Depuis la prison iranienne d’Evin, le syndicaliste des autobus de Téhéran et sa banlieue (VAHED) a fait parvenir le message suivant :
Ces jours-ci, de nombreux articles parus dans les médias officiels traitent des problèmes de subsistance des travailleurs. Parfois, des salarié-es et des retraité.es sont également interviewés.
Ce reflet de la situation intolérable des travailleurs/euses dans les médias officiels, qui avaient l’habitude de nier ou de minimiser les problèmes des travailleurs, montre les progrès réalisés par les travailleurs/euses, ainsi que leur capacité à faire entendre leurs revendications.
Par ailleurs, des militant.es ouvriers ont contribué à faire avancer ces revendications en participant activement aux médias sociaux et aux journaux de diverses manières.
Dans ces articles, il est question de l’écart important et croissant entre revenus et dépenses, de la réduction de l’accès des travailleurs/euses à la nourriture, ainsi que de la baisse du pouvoir d’achat.
Il est ensuite mentionné qu’en dépit de ses slogans sur le contrôle de l’inflation et la croissance économique, le pouvoir est concrètement incapable de répondre aux problèmes de manière appropriée. Il ne prête aucune attention aux organisations syndicales et au tripartisme figurant dans les Conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT). Les salaires ne sont pas augmentés en fonction de l’inflation actuelle.
Ces discussions sont absolument inutiles si on ne s’attaque pas à l’une des racines les plus importantes des problèmes, à savoir la répression sévère de toutes les organisations indépendantes.
Existe t-il une seule organisation syndicale - formée uniquement par les travailleurs/euses sans l’interférence du gouvernement-employeur et dans une atmosphère démocratique - qui ait jamais participé au processus du soi-disant « tripartisme », actuellement « ignoré » ?
Ces dernières années, une poignée d’organisations indépendantes, ont été créées : le Syndicat des travailleurs de la compagnie d’autobus de Téhéran et de sa banlieue (Vahed), le Syndicat des travailleurs de la sucrerie de Haft Tappeh, les syndicats d’enseignants, des organisations indépendantes de retraité.es, le syndicat des écrivain.es, etc.
Et cela malgré des milliers d’obstacles systématiques et une répression multiforme : beaucoup de leurs membres ont été soit licenciés et arrêtés, soit toujours en prison, sous la surveillance et le contrôle permanents des forces sécuritaires.
Ce n’est que si de telles organisations se développent et jouent leur rôle, avec le soutien et l’implication maximum des travailleurs, que le gouvernement et les autres petits et grands employeurs seront forcés de prendre en compte nos droits en respectant les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) dont ceux des enfants et des femmes, ainsi que les conditions de vie des travailleurs.
Il est évident que les soi-disant organisations syndicales artificielles telles que le Conseil islamique du travail, la Maison du travail, l’Assemblée des représentants, etc. ne mettent pas la pression sur le gouvernement parce que les personnes à la tête de ces organisations sont des personnes agissent à leur guise et n’ont jamais été démocratiquement élues. Mais les travailleurs et les militants syndicaux indépendants savent que ces faux représentants n’ont pas le soutien des travailleurs et qu’ils sont dans l’incapacité de gagner leur confiance.
Nous voulons :
– nous débarrasser des millions de cas de chômage et de malnutrition,
– améliorer les conditions de l’ensemble du monde du travail.
– en finir avec des anomalies sociales comme la criminalité, le vol, les fugues, les meurtres familiaux, la toxicomanie, le fait de se retrouver sans-abri.
Les causes fondamentales de toutes ces anomalies sociales sont l’exploitation, le chômage, la pauvreté, l’instabilité et l’insécurité de l’emploi et de l’accès aux moyens de subsistance, toutes sortes de discriminations et de doubles oppressions.
Pour y parvenir, nous ne devons pas avoir peur de déclarer que les travailleurs n’obtiendrons rien avec les promesses vides du gouvernement, des autorités en place et des organisations syndicales-bidons mises en place par le pouvoir.
Nous ne faisons confiance à aucune entité ou organisation liée au pouvoir en place, et nous savons que le temps des tentatives d’apaisement est arrivé à son terme.
Nos jeunes sont assassinés tous les jours, et tout ce que nous avons obtenu jusqu’à présent ne l’a été que par la démonstration du véritable pouvoir des travailleurs, de la solidarité et de l’unité de tous les travailleurs et des opprimés, ainsi qu’en s’organisant et en occupant les rues.
Par conséquent, parler de revalorisation des salaires et d’amélioration des conditions de travail sans insister sur la nécessité d’une organisation indépendante et nationale des travailleurs, et sans essayer de mettre en œuvre nos droits fondamentaux tels que ceux de se réunir, de protester, de faire grève, de manifester dans la rue afin de faire avancer les revendications des travailleurs, serait futile et même trompeur.
Reza Shahabi
Prison d’Evin
03/11/2023