Quand éclate l’insurrection algérienne, le 1er novembre 1954, personne ne connaît le Front de libération nationale (FLN). La gauche est confrontée à deux questions : faut-il soutenir les revendications algériennes et, si oui, qui soutenir ? A la première question, la SFIO (Parti socialiste) répond en défendant l’Algérie française. Guy Mollet, devenu président du conseil en 1956, après une campagne conduite sur un programme promettant « la paix en Algérie », se range du côté des ultras d’Alger et accorde les pouvoirs spéciaux à l’armée.
Du côté du PCF, le mot d’ordre est « Paix en Algérie », mais il n’est nullement fait mention de l’indépendance et les députés communistes votent les pouvoirs spéciaux en 1956. Si les dirigeants interdisent tout soutien actif au FLN et tentent, jusqu’au début des années 1960, de stopper les initiatives publiques et manifestations en faveur de l’indépendance, de nombreux militants apportent leur soutien à la lutte du peuple algérien, par le biais du soutien aux prisonniers ou en désertant, tel Alban Liechti. Le PCF paie pourtant un lourd tribut militant (huit morts) lors de la manifestation du 8 février 1962 contre l’Organisation armée secrète (OAS, structure clandestine de l’extrême droite acharnée à défendre « l’Algérie française », qui mène alors une vaste campagne terroriste, en Algérie comme en « métropole »), au métro Charonne à Paris. Le « Parti » ne reste alors plus silencieux, comme il l’avait fait après la répression sauvage de la manifestation du 17 octobre 1961, appelée par le FLN-France dans la capitale, bien que plusieurs dizaines d’Algériens aient trouvé la mort.
L’extrême gauche est la première à soutenir l’indépendance de l’Algérie. Les libertaires de la Fédération communiste libertaire (FCL) sont les premiers à coller des affiches pour l’indépendance, dès novembre 1954, et leur organisation disparaît sous les coups de la répression en 1957. Les militants de la Fédération anarchiste (FA) condamnent la répression de l’Etat français mais refusent de choisir entre une forme d’Etat et une autre. Côté trotskyste, les liens étaient anciens avec Messali Hadj, leader historique du nationalisme algérien. C’est la tendance « lambertiste » qui conserve des liens privilégiés avec lui, et soutient son parti, le Mouvement national algérien (MNA), dans lequel elle voit un « nouveau parti bolchevique ». Le MNA disparaît vers 1958, victime d’une guerre fratricide avec le FLN et de la compromission d’une partie de ses élites avec le colonialisme français. La tendance « pabliste » (du nom de Michel Raptis, dit Pablo, alors l’un des principaux dirigeants de la IVe Internationale), réunie en France autour de Pierre Frank choisit le soutien privilégié au FLN, considéré comme le véritable « moteur de la Révolution algérienne ».
Pablo organise un soutien international qui culmine dans deux opérations : la fabrication de fausse monnaie française pour le compte du FLN (ce qui lui vaut un procès transformé en tribune politique et quelques mois de prison) et l’implantation d’une usine d’armes clandestine au Maroc. FCL, « lambertistes » et « pablistes » participent aussi aux activités plus classiques des réseaux de « porteurs de valise » (transport d’agent du FLN, faux papiers, soutien aux prisonniers évadés).
D’autres groupes d’extrême gauche, Socialisme ou barbarie ou Voie communiste, apportent aussi un soutien pratique ou politique. A un large niveau, l’extrême gauche de l’époque a peu d’influence, mais le Parti socialiste unifié (PSU), issu de secteurs de la SFIO en rupture avec la politique coloniale et d’autres petits courants de gauche ou d’extrême gauche, parvient à organiser, avec l’Unef, les premières manifestations massives contre la guerre.
L’indépendance obtenue, certains militants s’installent en Algérie dans l’espoir d’y construire le socialisme, et deviennent des « pieds-rouges ». Parmi eux, Simonne Minguet, Pierre Avot-Meyers, Louis Fontaine (ancien appelé en Algérie, puis ouvrier dans l’usine d’armes du Maroc aux côtés des Algériens), et Pablo, qui devient conseiller d’Ahmed Ben Bella et participe à l’engagement de la réforme agraire. La plupart d’entre eux seront expulsés d’Algérie en 1965, lors du coup d’Etat de Boumedienne.