De nouveaux règlements européens sur la traçabilité et l’étiquetage des denrées alimentaires contenant des organismes génétiquement modifiés ont été publiés. Cela devrait permettre, aux yeux de la Commission, la levée du moratoire frappant les OGM. Si la procédure suit son cours, chacun des quinze Etats membres devra bientôt décider d’autoriser ou non la modification génétique de diverses cultures et leur mise sur le marché.
Dans le même temps, il apparaît clairement que les raisons de maintenir le moratoire restent des plus actuelles.
La législation ne résout en rien à un premier problème majeur : la contamination des cultures traditionnelles par les OGM. Probablement parce qu’il n’y a pas de réponse à cette question, l’action du vent, des insectes et des oiseaux provoquant l’hybridation même à des distances importantes. Les producteurs de semences OGM reconnaissent eux-mêmes « qu’un taux de contamination nul est impossible à tenir » note Le Monde (22 octobre), qui cite l’un des responsables espagnols de Sygenta (née de la fusion de Novartis et d’Astra Zeneca). La généralisation des cultures OGM implique la généralisation des pollutions génétiques, ce qui n’est pas pour déplaire aux multinationales car cela créerait un « fait accompli » imposant l’assouplissement des réglementations. La Commission européenne se fait directement leur agent quand elle prétend interdire la création de zones sans OGM.
Deuxième problème majeur, la production massive d’OGM aura des effets écologiques nocifs. Depuis longtemps déjà, des observations réalisées par des naturalistes, notamment aux Etats-Unis, avaient montré une telle incidence sur des populations de papillons. Commanditée par le gouvernement Blair, peu suspect d’hostilité à l’agro-industrie, et menée par des experts indépendants, une étude britannique d’ampleur a été publiée sur cette question le 16 octobre. Elle confirme que le développement de ces cultures a des conséquences effectives tant pour la flore que pour les insectes (Rouge du 24 octobre). Les vertébrés se nourrissant de plantes et d’insectes, c’est en fait tout l’environnement vivant qui serait affecté par la généralisation des OGM.
Troisième problème majeur, les implications sur la santé humaine. « Rien n’est prouvé en ce domaine » triomphent les semenciers. Certes, on ne les mesurera que dans quelques dizaines d’années, si du moins les études épidémiologiques sont réalisées et ne sont pas bloquées par les lobbies industriels comme c’est souvent le cas. Mais on peut logiquement craindre qu’une production qui a un tel impact environnemental ait aussi des conséquences sanitaires.
Quatrième problème majeur, l’irresponsabilité des pouvoirs publics. Les cultures en plein champ d’OGM sont souvent menées sans études préalables d’impact, sans suivi et sans enquête, celle réalisée en Grande-Bretagne étant une exception. Aucune des précautions qui entourent la mise sur le marché d’un nouveau médicament ne sont exigées pour les OGM alors que leur force de frappe potentielle est démesurée.
Cinquième problème majeur, les implications sociales. La rentabilité économique des cultures OGM est aujourd’hui très controversée par les agriculteurs, des Etats-Unis à la Navarre. Il y a d’autres voies de développement possibles pour l’agriculture. Mais du point de vue des grands semenciers, les cultures OGM ont l’immense avantage de placer le paysan sous une dépendance totale et de créer des marchés captifs pour un éventail de produits annexes. Il s’agit bien de profits et de pouvoir. N’oublions pas que ces firmes ont créé Terminator, un brevet qui permet de produire des cultures stériles, pour forcer le producteur à racheter chaque saison l’entièreté des semences dont il a besoin. Si l’ambition multinationale agro-alimentaire était vraiment de nourrir l’humanité, elle ne se serait jamais posé le problème de stériliser des plantes ! Et c’est à elles que nous devrions confier notre avenir ? Car la généralisation des OGM aurait des conséquences proprement irréversibles.
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8 juillet 2003
Lecteurs et auditeurs des médias auront compris, la semaine passée, que le Parlement européen avait adopté une directive sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). La réalité des procédures est plus contournée que cela. Les eurodéputé(e)s n’ont voté que sur des amendements. Si (et seulement si) le Conseil des ministres et la Commission acceptent les amendements majoritaires, le document sera « réputé adopté ». La beauté de l’affaire, c’est que les parlementaires n’auront alors pas l’occasion d’exprimer clairement, dans un vote individuel, leur soutien ou leur rejet de la réglementation ; ce qui en arrange plus d’un.
Le terrain de confrontation se déplace hors de l’enceinte parlementaire. Le prochain règlement, s’il est « réputé adopté », facilitera politiquement la levée du moratoire appliqué dans quelques Etats (dont la France) contre l’admission de nouvelles OGM, mais ne l’engendrera pas automatiquement. Plus encore, la Commission est tenue d’élaborer des « lignes directrices » pour éviter toute contamination d’OGM dans d’autres produits, ce qui annonce de belles batailles car il est tout simplement impossible de garantir la non-contamination (c’est bien le problème posé par les OGM).
Les médias ne cessent de nous affirmer que la généralisation des OGM est « irréversible ». Manière, une fois encore, de nier en pratique le droit au choix politique et démocratique inscrit dans les Constitutions. Il reviendra à « la rue » de rappeler à nos gouvernants et « experts » que ce droit au choix sera âprement défendu