Trois participant.es étaient présent.es. Cette première session estivale n’avait pu se faire en juin à cause d’une météo assez capricieuse ventée et pluvieuse. Trois autres promeneurs se sont arrêtés, intrigués par notre dispositif. L’OPIE est toujours partenaire de ces sorties.
Nous avons déjà explicité l’intérêt des observations nocturnes des Hétérocères. Les lectrices et lecteurs pourront retrouver ces informations sur les précédents articles parus sur le site de Beaumonts-Nature-en-Ville ou ESSF.
La température, de 24°C en début de soirée, s’est abaissée jusqu’à environ 19°C vers 2h, le 9 juillet. Notons l’absence de vent et de lune (des facteurs favorables) et une faible couverture nuageuse. Nous avons profité des grilles de protection du terrain derrière la mare qui s’affaisse, pour y tendre un des drap. C’est la première fois que nous avons pu poser un drap à la verticale, à l’aide de nombreuses pinces à linge. Cela a rendu l’observation des insectes plus aisée. Un second drap était couché à terre.
Les observations et photographies ont donc été réalisées sur un drap blanc éclairé par une lampe Lepiled (lampe à diodes électroluminescentes).
Divers insectes appartenant à d’autres ordres que celui des Lépidoptères ont également été attirés par ces radiations lumineuses : des punaises (hétéroptères), quelques diptères, des coléoptères - ainsi qu’une araignée.
Nous avons pu observer environ 20 espèces de papillons de nuit dont cinq sont « nouvelles » pour le parc des Beaumonts
Dispositif d’éclairage par la LépiLED mis en place pour la nuit du 8 au 9 juillet 2024. Cliché André Lantz
LÉPIDOPTÈRES
A - Géomètres, Geometroidea.
Six espèces ont été attirées par la lampe.
• Un imago de l’Alternée Epirrhoe alternata (Müller, 1764). Cette géomètre est très commune au parc des Beaumonts. Sa chenille se nourrit des nombreux gaillets dont le Gaillet gratteron (Galium aparine) qui prospère dans les friches. Cette espèce a la particularité de se poser soit avec les ailes relevées à la verticale sur le dos soit posées à plat sur le drap.
L’Alternée, Epirrhoe alternata, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
L’Alternée, Epirrhoe alternata, photo prise de jour, Beaumonts, 9 mai 2024, cliché Pierre Rousset
• Un mâle de la Boarmie rhomboïdale Peribatodes rhomboidaria (Denis & Schiffermüller, 1775) s’est posé après 01h le 9 juillet. Cette géomètre est très commune et on l’observe très souvent.
La Boarmie rhomboïdale Peribatodes rhomboidaria, Beaumonts 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
• Au moins 6 imagos de l’Impolie Idaea aversata (Hübner, [1799]) se sont posés durant la nuit.. Cette espèce possède une assez grande variabilité de coloration. Certains individus présentent un bande médiane plus ou moins foncée. La largeur de cette bande est également variable. Espèce commune au parc, sa chenille est polyphage (elle se nourrit de nombreuses plantes). On peut l’observer d’avril à octobre en plusieurs générations.
L’Impolie, Idaea aversata, forme avec une bande sombre, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché : André Lantz
L’Impolie, Idaea aversata, sans bande sombre, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
L’Impolie, Idaea aversata, avec bande sombre, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, avec un Téléphore fauve, Rhagonycha fulva, cliché Pierre Rousset
• Un adulte de la Phalène rustique ou Acidalie rustique Idaea rusticata (Denis & Schiffermüller, 1775) fut observé. Cette petite géomètre dont l’envergure se situe entre 12 et 20mm est assez régulièrement inventoriée dans le parc, soit posée sur la végétation, soit attirée par la lumière. On la rencontre dans les friches, les lieux ouverts. La chenille consomme des feuilles fanées de diverses plantes herbacées ou ligneuses : ronce, clématite…Vole de juin à août. Patrice Leraut signale une seconde génération de septembre à octobre à Paris.
L’Acidalie rustique Idaea rusticata, Beaumonts 8-9 juillet 2024, clichés Pierre Rousset
• Trois imagos de l’Ennomos rongé Ennomos erosaria (Denis & Schiffermüller, 1775) ont été observés pour la première fois au parc des Beaumonts. La forme découpée des ailes antérieures et postérieures est caractéristique du genre. Pour cette espèce les pointes sont très saillantes. Elle présente aussi un dimorphisme saisonnier. La première génération est jaune pâle, la seconde plus rousse. La chenille s’alimente sur les feuilles de divers arbres : chêne, charme, peuplier, orme… Vole de juin à juillet, puis de août à septembre. Elle avait été retrouvée pour la première fois en Seine-Saint-Denis à Gagny lors d’une prospection de l’ANCA (Association des Naturalistes des Coteaux d’Avron). Selon Philippe Mothiron cette espèce a connu un déclin rapide en Île-de-France à partir de la fin des années 1970. Cette observation en territoire très urbanisé est donc intéressante.
L’Ennomos rongé, Ennomos erosaria, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
L’Ennomos rongé, Ennomos erosaria, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
• Un imago bien frais de la Philobie alternée Macaria alternata (Denis & Schiffermüller, 1775) a été observé. Cette espèce est très voisine de la Philobie tachetée Macaria notata (Linnaeus, 1758). La distinction des imagos de ces deux espèces n’est pas très aisée quand ils ont perdu des écailles et sont abîmés. Les ailes et surtout la lunule subapicale [marque en forme de croissant proche de l’extrémité] de l’aile antérieure sont nettement plus sombres chez alternata. La chenille vit sur les saules, prunelliers , aulnes, chênes…
La Philobie alternée, Macaria alternata, Beaumonts 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
La Philobie alternée, Macaria alternata, Beaumonts 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
M. notata se rencontre plus aisément en milieu humide sous les Bouleaux, comme en forêt de Gros-Bois ou en forêt Notre-Dame (département du Val-de-Marne). M. alternata accepte plus facilement les milieux urbanisés. Cette espèce n’avait été observée de jour que deux fois sur le parc : en 2013 et 2020.
B - Noctuelles, Noctuoidea
Cinq espèces différentes ont été notées :
• La noctuelle vert-lustré ou noctuelle du Camérisier Polyphaenis sericata (Esper, 1787) se caractérise par par ses ailes antérieures verdâtres et ses lignes transversales blanchâtres évoquant un peu les lichens. Les ailes postérieures sont d’une couleur cuivré-orangé, un peu brillantes, bordées par une bande noire. La chenille consomme diverses Rosacées (Prunus) et les cornouillers (Cornus), le Chêvre-Feuille et les Troënes. Philippe Mothiron indique que cette espèce est thermophile. A la fin du XXe siècle, on ne la trouvait en région parisienne que dans les secteurs d’Etampes et de Fontainebleau. Le réchauffement climatique a accéléré sa progression dans le nord et l’est de la capitale. Après avoir été observée une première fois à Gagny, elle est donc nouvelle pour le parc des Beaumonts.
La noctuelle du Camérisier Polyphaenis sericata, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
La noctuelle du Camérisier Polyphaenis sericata, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
• La Pie Aedia funesta (Esper, 1786), comme son nom vernaculaire l’évoque, est noire et blanche. Sa chenille consomme les Convolvulacées dont les liserons. L’adulte vole en deux générations. Patrice Leraut la note aux abords des habitations jusque dans Paris. Semble peu présente du sud et de l’ouest de la France. Mothiron signale qu’elle est surtout observée en ville ou en village, donc une espèce anthropophile ! Cette espèce est cependant nouvelle pour le parc.
La Pie, Aedia funesta, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
La Pie, Aedia funesta, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
• Le Manteau bordé Eilema lurideola (Zincken, 1817). Les ailes sont plates et ne s’enroulent pas sur le corps au repos. La bande costale (qui est située en général au bord de l’aile antérieure) jaune se réduit vers le tornus (coin inférieur d’une aile, à l’opposé de l’apex). Enfin un autre critère important est l’observation de l’abdomen. Seule l’extrémité de ce dernier est jaune. La chenille se nourrit de Lichens. Elle avait déjà été élevée au parc sur Xanthoria parietina. Deux imagos ont été observés lors de cette nuit.
Le Manteau bordé Eilema lurideola, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
Le Manteau bordé Eilema lurideola, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
• Autre espèce : un imago du Collier soufré Noctua janthe (Borkhausen, 1792) ou du Casque Noctua janthina (Denis & Schiffermüller, 1775). L’examen des genitalia (l’appareil copulateur) est recommandé pour séparer ces deux espèces qui cohabitent dans le parc.
Le Collier soufré Noctua janthe ou le Casque Noctua janthina, Beaumonts 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset.
• Le Gamma ou Lambda Autographa gamma (Linnaeus,1758), espèce très commune dont l’imago s’envole facilement quand on s’approche de lui dans les prairies. Il n’est pas très attiré par la lumière.
Le Gamma, Beaumonts 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset.
C - Pyrales
Peu de spécimens lors de cette session, mais l’observation d’une nouvelle espèce.
• Nous avons compté quelques phycides de l’espèce Homoeosoma sinuella déjà observée de jour et de nuit sur le parc.
Homoeosoma sinuella, Beaumonts 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset.
• Ainsi qu’un crambe : le crambe des pâtures Chrysoteuchia culmella très courant.
Le crambe des pâtures Chrysoteuchia culmella, Beaumonts 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset.
• Une nouvelle espèce pour le parc de la famille de la famille des Galleriinae fut observée : la petite teigne des ruches Achroia grisella (Fabricius, 1794). Les ailes antérieures sont bien arrondies et de couleur unie brun à beige. On peut voir également quelques plis caractéristique sur l’aile. Seule la tête est colorée de jaunâtre. Les palpes labiaux sont très petits et la trompe est atrophiée. Cette espèce est souvent observée près des ruchers même en milieu urbain. L’adulte ne viendrait que rarement à la lumière selon Patrice Leraut. La chenille consomme la cire des ruches et divers détritus d’animaux. Elle peut en cas de pullulation affaiblir les ruches. La présence du rucher dans le parc explique sa découverte. Elle ne semble pas être déjà répertoriée en Seine-Saint-Denis.
La petite teigne des ruches Achroia grisella, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz.
• Un imago (adulte) de l’Asopie de la farine ou Pyrale de la farine Pyralis farinalis (Linnaeus, 1758) s’est posé sur le drap. Déjà obsevé aux abords du parc, cette espèce commune se rencontre davantage en ville près des boulangeries et des entrepôts. La chenille consomme des débris organiques, paille, fruits secs, céréales.
La Pyrale de la farine, Pyralis farinalis, Beaumonts 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset.
• Un exemplaire de la Flamme, Endotricha flammealis (Denis et Schiffermüller, 1775), fut également observé. Cette espèce estivale est pratiquement attirée chaque année à la lumière.
La Flamme, Endotricha flammealis, Beaumonts 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset.
D - Tordeuses, Tortricidae
Quatre représentants de ce groupe de petits papillons, dont les chenilles ont la particularité d’enrouler ou de tordre les feuilles pour se cacher, furent attirés lors de cette séance.
• L’Agapète des chardons Agapeta hamana (Linnaeus, 1758), est une espèce commune au parc où elle se trouve sur la végétation en journée. De couleur jaune, elle est agrémentée de stries rouille-orangées. La chenille vit dans les friches sur les chardons et cirses.
L’Agapète des chardons Agapeta hamana , Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
L’Agapète des chardons Agapeta hamana, avec un Téléphore fauve, Rhagonycha fulva, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
• L’Eucosmie de Metzner Eucosma metzneriana (Treitschke, 1830) est nouvelle pour le parc. Les ailes antérieures sont blanchâtres, ainsi que le front et la tête. La strie anté-médiane est bien formée, gris olivacé, la post-médiane très coudée. Les chenilles vivent sur les artémises ou armoises. Non recensée sur la Seine-Saint-Denis depuis 1980 selon le site Lépi’net.
L’Eucosmie de Metzner Eucosma metzneriana , Beaumonts 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
L’Eucosmie de Metzner Eucosma metzneriana , Beaumonts 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
• L’Eucosmie de laitue scariole, Eucosma conterminana (Guénée, 1845). Espèce assez commune au parc. Chenille sur laitues sauvages, jardins, friches talus… vole de juin à septembre.
Eucosmie de la laitue scarole, Eucosma conterminana, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
• L’Acléride de l’érable, Acleris forsskaleana (Linnaeus, 1758). Espèce assez commune reconnaissable à sa petite taille et ses ailes antérieures jaunes finement réticulée de roussâtre. Les chenilles commencent à consommer les fleurs puis s’enroulent ensuite dans une feuille d’érable. Déjà observée à plusieurs reprises.
L’Acléride de l’érable, Acleris forsskaleana , Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
L’Acléride de l’érable, Acleris forsskaleana, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
• L’Archips des haies Archips xylosteana , (Linnaeus, 1758). Espèce commune qui avait été observée en mai dernier pour la première au parc des Beaumonts. Cela est donc la deuxième donnée connue pour ce site. L’aile antérieure, décorée de plusieurs motifs, possède un apex légèrement crochu. La chenille consomme les feuilles de plusieurs essences arbustives : chêne, bouleau, noisetier, saule, cerisier … et également les ronces et le chèvrefeuille. L’adulte vole de mai à août dans les bois, les haies et les jardins.
L’Archips des haies, Archips xylosteana, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
Reprise de la photo de mai dernier par André Lantz.
L’Archips des haies, Archips xylosteana, Beaumonts, 27 mai 202 ; cliché @ André Lantz
• Une Eucosmidae indéterminée. Une indication de plus sur la grande diversité des espèces observées durant cette nocturne.
Une Eucosmidae non identifiable, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché Pierre Rousset
E - Scythrididés, Scythrididae
Cette famille de microlépidoptères se divise en une trentaine de genres.
Ce sont en général des papillons diurnes, au corps profilé et qui se dressent sur leurs pattes. Les ailes s’enroulent sur l’abdomen et les antennes sont disposées au repos le long du corps, ce qui les distingue des Coléophores. Les espèces du genre Enolmis et quelques unes du genre Scythris sont attirées de nuit par la lumière. Sur la photo ci-dessous la position des antennes contredit la phrase supérieure. L’adulte adopte peut être une autre position avant de se reposer.
• L’Enolmide de Godart, Enolmis acanthella (Godart, 1824) est une espèce facilement reconnaissable. La chenille vit sur divers lichens croissant sur les pierres, les rochers où les murs. Patrice Leraut la note en milieu urbanisé. J’ai eu souvent l’occasion de photographier l’adulte sur les murs en ville et en particulier dans la rue des charmes en bas du parc où un couple s’était formé.
L’Enolmide de Godart, Enolmis acanthella, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
L’Enolmide de Godart, Enolmis acanthella, Beaumonts, 8-9 juillet 2024, cliché André Lantz
Couple d’Enolmide de Godart, Enolmis acanthella , Beaumonts, 1 juillet 2021, cliché André Lantz