octobre ?
Les pressions européennes et surtout américaines auraient contraint Ankara, qui cherche ces derniers temps à attirer des investissements occidentaux, à prendre ses distances avec le Hamas, dont de nombreux membres et dirigeants bénéficient habituellement d’un bon accueil à Istanbul ou à Ankara.
Al-Monitor rapporte ainsi que le leader de la branche politique du groupe, Ismaïl Haniyeh, se trouvait à Istanbul le 7 octobre [contredisant des rapports précédents qui indiquaient sa présence au Qatar, à Doha], où il a été filmé suivant à la télévision les attaques lancées depuis Gaza. Selon plusieurs sources interrogées par le site spécialisé dans les affaires moyen-orientales, Ankara lui aurait par la suite “poliment demandé”, ainsi qu’à d’autres membres du mouvement islamiste, de quitter le territoire. Une autre figure du mouvement, Khaled Mechaal, chef du bureau politique à l’étranger et prédécesseur d’Ismaïl Haniyeh, vit au Qatar, mais se rendait régulièrement en Turquie, où il a donné le 14 septembre une interview à la chaîne télévisée Habertürk.
D’autres sources turques ont confié au Middle Est Eye que l’ensemble des dirigeants du Hamas auraient désormais quitté le pays, à la demande des autorités. Mais selon l’une des sources, certains membres de premier plan du Hamas font des allers-retours fréquents entre le Qatar et la Turquie, et se trouveraient actuellement à Doha pour participer aux négociations qui s’y tiennent concernant notamment le sort des plus de 200 otages israéliens détenus par l’organisation dans la bande de Gaza.
Un démenti jugé peu convaincant
Le palais présidentiel turc a néanmoins démenti ce lundi 23 octobre que la Turquie ait expulsé ou demandé le départ des dirigeants du Hamas, souligne le quotidien Cumhuriyet.
Le communiqué, publié sur le réseau social X, n’y figure qu’en arabe et pas en turc ni en anglais, ce qui est inhabituel et pourrait révéler le double jeu d’Ankara, estime le journaliste spécialiste de la politique étrangère turque Murat Yetkin sur son blog.
En tout cas, les liens avec l’organisation islamiste avec Ankara ne sont pas coupés puisque le président turc s’est entretenu par téléphone le 21 octobre avec Ismaïl Haniyeh, souligne le quotidien Sözcü.
La tâche du président turc se révèle ardue, souligne le journaliste, puisque ses partenaires européens et américains, qui le verraient d’un bon œil jouer un rôle de médiateur dans la libération des otages, lui demandent dans le même temps de prendre ses distances vis-à-vis du Hamas. Il doit également, pour des raisons d’intérêts géopolitiques, énergétiques et économiques, veiller à maintenir dans la mesure du possible de bonnes relations avec Israël tout en rassurant son opinion publique, farouchement hostile à l’État hébreu.
Pour la première fois, un meeting en soutien à la Palestine est prévu à Istanbul en sa présence ce dimanche 28 octobre, rapporte par ailleurs le quotidien Milliyet.
Courrier International
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