Ce drame suivait celui de la mort de 40 migrants tunisiens quelques heures après leur départ en mer de Sfax. Les migrants en partance de cette ville côtière de Tunisie sont en très grande majorité des personnes venues d’Afrique subsaharienne mais presque un migrant sur cinq partant de Tunisie est originaire de ce pays.
Grave crise économique
La situation politique et économique désastreuse du pays pousse les gens au départ vers l’Europe, et la Tunisie est devenue également depuis plusieurs mois un pays de transit pour la traversée. La Tunisie connaît une grave crise économique : pénurie de produits alimentaires, hausse des prix et endettement abyssal de l’État. Et dans un pays déjà extrêmement libéralisé depuis les années sous Ben Ali, les réformes libérales ne se sont pas arrêtées après la révolution. Le pays est très endetté, et la seule sortie proposée est de continuer à emprunter en acceptant les réformes du FMI.
Coincé dans cette logique contre laquelle il n’a aucune solution, l’actuel président Kaïs Saïed s’enfonce dans le totalitarisme. Plusieurs dizaines d’opposants ont été arrêtés sous des prétextes complètement inventés. Alors que le peuple tunisien commémore le 12e anniversaire de la Révolution, même les journalistes ne sont pas épargnés par la prison. Le 10 janvier dernier, Zied El Heni, journaliste indépendant comparaissait dans le pays pour « outrage », face à une ministre du gouvernement tunisien qu’il avait critiquée, à la radio IFM. Le procureur a requis le placement en détention immédiat en vertu d’une loi qui confère aux autorités des pouvoirs étendus permettant de réprimer la liberté d’expression.
Racisme d’État
L’autre facette de la politique de Kaïs Saïed est de s’enfoncer dans le racisme le plus immonde en ciblant les migrantEs noirEs en transit. En acceptant de jouer les gardes-frontières pour l’Europe, près de 70 000 migrantEs ont été arrêtés en 2023 par les forces tunisiennes alors qu’ils tentaient de traverser la Méditerranée. Depuis l’été 2023, les NoirEs d’Afrique subsaharienne en Tunisie sont victimes de chasses à l’homme et de véritables pogroms sous le regard bienveillant du gouvernement de Tunis. Les arrestations arbitraires selon la couleur de la peau, le transport forcé vers les frontières, vers le désert libyien ou les montagnes algériennes sont devenus la gestion politique de la migration sous couvert de théorie du « grand remplacement ». Cette politique de gestion des frontières n’empêche nullement les départs, ni — hélas ! — les naufrages et les morts. Le peuple tunisien, qui a montré toute sa force dans le soutien actif au peuple palestinien depuis les massacres à Gaza, doit imposer une réponse politique à la hauteur des enjeux, à l’encontre s’il le faut de la politique de Kaïs Saïed.
Édouard Soulier