TOKYO CORRESPONDANT
L’annonce d’un accord, mardi 28 août, en vue de la libération des 19 otages encore détenus en Afghanistan a été accueillie avec soulagement à Séoul.
S’il ne semble pas y avoir eu de concessions sur le fond (la libération de prisonniers talibans en échange des otages était considérée comme inacceptable par Kaboul et Washington), des observateurs à Séoul estiment que les ravisseurs pourraient avoir obtenu satisfaction sur d’autres points non rendus publics.
Le retrait du petit contingent (200 hommes) déployé par la Corée du Sud dans le cadre de la coalition dirigée par les Etats-Unis en Afghanistan ne semble guère déterminant puisque celui-ci, prévu pour la fin de l’année, était décidé depuis décembre 2006. Il est possible, fait-on valoir à Séoul, qu’il soit accéléré.
L’autre engagement de la Corée du Sud - arrêter les activités missionnaires chrétiennes en Afghanistan - semble en outre une « maigre » concession au regard de ce que les talibans demandaient en échange des otages. Elle apporte en revanche de l’eau au moulin de ceux qui, à Séoul, critiquent le zèle évangélique des organisations protestantes.
Les otages appartiennent à une petite Eglise presbytérienne, Saemmul. Le groupe s’était rendu en Afghanistan pour des activités humanitaires et non pas évangéliques, mais le dramatique dérapage de cette mission n’en a pas moins mis en lumière le messianisme fervent des Eglises protestantes.
COMPÉTITION ACHARNÉE
La Corée du Sud est le pays le plus chrétien d’Asie après les Philippines : près de 30 % de la population est chrétienne (18 % protestante et 10 % catholique). Introduit à la fin du XIXe siècle, le protestantisme a connu une expansion fulgurante à la suite de la guerre de Corée (1950-1953) et de la présence américaine au Sud.
Avec environ 16 000 missionnaires évangéliques à travers le monde, la Corée du Sud vient juste après les Etats-Unis (40 000). Selon le ministère des affaires étrangères à Séoul, jusqu’en juillet, 200 volontaires sud-coréens se rendaient chaque mois en Afghanistan. Le groupe de l’Eglise Saemmul ne semble pas avoir mesuré les risques qu’il prenait en s’aventurant dans la province de Ghazni (sud-ouest de Kaboul), zone d’affrontements entre les talibans et les forces internationales. Une impréparation imputable à la compétition acharnée, en termes de prosélytisme, à laquelle se livrent les Eglises protestantes, soulignée par le sociologue spécialiste des religions Song Jae-ryong dans le quotidien JongAng-Ilbo.
L’amorce du dénouement de la crise des otages est un succès pour le président Roh Moo-hyun (dont le mandat s’achève en février). Succès qui devrait l’aider à maintenir la poussée d’anti-américanisme d’une partie de l’opinion qui critiquait l’inflexibilité de Washington face aux demandes des talibans alors que la vie de Coréens était en jeu.