La mort d’Al-Bahsh a été annoncée par la Commission palestinienne des affaires des détenus et le Club des prisonniers palestiniens le lundi 1er janvier 2024. L’administration pénitentiaire israélienne (API) s’est contentée de signaler le décès d’un « détenu de sécurité » à la prison de Megiddo, en précisant que les circonstances de sa mort seraient réexaminées. La famille d’Al-Bahsh a confirmé qu’il ne souffrait d’aucune maladie importante et qu’il ne se plaignait que sporadiquement de douleurs à l’oreille.
Al-Bahsh, qui était détenu depuis le 31 mai 2022 et condamné à 35 mois de prison, est le premier Palestinien à mourir en détention israélienne en 2024 et le septième ayant été officiellement annoncé comme étant mort dans les prisons israéliennes depuis le 7 octobre 2023, dont deux travailleurs de Gaza. La mort d’Al-Bahsh n’est pas la première à survenir dans la prison de Megiddo. Nos organisations ont obtenu des informations détaillant des cas récents de torture et d’agressions brutales contre des détenus palestiniens dans cet établissement. L’un de ces incidents tragiques concerne le détenu Abdul-Rahman Ahmed Marei, un résident de 33 ans de la ville de Qarawat Bani Hassan à Salfit, dont la « mort » a été annoncée le 13 novembre 2023 après avoir été battu par des gardiens de prison israéliens. Outre les sept décès annoncés de prisonniers et de détenus palestiniens depuis le 7 octobre 2023, on craint également d’autres décès parmi les détenus palestiniens du camp « Sdeh Teiman » à Beer Al-Seba’, où, selon les témoignages de détenus libérés, des centaines d’habitants de Gaza sont détenus au secret et traités avec cruauté et violence par les gardes israéliens.
Nos organisations ont reçu des témoignages de détenus récemment libérés, attestant de l’escalade des actes de torture commis par les autorités israéliennes à l’encontre de prisonniers et de détenus palestiniens tout au long des étapes de l’arrestation, de la détention et de l’interrogatoire. Cette tendance inquiétante est particulièrement évidente parmi les centaines de détenus de Gaza qui ont été appréhendés lors de l’invasion terrestre israélienne ou du déplacement forcé des Palestiniens du nord de Gaza vers le sud. Ces témoignages incluent :
Jihad Abdelhamid Zaqout, 75 ans, résident de Gaza :"
J’ai été arrêté par des soldats israéliens à mon domicile à Gaza le 12 décembre 2023. Ils m’ont agressé physiquement, m’ont attaché les mains avec des menottes et m’ont ensuite emmené dans une maison adjacente inoccupée. Je suis resté sous surveillance jusqu’à 21h30, jusqu’à ce qu’ils aient terminé leurs opérations dans la zone, la démolissant avec des bulldozers et des obus. Après m’avoir bandé les yeux, ils m’ont transporté dans une jeep militaire pendant environ une heure et demie. J’étais accompagné d’autres détenus que je ne connaissais pas. Tout au long du trajet, les soldats nous ont soumis à des agressions physiques, en nous frappant la tête avec la crosse de leurs fusils et en utilisant leurs mains.
À notre arrivée dans un camp ressemblant à un terrain de jeu et abritant 500 détenus, nous avons été déshabillés, notre argent a été confisqué et nos papiers d’identité ont été pris. On nous a fait porter des pyjamas gris très fins. Nous avons passé trois jours sans couverture ni matelas, puis ils nous ont apporté des couvertures et des matelas très fins. Tout au long de mon séjour, nous n’avons été autorisés à utiliser les toilettes qu’une fois tous les deux jours, avec difficulté, les mains attachées et les yeux bandés. Parmi les détenus se trouvaient des personnes malades, handicapées et blessées. Les personnes blessées ont été délibérément battues à l’endroit de leur blessure, ce qui a conduit certaines personnes à perdre connaissance à plusieurs reprises.« Khamis Ali Rabie Al-Bordini, 55 ans, résident du quartier Al-Zaytoun à Gaza : »J’ai été arrêté par les forces d’occupation israéliennes le 1er décembre 2023, après qu’elles ont démoli ma maison alors que j’étais à l’intérieur avec ma famille. Après la démolition de la maison, nous sommes sortis en portant un drapeau blanc. Les forces d’occupation israéliennes ont immédiatement arrêté les hommes : moi-même et mes fils, Husam 32 ans, Tamer 28 ans, et mon beau-fils Mohammad Abu Afesh 26 ans. Ils nous ont forcés à nous déshabiller et à rester en sous-vêtements, nous ont menotté les mains dans le dos avec des bandes en plastique et nous ont bandé les yeux. Nous avons été violemment agressés et frappés avec tout ce que les soldats avaient sur eux tout au long de notre parcours et de notre transport dans les véhicules. La plupart d’entre nous ont été blessés par des coups de pied et de poing. Pendant trois jours, et dans un lieu qui nous est inconnu, nous avons été agressés alors que nous étions nus, les bras attachés et les yeux bandés. Parfois, les soldats jetaient les détenus des véhicules comme s’il s’agissait de sacs. On ne nous a pas donné d’eau ni de nourriture, on nous a interdit d’aller aux toilettes et les soldats nous ont forcés à nous asseoir à genoux. Certains détenus auraient préféré mourir plutôt que d’endurer cette torture. Au bout de trois jours, ils nous ont transportés dans un autre camp de détention dont nous ignorions l’existence, et on nous a donné des pyjamas de couleur grise. Une centaine de détenus ont été placés dans des structures en tôle entourées de fils barbelés. Pendant toute la durée de notre détention, nous avions les mains attachées sur le devant, les yeux bandés et assis sur les genoux. J’ai été interrogé par un interrogateur à deux reprises, et lorsqu’il n’appréciait pas mes réponses, il me forçait à m’asseoir sur les genoux, sachant que le sol était en gravier. J’entendais les voix des autres détenus qui criaient lorsqu’ils étaient interrogés. Dans cette zone de détention, on nous donnait très peu de nourriture : un petit yaourt et deux morceaux de pain, une boîte de sardines pour le déjeuner et de la confiture pour le dîner. La plupart d’entre nous ne mangeaient pas beaucoup pour éviter d’avoir à aller aux toilettes".
Samir Mahmoud Ibrahim Abu Sharkh, 43 ans, habitant de Beit Lahiya, au nord de Gaza :
« Les forces d’occupation israéliennes m’ont arrêté le 6 décembre 2023 après avoir appelé par haut-parleurs les habitants de nos quartiers à sortir de chez eux et à se rendre dans les rues en levant la main. Ils ont ensuite demandé aux hommes âgés de 15 à 60 ans de se déshabiller et de rester en sous-vêtements, et nous ont demandé de nous asseoir par terre en une longue file dans la rue. Les soldats étaient tout autour de nous, pointant leurs fusils sur nous, criant et nous insultant avec des mots obscènes, ils nous ont dit que nous méritions d’être exécutés comme des animaux humains. On nous a ensuite bandé les yeux, attaché les mains dans le dos, puis les pieds et nous sommes restés là pendant des heures. Nous étions extrêmement épuisés, puis des camions sont arrivés et nous ont transportés dans des conditions pénibles. Les soldats nous insultaient intentionnellement et nous entassaient les uns sur les autres. Nous avons été agressés par les soldats alors qu’ils nous chargeaient dans les camions. Les camions se déplaçaient sur des routes de terre qui avaient été détruites au bulldozer par l’armée israélienne, jusqu’à ce que nous atteignions une zone proche du bord de mer, où je pouvais entendre les vagues. On nous a forcés à descendre des camions dans une zone sablonneuse, ils nous ont attaqués à coups de crosse, nous ont giflés et nous ont frappés avec leurs pieds. Ils m’ont frappé sur tout le corps, en particulier sur les jambes, la tête et la poitrine. Il faisait très froid, surtout lorsque nous étions nus. Plus tard, j’ai été transféré avec d’autres dans un endroit où le sol était recouvert de gravier. Les soldats nous ont fait asseoir là et nous ont battus de la même manière. Plus tard, j’ai été transféré dans une caravane où se trouvaient un commandant et un médecin militaire, ils ont pris des photos de moi, et j’ai été transféré avec d’autres dans une jeep. En chemin, les soldats nous battaient et nous insultaient. Les soldats éteignaient leurs cigarettes sur mon corps, en particulier sur mes jambes. Les véhicules militaires se sont déplacés avec nous à l’intérieur pendant trois heures sans interruption, et nous sommes arrivés dans une zone où se trouvait une grande caravane. Là, on m’a donné un matelas fin et une couverture et nous avons été forcés de nous asseoir sur ces matelas pendant quatre jours consécutifs et on nous a donné un morceau de pain et un concombre, et un autre repas composé d’un petit morceau de pain et de fromage, et un autre de pain et d’une tomate. Nous n’étions pas autorisés à aller aux toilettes, sauf une fois par jour, et seulement après insistance des détenus. Les soldats ont donné un verre d’eau pendant toute la période. J’ai vu plusieurs détenus se faire battre, l’un des détenus âgés qui se trouvait avec nous grelottait de froid et lorsque d’autres détenus ont essayé de l’aider, ils ont été punis et attachés à la clôture à l’extérieur pendant plusieurs heures. Les soldats nous imposaient de rester debout en ligne plusieurs fois par jour, surtout la nuit ».
Nos avocats se sont efforcés d’obtenir des autorités israéliennes des informations sur les détenus de Gaza. Cependant, les autorités israéliennes ont toujours refusé de divulguer des détails sur ces personnes ou sur les conditions, les lieux et les motifs de leur détention. Cette conduite équivaut à une disparition forcée qui, si elle est commise dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile, constitue un crime contre l’humanité.
Le PCHR, Al Mezan et Al-Haq appellent conjointement à une enquête indépendante sur les récents « décès » de prisonniers et de détenus palestiniens. Il existe de sérieuses présomptions que la majorité de ces décès résultent de tortures, de mauvais traitements et d’exécutions extrajudiciaires. Alors que les gardiens de prison israéliens continuent d’agresser et de maltraiter les détenus palestiniens sans surveillance adéquate ni obligation de rendre des comptes, et sous les directives du gouvernement israélien, en particulier du ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, les milliers de prisonniers et de détenus palestiniens actuellement détenus par Israël courent des risques considérables. En effet, nos organisations tiennent les autorités israéliennes pour responsables du bien-être des détenus palestiniens dans les prisons israéliennes, et expriment leur vive inquiétude pour la vie de centaines de prisonniers palestiniens qui risquent de mourir en raison des politiques persistantes de torture et de négligence médicale de l’API.
Nous réaffirmons également qu’il est urgent de mettre fin à la disparition forcée de centaines de détenus palestiniens, dont des dizaines de femmes de Gaza, en révélant rapidement leurs noms et le lieu où ils et elles se trouvent. Nous demandons en outre que cessent immédiatement les politiques israéliennes de torture et de mauvais traitements pendant la détention arbitraire. En outre, nous lançons un appel urgent au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour qu’il renforce son rôle de surveillance des conditions de détention des prisonniers et des détenus palestiniens dans les prisons israéliennes.
Nous demandons instamment au rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi qu’au rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et au groupe de travail sur la détention arbitraire, d’évoquer publiquement ces graves violations et d’ouvrir rapidement une enquête.
Nous appelons également la communauté internationale à contraindre Israël à respecter les règles du droit international et du droit humanitaire, en particulier la quatrième convention de Genève, et à adhérer aux règles minimums standards pour le traitement des détenus.Traduction : AFPS
Le Centre palestinien pour les droits de l’homme (PCHR), Al Mezan et Al-Haq