Un militant écosocialiste bien connu de Grande-Bretagne, Alan Thornett, vient de publier une lettre d’opinion dans la revue Climate and Capitalism intitulé « Les critiques de la gauche dénoncent la COP28, mais n’offrent pas d’alternative » qui affirme d’entrée de jeu : « Bien qu’elle se soit tenue à Dubaï, dans les Émirats arabes unis (EAU), sixième producteur de pétrole au monde, et qu’elle ait été présidée par un haut responsable du secteur pétrolier dont le lobby des combustibles fossiles est le plus important jamais vu lors d’une conférence COP, la COP28 a été un événement étonnamment productif. » Puis d’étaler toute une série de décisions et de déclarations de cette COP et de précédentes qui annonceraient le déclin des hydrocarbures et leur remplacement par les énergies renouvelables. Ce diagnostic étonnant rejoint celui du représentant démissionnaire des ÉU aux COP, John Kerry, qui croit que « [la COP28 de] Dubaï était passionnante et vraiment différente. À Paris, nous avons dû nous résoudre à ce que chaque pays rédige sa propre contribution déterminée au niveau national - un engagement à ne faire que ce qu’il voulait faire. Certains ont fait quelque chose. D’autres non. Mais à Dubaï, nous avons réussi, aux petites heures de la nuit, à faire en sorte que les gens signent la transition vers l’abandon des combustibles fossiles. »
Les deux compères doivent quand même admettre que le soutien financier envers les pays du Sud n’est pas au rendez-vous. On pense au ridicule 0.7 milliard $US mis dans le « Fonds pour pertes et dommages » alors qu’il en faudrait des centaines de milliards, le premier parle de « goutte d’eau dans l’océan ». Loin d’être une exception, cet exemple est la règle générale applicable à tous les fonds votés par les COP. Sans ce transfert du Nord au Sud comment ces pays, empêtrés dans une dette impayable et sans accès aux meilleurs technologies peuvent-ils mettre la main sur les milliers de milliards pour construire les infrastructures du capitalisme vert, solution préconisée par les COP, alors que les monopoles pétroliers et leurs bailleurs de fonds, noyés dans leurs profits, sont prêts à y investir sans plus tarder. N’empêche, notre auteur retient « la posture gauchiste » anti-COP d’une partie du mouvement écologiste comme facteur déterminant empêchant de maximiser la pression sur les COP pour atteindre les cibles du GIEC-ONU car « la seule façon d’éviter des dommages catastrophiques à la planète est de faire fonctionner le processus de la COP. »
Quant au représentant démissionnaire des ÉU, il admet la même déception : « [l]es résultats sont décevants, car les pays n’ont pas donné suite » … tout en expliquant que tel « est l’économie, les forces du marché et leur fonctionnement. Et le problème, c’est que le gaz et le pétrole réalisent actuellement des profits énormes, gigantesques et inattendus, qui se chiffrent en milliers de milliards. Et la marge pour le solaire et l’éolien ne peut pas rivaliser avec ça. […] Vous devez montrer que vous pouvez faire des bénéfices. » C’est la rentabilité avant tout qui mène le bateau. Quant à expliquer la pingrerie de la contribution étatsunienne à ces fonds, c’est la politique avant tout : « Si vous voulez repousser les gens, vous pouvez parler de dommages, mais vous ne passerez jamais le Congrès. » De conclure le représentant étatsunien pour expliquer l’incapacité d’arrêter la course vers la terre-étuve et qu’il « ne comprend pas comment les gens ordinaires, partout dans le monde, laissent ces gens s’en tirer avec la « business-as-usual » ». Voilà une invitation à davantage presser les COP comme stratégie.
Depuis le Sommet de Rio en 1992, rien n’a changé pour que tout reste pareil
Mesuré à l’aune de la réalité et contrairement aux dires de l’auteur, le constat de Greta Thunberg que les COP n’émettent essentiellement que du bla-bla-bla est pure vérité quand on réalise l’inaction non sanctionnée découlant de leurs engagements. Le dernier exemple en date est l’engagement des COP pour le méthane. « Selon certaines estimations, le méthane explique environ un tiers du réchauffement depuis la révolution industrielle, et les estimations n’ont cessé de croître ces dernières années, parallèlement à l’augmentation stupéfiante de sa concentration dans l’atmosphère. » Mais « selon l’Agence internationale de l’énergie, 40 % des émissions industrielles peuvent être évitées sans coût net, le reste du problème industriel pouvant être résolu au prix de 5 % seulement des bénéfices réalisés l’année dernière avec les combustibles fossiles. » Selon CarbonBrief, malgré un engagement sur le méthane qui a été signé par 155 pays depuis qu’il a été annoncé pour la première fois lors de la COP26 en 2021 et qui engage les signataires à réduire de 30% d’ici 2030 les émanations de ce gaz beaucoup plus nocif que le CO2 à court et moyen terme, « [l]e méthane [est] en hausse » :
DES NIVEAUX QUASI-RECORDS : Selon l’Agence France-Presse, les émissions de méthane provenant de l’industrie des combustibles fossiles ont atteint un niveau quasi record de 120 millions de tonnes l’année dernière, « en dépit des technologies disponibles pour réduire cette pollution à un coût pratiquement nul ». […] PLUS DE MÉTHANE : séparément, une nouvelle étude publiée dans Nature a conclu que les infrastructures pétrolières et gazières américaines émettent trois fois plus de méthane dans l’atmosphère que ne le suggèrent les estimations gouvernementales, a rapporté l’Associated Press.
Dixit The Economist, il y a 20 ans, la part des énergies fossiles dans le bilan mondial de l’énergie primaire était environ de 80%. Aujourd’hui, cette part est toujours d’environ 80%. En termes absolus, n’a jamais cessé la croissance des hydrocarbures depuis le Sommet de Rio, en 1992, qui a inauguré les COP. En termes relatifs, la part des hydrocarbures dans le bilan mondial de l’énergie primaire n’a diminué que de 4 points de pourcentages depuis 1992. Ce que The Economist n’admettra cependant jamais c’est que la cause fondamentale en est le croissancisme inhérent au capitalisme :
Il y a 20 ans, j’ai pour la première fois plaidé en faveur d’une transition énergétique accélérée dans un article de couverture paru dans The Economist et intitulé « La fin de l’ère du pétrole ». À l’époque, les combustibles fossiles représentaient environ 80% de l’énergie primaire mondiale. Depuis lors, la prise de conscience des dommages causés au climat est montée en flèche, tout comme la pression exercée sur les grandes compagnies pétrolières pour qu’elles cèdent leurs actifs et sur les gouvernements pour qu’ils imposent des politiques anti-fossiles.
Cela peut sembler impressionnant, mais considérez ceci : l’année dernière, la part des combustibles fossiles se situait encore obstinément autour de 80 %. Certes, l’énergie solaire, l’énergie éolienne et les véhicules électriques ont fait d’énormes progrès, mais la demande mondiale d’énergie a tellement augmenté que ces combustibles et technologies plus propres n’ont fait que répondre à la croissance progressive de la demande d’énergie sans modifier le fondement de la demande de combustibles fossiles.
La résultante en est une hausse record de la température terrestre en 2023. « Selon [l’Organisation météorologique mondiale], la température moyenne sur la Terre en 2023 était 1,45 °C au-dessus des valeurs préindustrielles ».
LES SCIENTIFIQUES SONT STUPÉFAITS : Réagissant au rapport, le professeur Jonathan Bamber, glaciologue à l’université de Bristol, a déclaré au journal i : « Le rythme de l’effondrement du climat auquel nous assistons est plus rapide que ce que la grande majorité des climatologues prévoyaient il y a cinq ou dix ans. Les choses évoluent si rapidement que mes collègues et moi-même craignons que certaines de nos estimations ne soient trop prudentes ». Cette publication intervient alors que le Dr Gavin Schmidt, climatologue de renom, a publié un article dans Nature dans lequel il affirme que les chercheurs trouvent les extrêmes de 2023 « difficiles à expliquer » et que la Terre pourrait entrer dans un « territoire inexploré ».
La taxe carbone même « parfaite » reste prisonnière de la domination du marché
L’auteur écosocialiste tombe d’autant plus sous le charme du processus des COP que nulle autre que la directrice du FMI y a vanté la politique-clef pro-climat dont il se fait le champion depuis plusieurs années :
La chef du FMI, Kristalina Georgieva (rien de moins), a fait une intervention remarquable sur la tarification et les taxes sur le carbone. Pour la première fois, le sujet a été abordé lors d’une conférence de la COP, et elle a fait une proposition en deux parties au nom du FMI :
Premièrement, l’abolition de toutes les subventions à la production de combustibles fossiles
Deuxièmement, la mise en place d’une taxe explicite sur les émissions de CO2 au point de production. Cela permettrait, selon elle, de réunir les milliers de milliards de dollars nécessaires à la lutte contre la crise climatique. […]
Je soutiens depuis longtemps que le moyen le plus efficace de réduire les émissions de carbone rapidement et d’une manière compatible avec la justice sociale est de rendre les combustibles fossiles beaucoup plus chers que les énergies renouvelables au moyen de taxes sur le carbone, comme l’a soutenu (remarquablement) le FMI à Dubaï. Lorsqu’elle est correctement gérée et mise en œuvre dans le cadre d’un important transfert de richesses des riches vers les pauvres, cette mesure peut à la fois assurer une transition socialement juste pour les membres les plus vulnérables de la société et la protéger des forces de droite telles que l’extrême droite en Grande-Bretagne ou les gilets jaunes en France.
L’abolition des subventions aux entreprises d’hydrocarbures est certainement une revendication indispensable à laquelle résistent même les gouvernements lui étant soi-disant favorables. Aux ÉU, les allègements fiscaux fédéraux accordés aux entreprises des secteurs du charbon, du pétrole et du gaz, dont les principaux ont été institué il y a un siècle et plus et dont la douzaine de mesures comptaient pour 22 milliards en 2022 résistent à la promesse présidentielle de les abolir. Rien ne dit que les prochaines élections y changeront quelque chose. Quant au Canada qui se prétend un champion mondial en la matière, il a décidé d’abolir les subventions « inefficaces » restées mal définies. Il en a clairement exclus les prêts d’Exportation et Développement Canada , l’élargissement de l’oléoduc de pétrole bitumineux vers l’océan Pacific dont il est le propriétaire à perte et les subventions pour la capture et la séquestration du CO2.
La taxe carbone redistributive est une tout autre affaire. Le revenu de citoyenneté prétendait redistribuer radicalement les revenus dans le respect et même la consolidation du marché sous domination des transnationales par sa justification de la privatisation des services publics. La taxe carbone redistributive, dans sa version radicale, prétend réconcilier diminution des GES et domination du marché, sorte d’apothéose de la réconciliation du capitalisme avec la nature. Sous l’effet de la drastique modification des prix relatifs, l’économie capitaliste se restructurerait grâce aux seules décisions des entreprises pour éliminer les productions carbonées ou les compenser sans recours aux investissements publics. Dans un autre d’idée, on pourrait comparer la radicale taxe carbone redistributive à la « révolution par les urnes » dans le respect des institutions de l’État capitaliste.
Sauf pour le Québec et la Colombie britannique qui ont leur propre système, respectivement de marché carbone et de taxe carbone, le Canada applique une telle redevance redistributive à la FMI dont la redistribution est basée sur le nombre de personnes dans le ménage quoique des d’exemptions ont été accordées sous la pression des Conservateurs fédéraux, acquis sans réserve aux intérêts pétroliers, qui promettent d’abolir ces redevances. La restructuration du transport, de l’habitation et de l’urbanité s’accomplira peut-être mais au rythme trop lent du marché et au bénéfice des riches. De prime abord, les systèmes alternatifs n’existent pas — par exemple un système de transport collectif bon marché à grande fréquence et généralisé ou des logements collectifs abordables tout en étant écoénergétiques — et ne seront pas disponibles avant longtemps si jamais ils le deviennent surtout en mode accessible pour tous et toutes.
Les couches riches auront les moyens de payer la taxe, les couches à revenu intermédiaire auront le fonds de roulement suffisant pour attendre le transfert de remboursement. Par contre, les couches pauvres coincées avec les véhicules les moins performants et les habitations les moins bien isolées tireront le diable par la queue faute de fonds de roulement suffisants et de mauvaise performance carbone de leurs logements et véhicules. Pire, les montants redistribués ne seront pas disponibles à la collectivité pour justement financer ces systèmes de produits et services alternatifs même s’il faut d’abord compter sur l’imposition des profits et des revenus élevés, à commencer par ceux dans les paradis fiscaux, pour ce faire. Et comme nos gouvernements sont inféodés au capitalisme, les transnationales arriveront toujours à se tailler des exceptions sur mesure au nom de la sacro-sainte compétitivité mondiale comme c’est le cas pour les marchés carbone.
La rentabilité des renouvelables n’a pas arrêté la croissance des hydrocarbures
D’où provient une telle confiance, même critique, dans le processus des COP au point de louanger le FMI qui a imposé au monde le Consensus de Washington ? Depuis que les technologies d’énergie renouvelable sont devenus aussi ou plus rentables que celles des hydrocarbures, leurs investissements ont décollé annonçant pour plusieurs des « lendemains qui chantent ». Pourtant les entreprises pétrolières, en ce temps de guerre, freinent leur tournant vers les énergies renouvelables tout comme le stratégique secteur financier pour qui les coûts fixes faramineux des installations d’énergie renouvelable en ces temps de taux d’intérêt élevé et d’incertitude politique, en comparaison par exemple des installations de gaz naturel, en questionnent la rentabilité eu égard au risque. Pour le capitalisme, la fin du monde passe après un bilan peint en noir bien foncé.
On a qu’à voir le bilan le plus récent des investissements en énergie renouvelable versus ceux en énergie fossile des deux grands protagonistes mondiaux qui pour l’enjeu climatique, faute du reste, s’entendent comme larrons en foire pour guider le processus des COP. De constater un récent China Briefing de CarbonBrief :
UNE CHUTE RECORD EST NÉCESSAIRE : Une nouvelle analyse pour Carbon Brief a révélé que les émissions de dioxyde de carbone (CO2) de la Chine ont augmenté de 12 % entre 2020 et 2023, en raison d’une « réponse à forte intensité d’énergie et de carbone » au ralentissement économique pendant la pandémie de Covid-19. La consommation totale d’énergie a augmenté de 5,7 % en 2023, « la première fois depuis au moins 2005 que la demande d’énergie a augmenté plus rapidement que le PIB », tandis que les émissions de CO2 ont augmenté « en moyenne de 3,8 % par an en 2021-23, contre 0,9 % par an en 2016-20 », malgré le ralentissement de la croissance économique. […]
HORS CIBLE : La Chine risque également de ne pas atteindre d’autres objectifs clés en matière de climat. Malgré les promesses de « limiter strictement » la croissance de la demande de charbon et de « contrôler strictement » les nouvelles capacités de production d’électricité à partir du charbon, la consommation de charbon et les nouveaux projets de production d’électricité à partir du charbon ont tous deux connu une « forte accélération » entre 2020 et 2023.
Selon une récente chronique du New York Times, « [l]’administration Biden n’a jamais publié ce tableau [voir ci-bas]. Le président ne se vante pas d’une production record de pétrole et de gaz. Sa réticence met en lumière un problème politique pour lui et d’autres démocrates. M. Biden souhaite éliminer progressivement le pétrole et le gaz afin de lutter contre le réchauffement climatique. Or, la production nationale de pétrole et de gaz augmente sous sa présidence. […] Il aime parler d’une partie de cette histoire : la façon dont les États-Unis produisent plus d’énergie à partir de sources renouvelables, notamment grâce à la montée en puissance de l’énergie solaire accélérée par la loi sur le climat qu’il a signée en 2022. C’est l’autre moitié de l’histoire qu’il évite : l’augmentation de la production de pétrole et de gaz naturel. »
La consommation matérielle de l’extractivisme tout-électrique est gargantuesque
Le bon marché relatif des énergies renouvelables combiné à la réalité dramatique des conséquences de la crise climatique et à la pression sociale devraient les avantager à la longue jusqu’à à un possible plafonnement de la consommation des hydrocarbures sans cesse annoncé… et sans cesse remis. Déjà les investissements dans les renouvelables dépassent ceux dans les énergies fossiles. Mais les investissements dans les énergies fossiles, charbon compris, continuent quand même de grimper. La substitution des énergies fossiles par les énergies renouvelables en temps voulu, est doublement fausse. Historiquement, le croissancisme inhérent au capitalisme n’engendre pas la substitution même lente mais la superposition comme le montre le tableau ci-bas de Our World in Data . On remarque qu’en 2022, nucléaire exclus, les énergies renouvelables y compris l’hydroélectricité ne comptent que pour 13% du total.
La deuxième fausseté, la pire et la plus insidieuse, est que les énergies renouvelables sont la solution centrale alors qu’ils ne le sont qu’à la marge. Les deux graphiques ci-bas, l’un sur les flux de matières extraits mondialement, l’autre sur les stock de matières non périssables démontrent le caractère exponentielle de leur expansion. Plus intéressant encore en est le découpage en des données sous-jacentes en quatre périodes historiques qu’on trouvera sous les deux tableaux. « Une comparaison des taux de croissance au cours de différentes périodes de développement industriel (tableau 4) révèle qu’après la période d’industrialisation rapide qui a suivi la Seconde Guerre mondiale (1945-1972), avec des taux de croissance annuels de 3,7 %, la croissance de l’utilisation de matières s’est nettement ralentie pour atteindre seulement 1,8 % par an entre 1973 et 2002. Ce n’est qu’après 2002 que la croissance s’est accélérée pour atteindre une moyenne de 3,3 % par an jusqu’en 2015. […] Le taux métabolique (extraction matérielle par habitant) croît plus rapidement qu’après la Seconde Guerre mondiale, à raison de 2,1 % par an, et est passé de 9,3 à 12,1 t/cap/an entre 2002 et 2015 ».
Sources Madison (2013), Banque mondiale (2017).
Cette expansion est inégale. Les données de l’OCDE portant sur
La production matérielle tout-électrique est énergivore, peu recyclable et étendue
Par unité d’énergie produite, la production des équipements des énergies renouvelables par rapport aux équipements d’énergie fossile est plus gourmande en production matérielle à cause de son caractère diffus et aléatoire. Cette production matérielle est elle-même gourmande en énergie par rapport à la production de services sans compter que 80% de cette énergie est mondialement fossile au point de départ de la transition (61% pour la production d’électricité). Les études quantitatives sur le coût supplémentaire en matériel sont rares et celles portant sur l’énergie encore plus. Selon une étude de McKinsey de 2022, « la production d’un térawattheure d’électricité solaire et éolienne pourrait consommer, respectivement, 300 % et 200 % plus de métaux que la production du même nombre de térawattheures à partir d’une centrale électrique au gaz, sur une base d’équivalent cuivre, tout en réduisant considérablement l’intensité des émissions du secteur, même en tenant compte des émissions liées à la production de matériaux. » Selon une étude de la Banque mondiale de 2020, « le passage à un scénario 2DS [réduction à 2°C et non à 1.5°C] implique un supplément de 6 GtCO2 pour la construction et l’exploitation de technologies renouvelables mais réduit les émissions liées à la production de combustibles fossiles de plus de 350 GtCO2. »
Le jeu paraît en valoir la chandelle. Cependant, ces calculs très incertains impliquant un scénario de capitalisme vert modéré, excluent l’acier dans le cas de l’étude de la Banque mondiale, ne tiennent pas compte « des émissions associées au remplacement et à l’élimination des technologies énergétiques lorsqu’elles atteignent leur fin de vie, ni du transport des technologies d’énergie renouvelable. ». Surtout ils ne tiennent pas compte des matériaux non métalliques dont le béton, les vitres et même les panneaux solaires sont composés, encore moins des matériaux nécessaires aux gargantuesques équipement de captation et séquestration du carbone. Last but not least, Ils ignorent complètement les matériaux dérivés de la croissance capitaliste dont l’étalement urbain généré par la combinaison des véhicules privés, de plus en plus lourds, et des maisons individuelles ou attenantes. Or ce duo est le zénith et à la fois le socle matériel de la consommation de masse boostée par l’endettement des ménages.
Se posera et se pose déjà le défi du recyclage alors qu’actuellement moins de 1% du lithium l’est, selon la Banque mondiale, et que « [l]e taux de remplacement des panneaux solaires est plus rapide que prévu et compte tenu des coûts de recyclage très élevés actuels, il existe un réel danger que tous les panneaux usagés aillent directement à la décharge (ainsi que les éoliennes tout aussi difficiles à recycler). » Les matériaux composites dont est fabriquée une bonne partie de ces équipements rend énergivore et polluant, et dispendieux, leur recyclage. Est-ce le tournant industriel vers le tout-électrique qui explique la baisse de 21% de la part de l’économie circulaire dans la production mondiale de matériel dans les cinq dernières années ? En résulte une pression de la demande de minerais sur l’offre dans un contexte où la mise en marche d’une mine est un long processus comportant maintes contraintes techniques, environnementales et sociales. Pour les minéraux incontournables comme le lithium et même le cuivre indispensable à la transmission électrique, il faut s’attendre à une importante hausse des prix. D’autres, plus marginaux ou remplaçables comme le cobalt, par exemple comme composante dans les batteries, connaîtront une forte variabilité des prix.
Le problème n’est pas seulement une question de masse supplémentaire de matériaux, de recyclage ou de prix mais aussi une formidable consommation d’espace. « Un rapport récent de la Brookings Institution, un groupe de réflexion, suggère que les parcs éoliens et solaires nécessitent au moins dix fois plus de terres par unité d’électricité produite que les centrales électriques au gaz ou au charbon. […] Dans un scénario où l’Amérique dépend entièrement des énergies renouvelables d’ici 2050, la modélisation de Princeton suggère que les fermes solaires occuperaient une zone de la taille de la Virginie-Occidentale » ce à quoi il faut ajouter les éoliennes. Cette consommation d’espace tend à causer une tension au sein du mouvement environnemental entre ceux et celles mettant l’emphase sur la biodiversité et les réformistes misant avant tout sur les énergies renouvelables comme solution clef si ce n’est miracle. En résulte des litiges engendrant une complexité juridique ce qui, surtout aux ÉU, ralentit les projets pour la plus grande satisfaction des pétrolières.
Produit intérieur brut de l’accumulation ou bonheur intérieur brut de la solidarité ?
Le problème clef du mouvement écologiste n’est certainement pas sa clarté idéologique vis-à-vis l’extractivisme des hydrocarbures mais son ambiguïté vis-à-vis l’extractivisme tout-électrique, lequel perpétue nécessairement le premier, ce qui engonce dans le sillage du capitalisme vert son courant dominant. L’écosocialisme peut guérir cette tare du croissancisme énergétique en autant qu’il puisse découpler produit intérieur brut du « bonheur intérieur brut ». Les Nations unies lui ont ouvert la porte en publiant un « rapport mondial sur le bonheur » depuis 2012 qui combine mesures quantitatives, dont les inégalités de revenu, et qualitatives sur la base de questions à réponses binaires… mais toujours dans un cadre croissanciste. Dans le haut de la colonne parmi les attendus pays nordiques on trouve aussi Israël ! De quel bonheur s’agit-il ? Celui des puissants et des satisfaits écrasant la masse exploitée et opprimée à l’intérieur et hors frontières ? Manque la critique de la consommation et du divertissement de masse, qui endorment les sens, nécessaires à la demande solvable dût-elle être soutenue par l’endettement.
Le prolétariat est-il plus heureux dans sa maison de banlieue avec son auto-solo coincé dans la circulation, et aussi coincé entre la fin du monde et la fin du mois, ou bien dans un confortable logement social situé dans un quartier 15 minutes avec accès partout à un réseau de transport actif ou en commun gratuit et fréquent ? Est-il rendu plus heureux par une gaspilleuse économie de consommation de masse baignant dans la publicité trompeuse ou bien par la provision de produits essentiels, durables et réparables dont plusieurs disponibles collectivement ? Est-il rendu plus heureux par une alimentation carnée et ultra-transformée rendant obèse ou bien par une alimentation végétarienne et fraîche d’origine biologique ? Est-il plus heureux dans un société sous l’emprise des transnationales financiarisées tenant en otage des gouvernements endettés queue par-dessus tête les contraignant à l’austérité permanente ou bien dans une société de planification démocratique avec des entreprises autogérées et des services publics gratuits mur-à-mur étendus à l’alimentation et à l’énergie de base ?
Le factice « bonheur » consommateur et dominateur fait le plein de vide. Une société basée sur la compétitivité des entreprises pour dominer les marchés entraîne la compétition individuelle pour soit survivre contre le chômage et la pauvreté soit hausser sa richesse ou son statut social afin de barder une inatteignable sécurité, lesquelles réalités entretiennent une anxiété sociale favorisant accidents, maladie mentale et une vieillesse précaire en mauvaise santé même pour les riches. Le saut qualitatif hors du vide solitaire vers le commun solidaire passe par la lutte toutes et tous ensemble, quels que soient sa forme et son champ d’application, contre cette déshumanisante société hiérarchique. La lutte de tous contre toutes crée un océan de perdantes face à une mare de gagnants entachés par une perte de la fondamentale solidarité humaine.
À contrario, par la lutte commune la société de sobriété s’édifie sur le prendre soin des gens et de la terre-mère. Cette société, d’un, s’inspire de l’écoféminisme qui se focalise sur la reproduction humaine tout en maximisant le temps libre et lent de la créativité, de la rencontre, de l’amitié et de l’amour — du pain et des roses — et non sur la production auto-accumulatrice à l’infini par l’obligation compétitrice de la maximisation du profit. De deux, elle s’inspire de la sagesse autochtone, malgré sa corruption par l’oppressive société blanche, de dialogue constant avec la nature qu’on remercie pour la moindre prédation nécessaire à la vie et dont on ne saurait rompre les grands équilibres écologiques sans assassiner la terre-mère.
L’extractivisme tout-électrique peut ouvrir au fascisme l’insatisfaction populaire
Depuis que le nouvel extractivisme tout-électrique commence à se saisir et à polluer les vastes espaces, il suscite une résistance de celles et ceux qui les occupent, peuples autochtones, paysannat mais aussi villégiateurs, villageoises et même banlieusards. On le constate dans les luttes anti-mines à ciel ouvert dans les pays dépendants, souvent contre des entreprises canadiennes, mais aussi dans les pays anciennement industrialisés en mal de renouvellement industriel, surtout si elles peuvent offrir un complément minier. Tels sont le Canada et davantage le Québec libre de toute exploitation d’hydrocarbure… mais grand consommateur de celui-ci et grand émetteur de GES. Le déploiement plein régime de la filière batterie par le gouvernement de la CAQ du Québec, soutenu cent kilomètres à l’heure par celui Libéral du Canada, a ouvert la porte à un grand débat public sur le nouvel extractivisme tout-électrique où pointe enfin une remise en question de son produit de consommation phare, le véhicule électrique.
Le développement des luttes contre le nouvel extractivisme du tout-électrique interroge le courant dominant du mouvement écologiste perméable au capitalisme vert. Cette perméabilité établit une jonction politique avec les forces capitalistes dominantes au sein des COP ce qui conduit de grands pans, habituellement fortunés, du mouvement écologique à miser critiquement sur le processus des COP. Cette intégration engendre une réaction de la gauche anticapitaliste qui peut aller jusqu’au rejet sectaire des COP. C’est là le noyau rationnel de la critique de l’auteur écosocialiste qui cependant reste aveugle à la montée en puissance du capitalisme vert. Dit autrement, le mouvement écologiste s’engouffre dans le réformisme, pour employer une vieille terminologie qui garde toute sa valeur, s’il se fait satelliser par les grandes puissances gouvernant les COP y compris les habituels psychodrames finaux de ces rencontres donnant l’impression de percées gagnantes.
Ce ralliement des grandes organisations au capitalisme vert crée un sentiment d’abandon chez les classes populaires en particulier chez les couches les moins fortunées et informées. Provoquées par une fiscalité régressive de type taxe carbone et une réglementation coûteuse, sans compter une austérité permanente afin de financer les gigantesques investissements nécessaires au capitalisme vert y compris la garantie de la rentabilité capitaliste, ces classes cherchent éperdument une solution qu’elles ne trouvent pas auprès ni du mouvement écologiste ni de la gauche politique. La révolte contre l’establishment en résultant prête flanc à leur conquête par le populisme d’extrême-droite. Les gilets jaunes français et les agriculteurs européens, d’autant plus qu’ils sont sous l’influence des agro-industriels, en sont l’illustration. Au fur et à mesure que les crises climatique et de la biodiversité deviennent prégnantes, ce qui nécessite une gouvernance qui ne pourra pas les ignorer, l’écofascisme poindra son nez d’abord contre l’immigration fuyant les catastrophes puis contre le peuple travailleur natif.
Contre le réformisme, lutter pour des réformes réellement transitoires
Tout le contraire est de lutter pour des réformes qui forcent la main du capitalisme afin de gagner ce précieux temps avant le glissement inéluctable vers la terre-étuve. Le blocage de ces réformes par les gouvernements et par les transnationales, alors que le temps manque, fait réaliser au peuple travailleur que le capitalisme, prisonnier de son croissancisme, ne peut pas implanter ces réformes à temps et à l’échelle nécessaire. Cette lutte est d’autant plus nécessaire que la catastrophe politique que fut le socialisme réellement existant du XXe siècle a aliéné le prolétariat vis-à-vis la révolution socialiste tout en semant doute et confusion chez la gauche anticapitaliste comme le démontre la force en son sein du campisme et du développementalisme qui en sont les héritiers. Mais cette lutte pour les réformes ne s’accommode pas de revendications qui mènent en droite ligne vers le cul-de-sac du capitalisme vert. Pour être transitoires vers la révolution anticapitaliste, ces revendications doivent ouvrir la voie vers une société qui maximise le « bonheur national brut » c’est-à-dire de sobriété solidaire. C’est ce que n’a pas compris notre auteur se réclamant de l’écosocialisme mais qui reste prisonnier du capitalisme vert.
L’emphase sur les énergies dite vertes qui marginalisent la sobriété et l’efficacité énergétiques ne font pas partie des revendications transitoires. Pas plus que les produits dit verts telle l’auto solo électrique et la maison individuelle et attenante en milieu urbain qui perpétuent consommation de masse et étalement urbain. Non plus l’emphase sur le transport en commun sous terre et dans le airs qui abandonnent la trame urbaine au règne de l’auto solo à essence ou électrique. Non plus la création de cités nouvelles écologiquement lissées qui abandonnent à leur sort les quartiers urbains et les villages où habitent M. et Mme Tout-le-monde. Ceux-ci ont besoin d’un programme urgent et universel de mise à niveau écoénergétique de leurs bâtiments dans le cadre de quartiers 15 minutes débarrassés de la circulation automobile et riches d’agriculture urbaine et de parcs nature. Non plus la soi-disant « nouvelle agriculture » qui modernise l’agro-industrie en surendettant les exploitation agricoles au profit des grandes entreprises et des banques et en artificialisant l’agriculture jusqu’au bout, éliminant sol et soleil en faveur d’un supplément d’énergie et de chimie. À la fin, on réalise que s’il faut socialiser les banques et consorts c’est davantage pour les empêcher d’enliser l’humanité dans des billions de dollars d’équipement inutiles sinon nuisibles et moins pour recycler ces dollars vers l’écosocialisme qui, en comparaison, reste bon marché.
La COP peut être tactiquement utile en rassemblant mondialement le mouvement
Est-ce à dire que le mouvement écologique devrait boycotter les COP ? Celles-ci sont un rassemblement d’États devant fonctionné par consensus, faute de s’être entendus sur un processus majoritaire de prise de décision, ce qui oblige les grandes puissances à rallier les États qui suivent dans l’ordre hiérarchique impérialiste. Les premiers ont bien sûr les moyens de forcer la main des plus faibles ce qui a provoqué le rassemblement des derniers en divers groupes de pression pour arracher certaines concessions susceptibles de devenir des armes idéologiques dans le combat climatique. On pense ici au quasi-abaissement de la cible de 2.0°C à 1.5°C de réchauffement terrestre d’ici 2100 lors de la COP de Paris de même qu’aux plans nationaux lors de la même COP qui bien qu’insuffisants en soi permettent de jauger les efforts de chaque pays grâce au suivi serré d’ONG spécialisées mais non, cependant, de se libérer de l’emprise du capitalisme vert.
L’appui du mouvement écologique, sur place comme en-dehors, à ces pays dépendants face à ceux impérialistes a contribué à ces victoires sur papier qui peuvent cependant faire illusion si on les accepte pour argent comptant. De la même manière que les COP rassemblent les États, par effet de miroir elles convoquent un bon nombre d’opposants en-dedans comme en dehors… dans la mesure où l’air des pays hôtes est démocratiquement respirable. Ce sera sans doute un problème cette année en Azerbaïdjan pétrolière mais non dans la spécialement symbolique Amazonie brésilienne en 2025. C’est là une occasion à saisir pour construire, par un contre-sommet, un front commun mondial idéalement doté de son manifeste et de son programme — il le faudrait étant donné l’urgence climatique et pour la biodiversité — mais au minimum de son plan d’action mondial comme le Forum social de Porto Alegre a pu le faire au début du millénaire.
La balle est dans le camp du mouvement pour se remobiliser face à la guerre
La coordination de l’organisation Global Socialist Network (GEN) avait proposé le texte d’Alan Thornett comme référence pour un débat sur « la stratégie du mouvement climatique et sur la place qu’occupe le processus de la COP dans cette stratégie ». Elle lui avait contraposé un article aussi publié par Climate and Capitalism que l’éditeur de cette revue considérait « puissant » et, à ses yeux (et aux miens mais pas complètement), « convaincant » :
Le problème fondamental sous-jacent était que [nous supposions] que les gouvernements et les hommes politiques réagissaient rationnellement aux preuves d’un grave danger et s’y attaquaient. […] La difficulté réside dans le fait qu’il n’existe aucun précédent historique de gouvernements ayant agi de la sorte pour protéger l’humanité. […] Les gouvernements ne sont là que pour faciliter le modèle « business as usual » (BaU) développé après la révolution industrielle. […] Les alliés n’ont finalement coopéré pendant la Deuxième guerre mondiale que parce que l’Allemagne nazie et le Japon représentaient une menace existentielle pour leurs économies et leurs pays, et non pour protéger le public. Mais ils avaient besoin de l’adhésion du public pour donner l’impression qu’ils le protégeaient. […]
[Pour régler la crise climatique et écologique, les gouvernements] se contentent de faire le strict minimum, pour donner l’impression de s’en occuper, parce que leurs citoyens s’en préoccupent. […] Par conséquent, la première hypothèse qu’il convient d’éliminer est l’hypothèse erronée selon laquelle, si l’on fournit aux gouvernements suffisamment de preuves scientifiques, ils agiront de manière appropriée. Il est évident que ce n’est pas le cas. […] Le modèle économique actuel repose entièrement sur la combustion de combustibles fossiles et l’utilisation non durable des ressources naturelles. […] Les dirigeants seraient très inquiets s’ils pensaient que les gens voient clair en eux. En fait, cette tentative d’instaurer un fascisme autoritaire semble être motivée par cette crainte.
L’auteur de cet article en conclue que « le public [en] est induit en erreur. Il pense que la situation n’est pas si grave, sinon tous les scientifiques et autres personnes influentes qui sont au courant le crieraient sur tous les toits. » Il en déduit que le déblocage stratégique de la lutte climatique nécessite que ces scientifiques et personnalités cessent de penser à leur carrière et proclament sans détour la vérité scientifique. À mon avis, c’est un peu court et quelque peu unilatéral. D’un, une grande partie de la militance et même du grand public est au courant de cette vérité mais désespère de trouver une solution. De deux, pour que scientifiques et personnalités se dégagent de leurs entraves qui les coincent dans les rapports de production capitalistes, il faut que la lutte du mouvement social ait atteint un certain niveau de mobilisation. Il faut cependant réaliser que plusieurs personnes dirigeant le mouvement sont aussi coincées dans les rapports capitalistes.
En un mot, le rapport entre mouvement et scientifiques est dialectique. La conjoncture de l’heure n’implique-t-elle pas plutôt que l’initiative doit venir d’une impulsion du mouvement, la science du GIEC-ONU ayant pour l’essentiel livrer la marchandise quoiqu’il faille constamment taper sur le clou au gré des événements et des découvertes ? Pour le développement des connaissances, l’urgence est de démontrer la catastrophe que sont les guerres en général et les guerres génocidaires en particulier. Elles le sont non seulement eu égard à l’aggravation des crises du climat et de biodiversité et au détournement des ressources pour les résoudre mais surtout vis-à-vis le danger de paralysie du mouvement écologique et la gauche en général pour cause de démoralisation. Faut-il ajouter que le mouvement écologique doit joindre ses forces au front anti-guerre et intégrer cette lutte dans ses forums.
Un mouvement écologique mondial doté d’un programme concret de « bonheur intérieur brut » basé sur la sobriété énergétique et d’un plan d’action parsemé de grandes mobilisations mondiales saurait encadrer et stimuler un mouvement écologique enraciné dans les luttes ouvrières et populaires. Devant l’urgence climatique crevant les yeux et une lumière programmatique et organisationnelle au bout du tunnel de l’actuelle grande noirceur, le mouvement ouvrier redécouvrirait que la reproduction du genre humain et de son environnement, dixit les écoféministes et les autochtones, est plus crucial que la production pour l’unique marché, que la santé-sécurité au travail comme dans la ville l’emporte, au-delà du « revenu viable », sur les augmentations de salaire, que la provision d’abondants services publics de qualité marginalise la place centrale du salaire de l’économie de marché. Et surtout, dans la lutte commune, on redécouvrirait que la clef du bonheur réside dans la sobre solidarité non dans la drogue sociale que sont la consommation et le divertissement de masse par lesquels l’accumulation capitaliste a corrompu le peuple travailleur depuis le début de l’anthropocène.
Marc Bonhomme, 24 mars 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc videotron.ca
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