Historien franc-tireur. C’est ainsi que Jean Chesneaux, mort lundi 23 juillet à l’âge de 85 ans, se qualifiait lui-même. Dans un livre de souvenirs qu’il avait publié récemment (éd. Privat, 2004), il décrivait son riche itinéraire d’intellectuel et de militant qui ne considérait pas l’histoire comme une discipline statique ou de cabinet mais comme un espace d’action permanente : « Penser historiquement le passé pour penser historiquement le présent » : telle était sa devise. Lecteur de Walter Benjamin et de Jules Verne (Jules Verne, un regard sur le monde, Bayard, 2001), il avait repris à son compte la devise de Michel Strogoff : « Regarde, de tous tes yeux, regarde. »
Né en 1922, professeur émérite à l’université Paris-VII (où il avait commencé d’enseigner dès 1971 l’histoire de l’Asie orientale), directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), Jean Chesneaux avait ses racines intellectuelles et politiques dans les milieux d’action catholique.
Président d’honneur de Greenpeace-France après avoir présidé son conseil d’administration de 1997 à 2004, membre du conseil scientifique d’Attac, il participait aux comités de rédaction de la revue Ecologie & politique et de la Quinzaine littéraire. Il avait également signé un grand nombre d’articles dans Le Monde et surtout dans Le Monde diplomatique.
« Construire une culture écologique à la mesure des nouvelles exigences politiques de notre époque, c’est (...) construire les instruments politiques globaux, capables de faire face aux nouveaux périls que nous affrontons », déclarait Jean Chesneaux le 24 mars lors d’un séminaire organisé par Attac. « L’écologie en crise met en péril l’avenir même de la société », concluait-il.
De l’engagement communiste - il avait quitté le PCF en 1969 - au combat écologique et altermondialiste, en passant par le Larzac, la révolte des indépendantistes kanaks, l’opposition aux essais nucléaires de Mururoa et la participation aux forums sociaux, la route avait été longue, mais pas très sinueuse.
Dans son livre Le PCF, un art de vivre (éd. Maurice Nadeau, 1980), Jean Chesneaux reprochait d’ailleurs au parti de n’avoir pas su investir le terrain des nouvelles luttes et des « fronts secondaires » issus de mai 1968. Avant l’élection présidentielle de 1981, il avait même été parmi ceux qui soutinrent la candidature de l’humoriste Coluche. Deux ans plus tard, dans le cadre d’une enquête du Monde sur « Le silence des intellectuels », il déplorait la « démotivation politique et sociale opérée par la drogue-modernité ». « La fameuse roue de l’histoire ne tourne pas forcément dans le bon sens », soulignait-il.
DE MAO À MME GIRARDIN
En 1985, il s’était rendu en Nouvelle-Zélande pour présenter ses excuses, au nom du peuple français, après le plastiquage du bateau de Greenpeace, le Rainbow-Warrior.
Spécialiste de la Chine, où il s’était rendu pour la première fois en 1948, et du Vietnam (auquel il consacra son premier livre en 1955), Jean Chesneaux a publié de nombreux travaux sur ces deux pays. Séduit par le maoïsme, il avait d’abord considéré la révolution culturelle comme une « authentique réaction de la base contre la nomenklatura et le parti-Etat » (entretien au Monde en septembre 1983).
En 1999, à l’issue de trois périples chinois, en 1988, 1995 et 1998, il livrait dans des Carnets de Chine (éd. La Quinzaine littéraire/Louis Vuitton) une vision qui était beaucoup plus celle du voyageur cultivé, heureux d’« habiter le temps » et d’« être de mèche avec l’inconnu », que du militant pro-chinois. Il aimait aussi citer Mme de Girardin, pour qui « voyager c’est promener son rêve ».
Dates
1922 : Naissance
1997-2004 : Président du conseil d’administration de Greenpeace France
2007 : Mort le 23 juillet