Il semble que quelque chose échappe à notre attention, sur la situation des Palestiniens en ce moment.
La stratégie israélienne se déploie sur plusieurs niveaux :
– à Gaza bien-sûr, dont l’écrasement occupe les médias, les journalistes sont ciblés et délibérément assassinés, et les lieux de presse délibérément visés et détruits, afin de minimiser les informations palestiniennes sur ce qu’il se passe sur le terrain.
– en Cisjordanie, où il s’agit d’empêcher tout signe de révolte, et où donc des centaines d’arrestations sont effectuées, les opérations militaires nuit et jour se multiplient, ainsi que les opérations punitives de colons lâchés dans la nature, qui agissent librement et en toute impunité. On compte depuis le 7 octobre 232 morts sur ce territoire.
Les célébrations de retour des prisonniers ont toutes été violemment réprimées par l’armée, qui a saccagé les préparatifs jusqu’à l’intérieur des maisons.
On peut constater aussi la hargne vicieuse qui fait qu’Ahmed Manasra, diagnostiqué schizophrène, détenu depuis ses 13 ans, il en a 21, qui endure de très longues périodes d’isolement successives en violation du droit international, n’est toujours pas rendu à sa famille, dans le cadre des échanges de prisonniers contre les otages, malgré les campagnes pour sa libération. Quant à la violence du traitement des prisonniers du Hamas, qui sont enchaînés en permanence, nourris une seule fois par jour, dorment à même le sol, elle traduit la folie vengeresse du gouvernement israélien. Mais il faut réaliser que dans le cadre de cette répression renforcée, toute expression est interdite aux Palestiniens des territoires occupés de Cisjordanie sur ce qu’ils vivent et sur Gaza.
À l’intérieur d’Israël, où les Palestiniens détiennent la citoyenneté, une surveillance des réseaux sociaux et de tout écrit en général, digne de la Chine ou de l’Iran, est assortie de harcèlement constant et d’arrestations massives, pour un simple mot de soutien à Gaza sur Facebook ou X ; les personnes sont interdites de manifestation, soumises aux violences policières, des députés palestiniens sont arrêtés… De fait, toutes les manifestations ou expressions, écrites ou orales, publiques ou privées, leur sont interdites. Appelés Palestiniens de l’intérieur, ils représentent aujourd’hui le danger de l’intérieur.
Ce qui pourrait nous échapper, c’est l’effet de cette répression dans ce moment crucial : aucune voix palestinienne ne peut s’exprimer en Israël ou en Cisjordanie sans être mise en danger. Aucune parole ou expression palestinienne d’aucune sorte ne peut actuellement être émise sur place ou vers l’extérieur du pays. La seule voix palestinienne que l’on peut entendre aujourd’hui est celle du Hamas de Gaza… Ironie de situation ou génie machiavélique. La propagande israélienne s’est ainsi assurée un monopole quasi absolu de la parole. Si l’on ajoute à cela, les réseaux pro-israéliens qui traquent à l’extérieur, dans les universités, les productions de cinéma (voir l’affaire Netflix) les entreprises américaines, tous les Palestiniens qui tenteraient d’exprimer une simple solidarité, la boucle est bouclée : Israël a réussi à étouffer la parole palestinienne dont nous ne disposons qu’à peine aujourd’hui. Tout ceci renforce encore notre responsabilité, pour nous qui pouvons encore parler.
Une question demeure et compte aujourd’hui, et peut être demain, s’il y a un lendemain : Est-ce vraiment la meilleure politique pour les juifs israéliens, est-ce vraiment ainsi qu’ils veulent vivre ?
Michèle Sibony, le 29 novembre 2023
Un édito de Michèle Sibony pour l’Agence Média Palestine.