ISLAMABAD CORRESPONDANTE EN ASIE DU SUD
Désespéré de trouver une solution à la crise politique qui secoue son régime, le président Pervez Musharraf a envisagé d’imposer l’état d’urgence au Pakistan avant de renoncer, jeudi 9 août, à franchir le pas. « Après des consultations mouvementées avec ses collègues, le président a décidé que l’état d’urgence ne devait pas être déclaré », a affirmé à la télévision le ministre de l’information Mohammad Ali Durrani, mettant fin, pour l’instant, à vingt-quatre heures d’incertitudes et de rumeurs qui ont fait plonger la Bourse de Karachi. Ce nouvel épisode illustre la fragilité d’un gouvernement et d’un président dont l’objectif immédiat est de trouver le moyen d’assurer sa réélection à la présidence pour cinq ans et en uniforme, ce que conteste l’opposition politique et, au-delà, l’opinion publique en général. Huit ans après avoir renversé le gouvernement élu du premier ministre Nawaz Sharif, le général Musharraf n’a jamais été en aussi mauvaise posture, assailli à l’intérieur comme à l’extérieur.
CHRONOLOGIE
9 MARS :
le président de la Cour suprême, Mohammad Iftikhar Chaudhry, est destitué sous la pression du président Musharraf. Son limogeage déclenche un vigoureux mouvement hostile à l’autoritarisme de M. Musharraf.
10-11 JUILLET :
assaut de l’armée contre la mosquée Rouge, sanctuaire islamiste au cœur d’Islamabad. Au moins une centaine d’islamistes sont tués.
14 JUILLET :
en représailles, les fondamentalistes multiplient les attentats.
20 JUILLET :
la Cour suprême inflige un camouflet à M. Musharraf en décidant de réinstaller à sa présidence le juge Chaudhry.
23 JUILLET :
Islamabad réaffirme son opposition à toute frappe américaine contre les bases d’Al-Qaida dans les zones tribales frontialières de l’Afghanistan.
Kaboul appelle Islamabad à coopérer contre les talibans
Au Pakistan, à en croire un sondage de l’International Republican Institute (IRI), une organisation américaine proche du Parti républicain du président George Bush, sa cote de popularité est passée de 60 % en juin 2006 à 34 %. 62 % des personnes interrogées affirment qu’elles sont hostiles à la réélection du président par les assemblées qui siègent actuellement mais dont le mandat expire le 15 novembre ; et le même pourcentage estime que le général doit quitter son uniforme s’il veut être réélu.
Ces deux options ont été écartées par M. Musharraf qui répète à l’envi qu’il sera élu en uniforme entre le 15 septembre et le 15 octobre par les assemblées en place. Un résultat qui sera sans aucun doute contesté par la Cour suprême qui redouble d’activisme depuis la spectaculaire réinstallation de son chef Mohammad Iftikhar Chaudhry que le président Musharraf avait tenté d’écarter. La vaine tentative, le 9 mars, de mettre fin aux fonctions du président de la Cour suprême avait déclenché un mouvement prodémocratique profond et surtout redonné à l’institution judiciaire une confiance jusque-là inexistante. Le président Musharraf ne peut plus espérer de ce côté-là, comme cela avait toujours été le cas, la moindre bienveillance.
En outre, le président affronte depuis le sanglant assaut donné contre la mosquée Rouge d’Islamabad, début juillet, la colère des extrémistes islamistes dont les attentats-suicides ont déjà fait plus de 200 morts, dont une trentaine dans la capitale.
Sous la pression et les menaces des Etats-Unis qui lui demandent d’en faire plus contre les extrémistes et membres d’Al-Qaida installés dans les zones tribales frontalières de l’Afghanistan, le général a renforcé son armée dans ces zones mais celle-ci fait face à des attaques quotidiennes et paraît plus être en position défensive qu’offensive. Depuis la dénonciation par les talibans locaux de l’accord de paix signé avec le gouvernement en septembre dans la zone frontalière du Nord-Waziristan, une véritable guerre se déroule dans cette région quasiment coupée du reste du monde.
A l’extérieur, le président est aussi sous pression et Washington, qui soutient encore son « meilleur allié » dans la guerre contre le terrorisme, exprime de plus en plus de doutes sur sa capacité à faire face aux défis qui s’accumulent. La renonciation par le président Musharraf à la proclamation de l’état d’urgence pourrait être une des conséquences du coup de téléphone nocturne de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice. Celle-ci n’a pas appelé pour rien le président pakistanais à 2 h 30 du matin (heure locale) et pendant 17 minutes.
Les Etats-Unis veulent garder le président Musharraf mais le poussent à trouver des alliances susceptibles de lui créer la base politique qui lui fait sérieusement défaut, le parti qu’il a lui-même mis en place hésitant de plus en plus sur la conduite à tenir. L’état d’urgence aurait placé l’administration Bush dans une position délicate à un moment où l’opposition démocrate questionne le soutien aveugle aux autorités d’Islamabad.
Les options du président pakistanais se réduisent alors que le temps presse pour les échéances politiques à venir, l’élection présidentielle et les élections législatives au plus tard en janvier 2008. Soutenue par Washington, la tentative de rapprochement avec l’ex-premier ministre Benazir Bhutto marque le pas et les exigences de celle-ci s’accroissent proportionnellement à la faiblesse de M. Musharraf. Beaucoup, y compris parmi ses proches, estiment le temps venu pour lui de partir mais, au Pakistan, aucun dictateur militaire n’a quitté de plein gré le pouvoir.
Article paru dans l’édition du 11.08.07. LE MONDE | 10.08.07 | 15h05 • Mis à jour le 10.08.07 | 15h05.
Un des principaux chefs de l’opposition libéré sur ordre de la Cour suprême pakistanaise
ISLAMABAD CORRESPONDANTE EN ASIE DU SUD
Libéré sous caution sur ordre de la Cour suprême, Javed Hashmi, leader du parti de la Ligue musulmane, de l’ex-premier ministre Nawaz Sharif, a appelé, dimanche 5 août, tous les partis politiques pakistanais à s’unir pour « en finir avec la dictature ».
Cette libération, qui constitue un nouveau revers pour le président Pervez Musharraf, a été ordonnée par trois juges dont le président de la Cour suprême, Mohammad Iftikhar Chaudhry, réinstallé dans sa position après une vaine tentative du général Musharraf de l’écarter. M. Hashmi avait été condamné à vingt-trois ans de prison pour avoir fait état au Parlement d’une lettre critiquant le général Musharraf et dont il assurait qu’elle avait été écrite par des officiers supérieurs de l’armée. Il avait été arrêté en octobre 2003, et condamné en avril 2004 pour « diffamation » à l’égard du gouvernement, « incitation à la révolte » et « production de faux documents ». La condamnation de M. Hashmi avait alors été largement considérée comme politiquement motivée.
Appelant le général Musharraf à laisser rentrer, avant les élections législatives, les deux anciens premiers ministres en exil, Nawaz Sharif et Benazir Bhutto, il a aussi souligné que le général devrait démissionner pour montrer son engagement à l’organisation d’élections libres et honnêtes.
« Comment s’attendre qu’un homme qui organise l’élection présidentielle selon son désir puisse présider à des élections honnêtes ? », s’est-il interrogé. A sa sortie de prison, samedi après-midi, et devant des centaines de fidèles qui l’attendaient, M. Hashmi avait affirmé : « La vraie liberté viendra pour moi le jour où nous en finirons avec ces généraux qui renversent les gouvernements élus. »
Venu de Lahore à Islamabad dans une caravane de voitures pour permettre à ses partisans de le féliciter le long de la route, M. Hashmi, qui est député, devrait assister, lundi 6 août, à la session parlementaire à Islamabad.
Article paru dans l’édition du 07.08.07. LE MONDE | 06.08.07 | 16h30 • Mis à jour le 06.08.07 | 16h30.
Une frappe aérienne contre les talibans fait à nouveau des victimes civiles
ISLAMABAD CORRESPONDANTE EN ASIE DU SUD
La coalition sous commandement américain affirme avoir procédé à une « frappe de précision » contre deux commandants talibans, jeudi 2 août, près du village de Qaleh Chah (nord de la province d’Helmand) « après s’être assurée qu’il n’y avait aucun Afghan innocent dans la zone ».
Les habitants expliquent qu’ils s’étaient rassemblés pour assister à l’exécution, par les talibans, de deux hommes accusés d’espionner pour les Etats-Unis et que les bombardements ont touché de très nombreux civils. Des blessés et parmi eux au moins un enfant ont été transportés dans les hôpitaux de Lashkar Gah et Kandahar. Dans une région isolée où n’existe quasiment aucune présence gouvernementale, il est difficile de faire la part des choses, mais même si les circonstances restent confuses, il semble évident que des civils en nombre encore indéterminé ont été une nouvelle fois atteints.
Les forces de la coalition n’ont pas précisé l’identité et le sort des commandants talibans visés, mais le ministère de la défense afghan a affirmé que « les corps de mollah Abdul Rahim (commandant des talibans dans la province d’Helmand) et de dizaines d’autres terroristes ont été retrouvés ». Le porte-parole du ministère, le général Mohammad Azimi, a ajouté ignorer si Mansour Dadullah, qui a remplacé son frère tué en mai comme commandant taliban des provinces du Sud, avait été tué.
La mort de civils et le sort des 21 otages sud-coréens toujours détenus par les talibans figureront en bonne place des entretiens que devait avoir, dimanche à Camp David, aux Etats-Unis, le président afghan Hamid Karzaï avec le président Bush.
Article paru dans l’édition du 05.08.07. LE MONDE | 04.08.07 | 13h31.