Comme chacun le sait, Netanyahu est le maître du statu quo. Il a travaillé pendant toutes les années de son règne pour laisser la situation telle qu’elle est : retarder, effriter, reporter, désintégrer, distraire, s’occuper de ce qui est accessoire et se présenter comme le défenseur d’Israël.
Depuis qu’il a établi son deuxième gouvernement, le 31 mars 2009, et jusqu’au 6 octobre 2023, il s’est efforcé, et l’a également déclaré explicitement, de séparer la Bande de Gaza de la Cisjordanie, entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, entre Israël et les nations (les Européens et les Américains) afin de dresser un obstacle insurmontable devant tout progrès vers un règlement politique. Il a renforcé le Hamas et affaibli l’Autorité palestinienne, tout cela pour contrecarrer tout processus ou accord.
Le massacre du 7 octobre a effacé non seulement son image de « Monsieur Sécurité », mais aussi ses efforts de longue date pour gérer le conflit, une gestion éternelle sans récompense ni but, en dehors de la croissance continue des colonies. Mais aujourd’hui, au lieu de sortir du fossé et de tracer une voie différente pour l’État d’Israël, Netanyahu cherche à nous ramener tous exactement au même endroit.
Si Israël ne parvient pas à éliminer les capacités gouvernementales et militaires du Hamas, la situation ne changera pas de toute façon. Mais si Israël réussit (comme on l’espère), quelqu’un d’autre devra contrôler la bande de Gaza. La disqualification de l’Autorité palestinienne par Netanyahu répond à son besoin de maintenir la droite religieuse au sein du gouvernement et de mener la campagne « Moi seul empêcherai la création d’un État palestinien », mais il y a aussi ici une simple reconstruction de son ancien point de vue. Netanyahu est Netanyahu, et il veut revenir au statu quo qui a précédé le 7 octobre.
Le problème est que sans aucun progrès vers une solution avec les Palestinien.nes, qui de toute façon inclurait l’Autorité palestinienne (ou une Autorité palestinienne modernisée, actualisée, améliorée et purifiée - cela n’a pas vraiment d’importance), il est difficile de croire qu’il y aurait une volonté de la part de la communauté internationale, que ce soit en Occident ou parmi les pays arabes riches, de financer la reconstruction de la Bande [de Gaza]. Et cela va presque de soi : pourquoi le monde financerait-il une occupation israélienne ?
Le nord de Gaza a été détruit et le sud subit également des dégâts au niveau des bâtiments et des infrastructures. Arrivera le moment où la bataille aura pris fin. Israël voudrait contrôler la sécurité de la Bande de Gaza et de ses frontières, mais qui y gérera la vie civile ? Qui reconstruira les infrastructures, posera les lignes électriques, s’occupera de l’eau courante, du gaz, des écoles, des hôpitaux ? Qui gérera les commissariats, la bureaucratie, la police, les tribunaux ? Qui percevra les impôts ?
Israël ne pourra jamais dire au monde qu’il contrôle la sécurité d’une zone où les gens meurent de faim ou meurent à cause des épidémies. Quelqu’un devra investir une énorme fortune pour restaurer Gaza. Si Israël ne montre pas au moins de la volonté d’avancer vers un règlement avec les Palestinien.nes, il se retrouvera seul, avec l’addition en main. Après les énormes dégâts économiques causés par la guerre, allons-nous continuer et investir pour financer la vie de deux millions de Palestinien.nes ?
Et voici le tour de magie du prestidigitateur : après la guerre, celui qui restera pour financer la reconstruction et la vie dans la Bande de Gaza sera soit nous, soit, bien sûr, le Qatar. Après tout, ce dernier a financé le Hamas jusqu’à présent, il le soutient, c’est pour lui un investissement qu’il ne veut pas perdre et il est vraisemblable qu’il voudrait le poursuivre. Lorsque l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis conditionneront leur soutien à un progrès [sur la voie d’un règlement] avec les Palestinien.nes, le Qatar se présentera comme un avocat sur les lieux d’un accident et proposera son aide avec un sourire généreux.
Lorsque nous nous trouverons dans une situation où nous devrons choisir entre la destruction de l’économie israélienne et entre accepter un financement qatari, nous accepterons un financement qatari. Netanyahu a déjà résolu ce dilemme dans le passé : des valises de dollars ont déjà transitées. Le Qatar est un atout. Puisque la direction du Hamas est basée au Qatar, elle influencera la nature de la reconstruction et il est probable que le Hamas sera rétabli. Même s’il essaie de rester dans la clandestinité pendant quelques années, ou s’il porte désormais un autre nom, en fin de compte, grâce au financement qatari, le Hamas reprendra le pouvoir.
C’est alors que le lapin sortira du chapeau : nous sommes revenus à la gestion des conflits. Le Hamas à Gaza et Netanyahu au cabinet du Premier ministre. Il n’y a et il n’y aura aucun progrès vers un règlement. Les valises en dollars seront à nouveau transmises, les cycles [guerriers] se succèderons encore, le sud saignera à nouveau. L’État d’Israël reviendra au 6 octobre. Déduction faite des morts, des kidnappés et le gouffre ouvert au cœur de la société israélienne.
Tomer Persico