« Jordan Bardella, vous êtes en avance, je vous propose de passer votre tour sur ce thème de l’énergie, car on va parler ensuite d’immigration, un thème qui vous est cher », avance soudain le journaliste David Pujadas. C’est ainsi que, le 21 mai dernier, s’est achevée sur LCI la séquence d’échanges autour de l’écologie lors du premier grand débat télévisé entre huit têtes de liste des élections européennes. Cette discussion à propos de l’urgence écologique, d’une vingtaine de minutes dans une émission qui a duré plus de trois heures, a porté sur un thème très restreint intitulé : « Renouvelable ou nucléaire, faut-il choisir ? » Et la joute n’a donc même pas donné à entendre sur l’écologie le candidat du Rassemblement national qui, pourtant, caracole en tête des intentions de vote.
Une semaine plus tard, sur le plateau de BFM, les huit principales têtes de liste se sont retrouvées pour parler des questions environnementales lors d’une séquence étonnamment baptisée « L’Europe est-elle trop verte ? ». Les échanges se sont concentrés sur l’interdiction européenne des ventes de voitures thermiques neuves à partir de 2035. Bien loin du nécessaire débat démocratique sur comment sortir de façon socialement juste du pétrole pour répondre au changement climatique, François-Xavier Bellamy, tête de liste Les Républicains, a asséné : « On va condamner les Français à vivre à Cuba. »
Quant à Marion Maréchal (Reconquête), elle a parlé à propos de la fin des voitures diesel de « sabotage d’une filière industrielle » avant de lâcher que la France ne représentait actuellement que « 1 % des émissions mondiales ». Un argument familier des climatosceptiques, qui met sous le tapis le fait que l’Hexagone a une responsabilité historique dans le réchauffement planétaire. Si l’on observe les rejets de CO2 cumulés dans nos cieux depuis 1850, la France est le douzième plus gros émetteur mondial.
Mais les saillies climatorassuristes de la droite comme de l’extrême droite et le cantonnement journalistique de la question écologique à un bref débat sur les voitures à essence nous détournent de la dure réalité climatique. En avril dernier, le programme européen Copernicus a estimé que, en Europe, le réchauffement du climat est deux fois plus rapide que dans le reste du monde et que, pour la seule année 2023, les pertes financières dues aux impacts des dérèglements climatiques sur le continent, hors canicules, ont été évaluées à 13,4 milliards d’euros. Un thème « qui devrait être cher » à toutes les têtes de liste, bien loin des postures carbopatriotiques.
Mickaël Correia
