ISLAMABAD CORRESPONDANTE EN ASIE DU SUD
Ecrivaine maudite au Bangladesh, son pays, Taslima Nasreen, 45 ans, a été violemment prise à partie, jeudi 9 août, par des activistes d’un parti musulman à Hyderabad, capitale de l’Etat indien d’Andhra Pradesh. La romancière était venue dans le sud de l’Inde pour le lancement de son livre Shodh en telugu, la langue locale. La télévision a montré des hommes lui jetant des objets à la figure et tentant de la frapper avec des chaises. Mme Nasreen s’en est sortie avec quelques bleus. Selon un responsable de la police, N. Madhusudan Reddy, une centaine d’agresseurs ont été arrêtés.
Le président du parti politique incriminé, le Majlis-e-Ittehadul-Muslimeen, a justifié cette agression contre l’écrivaine qu’il juge « anti-islamique ». « Ce qu’ils ont fait est bien et tous les musulmans d’Hyderabad vont féliciter notre parti pour cela », a garanti Salauddin Owaisiwill sur la chaîne de télévision Headlines. « Vous ne pouvez pas écrire n’importe quoi juste pour la gloire. Vous devez respecter les sentiments des gens », a plaidé le chef de cette formation, qui soutient le Parti du Congrès à l’assemblée de l’Andhra Pradesh. Centre de la « high-tech » indienne avec Bangalore et Chennai, Hyderabad compte 38 % de musulmans sur une population de 6,5 millions d’habitants.
L’écrivaine n’en est pas à son premier ennui avec les extrémistes islamistes. Dès 1990, les fondamentalistes du Bangladesh ont lancé des campagnes contre elle. En 1993, une organisation nommée « Soldats de l’islam » avait édicté une fatwa et mis sa tête à prix, l’accusant de critiquer l’islam. Mme Nasreen a dû fuir le Bangladesh en 1994 pour échapper à des extrémistes qui menaçaient de la tuer après que le quotidien indien The Stateman lui eut fait dire que le Coran devait être modifié pour reconnaître plus de droits aux femmes. Le Bangladesh a interdit ses quatre romans autobiographiques, affirmant qu’ils « contenaient des appréciations contre l’islam et qu’ils pouvaient détruire l’harmonie religieuse de Bangladesh », pays musulman à plus de 80 % et qui compte une communauté hindoue (13 %) et des minorités bouddhiste et chrétienne.
MENACE DE MORT
En quittant le Bangladesh, Taslima Nasreen a vécu en Europe, notamment en Suède où elle a obtenu l’asile politique. Il y a deux ans, elle est revenue à ses racines bengalies en Inde et vit depuis à Calcutta. En novembre 2003, le gouvernement du Bengale occidental, dont Calcutta est la capitale, avait interdit la vente de Dwikhandoto, troisième partie de son autobiographie. Cette interdiction a été levée par une Haute Cour en septembre 2004. Mais en mars 2007, le All India Ibtedad Council avait offert 500 000 roupies (10 000 euros) contre sa tête. Le président de ce groupe, Taqi Raza, avait affirmé que cette menace serait levée seulement après les excuses de l’écrivaine, la promesse qu’elle brûle ses livres et qu’elle quitte l’Inde.