L’actu du jour – Malgré la pluie, une cérémonie d’ouverture globalement réussie
Celles et ceux qui espérait du grandiose ont été servi·es par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, vendredi 26 juillet. Et ce, malgré les pluies diluviennes qui se sont abattues toute la soirée sur la capitale, rendant la performance des artistes, danseuses et danseurs d’autant plus exceptionnelle. Certes, les organisateurs avaient mis les moyens : la note de la cérémonie s’élève à au moins 122 millions d’euros, selon Le Canard Enchainé, soit trois fois plus que celle des Jeux olympiques de Londres en 2012.
Pêle-mêle, la chanteuse Lady Gaga est venu rendre hommage au music-hall français ; Aya Nakamura a fait danser la garde républicaine devant l’Académie française ; la mezzo-soprano Axelle Saint-Cirel a chanté La Marseillaise sur le toit du Grand Palais ; Philippe Katerine est apparu, nu et tout maquillé de bleu, en Dyonisos ; Juliette Armanet et Sofiane Pamar ont interprété sur une barge Imagine de John Lennon. Et, clou du spectacle, Céline Dion a repris L’Hymne à l’amour d’Édith Piaf, perchée sur la tour Eiffel, quatre ans après son dernier concert.
Le grand show concocté par le metteur en scène Thomas Jolly, qui entrecoupait le défilé des 205 délégations d’athlètes sur des bateaux allant d’est en ouest sur la Seine, fut aussi éminemment politique. Pour preuve, l’hommage rendu aux héroïnes de l’histoire de France comme Louise Michel, Simone Veil ou Gisèle Halimi, qui se sont vu ériger des statues à deux pas de l’Assemblée nationale, la culture queer mise à l’honneur durant une grande partie de la cérémonie, et cette séquence où une aristocrate décapitée a entonné le chant révolutionnaire « Ah ! ça ira » à la Conciergerie, lieu de détention de Marie-Antoinette, accompagnée par le death métal du groupe français Gojira.
Tout juste allumée par Marie-José Pérec et Teddy Riner, la vasque olympique s’envole, le 26 juillet à Paris. © Photo Mohd Rasfan / AFP
Notons qu’Emmanuel Macron a aussi été sifflé par la foule quand il a officiellement ouvert les Jeux. Sur les coups de 23 h 30, ce sont les deux triples champion·ne·s olympiques Marie-José Pérec et Teddy Riner, qui ont eu l’honneur d’allumer la flamme olympique – portée par une montgolfière, elle s’est ensuite envolée au-dessus de Paris dans une image saisissante.
Seules ombres au tableau de la soirée : les discours lénifiants des présidents du Comité internationale olympique (CIO) et du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, Thomas Bach et Tony Estanguet, ainsi que l’incroyable coup de publicité permis à LVMH (voir ci-dessous).
Le machoscope – La bataille des athlètes qui refusent les stéréotypes de genre
Bienvenue en France, un pays qui aime tant contrôler le corps des femmes et des hommes qui aspirent à se jouer des normes de genre. On a encore pu le vérifier avant la cérémonie d’ouverture. Trois polémiques ont surgi : l’une concernant le coureur français de 110 m haies Sasha Zhoya, qui souhaitait porter une jupe lors de l’évènement, une autre au sujet de l’heptathlète Auriana Lazraq-Khlass qui préférait un costume pour hommes, et enfin une dernière concernant Sounkamba Sylla, sprinteuse du relais français en 4 x 400 mètres, à qui on refusait le port du foulard.
Dans ces trois cas, un compromis a fini par être trouvé. Tous·tes ont pu participer à la cérémonie. Mais le fait même que leurs demandes aient suscité un débat en dit long sur la pesanteur genrée du monde. Ainsi Sounkamba Sylla s’est résolue à porter une casquette après des négociations quadripartites – vous avez bien lu, elles se sont tenues entre l’athlète, la fédération d’athlétisme, le ministère des sports et Berluti, la maison de couture (groupe LVMH) qui a conçu les tenues françaises.
Auriana Lazraq-Khlass a quant à elle fini par obtenir l’autorisation de porter une veste à manches longues, et non à manches courtes… Une demande d’abord refusée, et finalement accordée à trois athlètes. En revanche, Sasha Zhoya a renoncé à porter une jupe – ou une jupe sur son pantalon. Il avait pourtant vaincu les réticences des organisateurs français. Mais, selon L’Équipe, l’essayage n’a pas été concluant… Dans un documentaire diffusé sur France 2 le 22 juillet, l’athlète disait : « En 2024, on peut tout mettre ! Il n’y a plus d’homme/femme dans la mode maintenant. » Mais aux JO, si.
La fête du fric – LVMH, invité surprise de la cérémonie
Si l’on avait encore quelques doutes sur le fait qu’en matière de business, le leader mondial du luxe LVMH avait fait main basse sur les JO de Paris 2024, la cérémonie d’ouverture est venue les dissiper. Un court passage de l’évènement diffusé en mondovision a en effet repris quasi à l’identique un des spots publicitaires du groupe censé valoriser l’artisanat, puis on a vu des danseurs porter sur leurs épaules une grosse malle Louis Vuitton, devenue carrément accessoire du spectacle. Un placement publicitaire en or massif.
De quoi asseoir encore la mainmise du numéro un mondial du luxe sur l’évènement, dont il espère tirer de juteux profits. En effet, les marques de LVMH habillent déjà les athlètes français, fournissent les cocktails VIP en champagne, confectionnent les médailles et n’hésitent parfois pas déroger aux règles olympiques interdisant aux sponsors d’apposer leur logo lors des évènements publics. Louis Vuitton fournit par exemple des plateaux à ses couleurs très reconnaissables aux bénévoles qui remettent les médailles aux athlètes. Une « astuce » pour contourner les règles assumée par la direction du groupe.
Le groupe de Bernard Arnault a cependant subi un revers lors de la cérémonie d’ouverture : les smokings et vestes Berluti portés par les athlètes de la délégation française ont été totalement invisibilisés par les ponchos en plastique qu’ils ont enfilés pour se protéger de la pluie qui n’a cessé de tomber vendredi soir.
Côté géopolitique – La diplomatie très à droite d’Emmanuel Macron
Quatre-vingt-cinq chefs d’État et de gouvernement étaient présents à Paris ce vendredi. Emmanuel Macron a choisi d’en inviter une poignée pour des tête-à-tête à l’Élysée. La liste des heureux élus, uniquement des hommes, interroge.
Pour fêter les valeurs olympiques d’« amitié », de « solidarité » et de non-discrimination, le président français a reçu successivement Javier Milei, le président argentin antiféministe, partisan d’une libéralisation des ventes d’organes et qui « préfère la mafia à l’État » (reçu à 11 heures) ; Isaac Herzog, le président israélien, qui dédicace des bombes destinées à Gaza et qui veut se battre contre les Palestiniens « jusqu’à leur bris[er] la colonne vertébrale » (à midi) ; Paul Biya, le président camerounais de 91 ans, qui emprisonne ses opposants pour « insurrection » et qui briguera bientôt un huitième mandat (à 13 heures) ; et enfin Andry Rajoelina, le président malgache, menacé de destitution et qui espionne sa population au moyen d’un logiciel espion (à 14 heures).
Questionné par Mediapart sur cet étonnant programme, l’Élysée relativise. « Il y en aura d’autres : entre les JO, les Jeux paralympiques, les commémorations du Débarquement en Provence le 15 août, il y a aura énormément de chefs d’État en France dans les prochaines semaines, et donc encore beaucoup de rencontres bilatérales », jure la présidence.
La sportive à suivre ce samedi – Audrey Cordon-Ragot, la Bretonne qui résiste à tout
La Morbihannaise Audrey Cordon-Ragot, septuple championne de France du contre-la-montre cycliste, va disputer à 35 ans ses troisièmes JO lors de l’épreuve individuelle qui se déroule samedi 27 juillet à partir de 14 h 30 dans les rues de Paris. Malgré le poids des années, elle brigue une médaille, après être passée à côté à deux reprises.
À Londres en 2012, elle obtenait une honorable 15e place alors qu’elle n’avait même pas 23 ans. Puis à Rio, en 2016, elle a vécu un calvaire durant l’épreuve, apprenant après coup qu’elle souffrait en réalité d’une toxoplasmose. Elle a ensuite raté les JO de Tokyo en 2021, la fédération lui préférant sa jeune concurrente Juliette Labous.
Mais la Bretonne est par la suite redevenue la meilleure française sur l’exercice du chrono, avant un nouveau coup d’arrêt : le 11 septembre 2022, elle a été victime d’un accident vasculaire cérébral. Contrainte de se faire opérer, elle s’en est sortie sans séquelles.
Quelques semaines plus tard à peine, Audrey Cordon-Ragot remontait sur le vélo. Cette année, elle a remporté à nouveau le titre de championne de France de sa discipline, décrochant le précieux billet pour Paris 2024. Sa préparation pour l’évènement semblait optimale... jusqu’à la semaine dernière, où elle a été prise dans une chute qui a mis une quinzaine de coureuses à terre. « J’ai l’impression qu’un camion m’a roulé dessus », témoignait auprès du Télégramme celle qui n’en est plus à une frayeur près.
Déjà rétablie, elle est d’attaque et en pleine possession de ses moyens ce samedi. « Évidemment, je signe pour une médaille », espère-t-elle. On la lui souhaite.
On a testé nous-mêmes – L’ambiance volcanique du rugby à 7 au stade de France
Pour certains sports, les Jeux olympiques ont commencé avant même la cérémonie d’ouverture. C’est le cas du rugby à sept, qui a permis aux spectateurs et spectatrices présent·es au Stade de France le 25 juillet de vivre un premier moment incandescent. Tout particulièrement lors du quart de finale entre la France et l’Argentine, où l’équipe battue perdait toute chance de médaille.
La tension était palpable dans les tribunes : le public français avait visiblement décidé de conspuer les Argentins pour manifester son mécontentement – qui va bien au-delà du rugby – vis-à-vis des chants racistes et transphobes répétés à l’endroit de Kylian Mbappé et de l’équipe de France de football, diffusés dernièrement par des joueurs de foot et des supporters argentins sur les réseaux sociaux.
Aux sifflets à destination des joueurs argentins ont succédé des encouragements nourris plus que de mesure pour les joueurs français qui, transfigurés par le soutien de près de 70 000 spectateurs, ont remporté ce match dont ils n’étaient pourtant pas favoris. La foule a été conquise.
Et alors que la liesse de la victoire française retombait, un autre affrontement tout aussi incroyable a eu lieu quelques minutes plus tard. L’autre quart de finale voyait s’affronter les génies fidjiens, doubles champions olympiques en titre de la discipline, et les Irlandais qui, semblant pourtant inférieurs à leurs adversaires, ont réussi à les faire déjouer.
Au bout des arrêts de jeu, ce sont les Fidjiens qui ont fini par s’imposer. Et l’on a alors vu les acteurs des deux équipes, littéralement à bout de forces, s’effondrer à terre et mettre de longues minutes à regagner les vestiaires. On aurait voulu descendre sur le terrain pour les aider à se relever tant on avait mal pour eux. Pour les remercier du spectacle, aussi.
Mathias Thépot, Justine Brabant et Lénaïg Bredoux