Crédit Photo. Pedro Nuno Santos, président du Parti socialiste. DR
Pas de parti hégémonique
L’euphorie socialiste, avec une victoire décimale, cache la réalité constatée lors des élections législatives du 10 mars et confirmée par les élections européennes : ni le Parti socialiste ni l’Alliance démocratique n’occupent une position hégémonique dans la politique portugaise. Le virage à droite du mois de mars se poursuit et provoque un malaise général au centre politique. En même temps, l’appréhension populaire grandit face à la montée de l’extrême droite aux législatives (18 %), malgré sa chute deux mois plus tard aux élections européennes (9 %).
Les partis à gauche des socialistes n’ont pas encore réussi à se remettre des défaites de ces dernières années, mais ils ont réussi à stabiliser le vote obtenu aux législatives de mars dernier et doivent maintenant chercher à avancer pour regagner le terrain perdu. Les partis à droite de l’AD continuent de gagner du terrain, talonnant la droite traditionnelle, qui peine à conserver son mince avantage (aux élections législatives, elle avait moins d’un point d’avance sur le Parti socialiste).
L’Alliance démocratique impose l’austérité et la privatisation
Le gouvernement minoritaire de l’AD est instable mais devra approuver un budget de l’État en octobre. Il annonce des programmes sectoriels sur l’immigration, la santé et le logement pour conditionner à la fois le PS et l’extrême droite aux politiques européennes et aux politiques sociales. Malheureusement, nous savons déjà ce que cela signifie : les changements lancés par la droite sans passer par le Parlement deviennent toujours difficiles à renverser par la suite. En trois mois, le gouvernement a déjà imposé de fortes barrières à la régularisation des travailleurEs immigréEs illégaux, abrogé la fragile mesure socialiste qui mettait fin au « visa doré » — après dix ans sous la pression du mouvement social —, s’apprête à privatiser des structures de santé et essaie de résoudre le manque d’enseignantEs en invitant des retraitéEs, ce qui aura peu de résultats. Le tout sous le signe du pragmatisme et de la rapidité, car le Premier ministre a transformé le gouvernement en comité électoral.
Le PS fait le pari d’accéder au statut de « première force du pays » pour accentuer l’usure du gouvernement. Mais le fait est que le PS, qui a formé un gouvernement à majorité absolue et qui a démissionné de sa propre initiative puis perdu en mars 42 sièges (le Parlement compte 230 députéEs), ne représente pas une alternative à une gouvernance de droite.
Un gouvernement par décrets
Pour l’instant, la droite ignore le Parlement et gouverne par décrets, tentant de répéter l’expérience de Cavaco Silva dans les années 1980, lorsqu’un gouvernement minoritaire PSD renversé au Parlement avait réussi à imposer une majorité durable et confortable. Si elle n’y parvient pas, elle essaiera de rejoindre le parti ultralibéral (IL) et l’extrême droite (Chega) pour gouverner, car elle n’aura pas d’autre choix.
Le Parti socialiste est dans les mêmes conditions : même si un refus parlementaire du budget d’État aboutissait à des élections à court terme et que le PS devançait l’AD, il n’aurait guère de majorité pour gouverner. La seule proposition que le PS semble promouvoir est le retour au consensus néolibéral qu’il a utilisé avec feue sa majorité absolue.
Le problème de la gauche est différent. Avec un peu plus de 10 % au total, l’ensemble des partis qui représentent cet espace — Bloc de Gauche, PC et Livre (Verts) — ont perdu du terrain depuis 2022. Cependant, le Bloc de gauche s’est quelque peu redressé et a stabilisé son vote en 2024 à 4,3 %. Dans les gigantesques manifestations du 50e anniversaire du 25 avril et celles des mouvements sociaux, notamment dans la lutte pour le logement, féministe, antiraciste et LGBT, il y a une revendication d’unité qui constitue une alternative à la droite et à la menace de l’extrême droite.
Daniel Borges