Si le président sud-coréen s’est exprimé cette semaine sur ce problème, au fil des ans, les dirigeants du pays semblent avoir eu du mal à comprendre les dommages extraordinaires et souvent permanents que ces crimes causent.
En 2020, j’ai interviewé des femmes en Corée du Sud qui ont survécu à des crimes sexuels numériques, dont certaines ont été ciblées à l’aide d’images truquées. J’ai également parlé au père d’une femme qui s’est suicidée en 2019, après avoir été filmée en secret par un collègue masculin dans le vestiaire de l’hôpital où elle travaillait.
Nous avons également parlé avec des manifestantes. En 2018, le gouvernement sud-coréen a emprisonné une femme qui avait publié une photo nue d’un homme. L’affaire a déclenché une série de six manifestations : des dizaines de milliers de femmes et de filles ont défilé dans les rues de Séoul en scandant des slogans tels que « Ma vie n’est pas ton porno » et « Ne sommes-nous pas humains ? » Les hommes sont généralement libérés dans de tels cas.
Le gouvernement a répondu à ces manifestations en adoptant une loi visant à élargir la gamme des actes punissables comme crimes sexuels numériques et à durcir les peines. Il a également créé un centre d’aide aux survivantes de crimes sexuels numériques.
Ces réponses étaient des signes positifs, mais ont été loin d’être suffisantes. La violence sexiste en ligne est un problème croissant à l’échelle mondiale, mais elle est particulièrement répandue en Corée du Sud. Les juges, les procureurs, la police et les législateurs sud-coréens, dont la grande majorité sont des hommes, ne prennent pas ces crimes suffisamment au sérieux. Les femmes qui demandent l’aide de la police sont souvent licenciées, à nouveau traumatisées et même ridiculisées. Il existe peu de cours d’éducation sexuelle dans les écoles sud-coréennes pour aider les jeunes à comprendre à quel point ce comportement est répréhensible. Ces crimes se produisent dans un contexte de forte inégalité entre les sexes, où l’écart salarial entre les sexes est de 31 %, et où moins de 13% des membres des conseils d’administration sont des femmes.
Le gouvernement sud-coréen sait depuis des années que les crimes sexuels en ligne sont monnaie courante et mortels. Il est temps qu’il prenne cette crise plus au sérieux. Le gouvernement devrait tenir les auteurs de ces crimes responsables de leurs actes, fournir une éducation sexuelle complète, non seulement aux enfants mais aussi aux adultes, et prendre des mesures significatives pour promouvoir l’égalité des sexes.
Heather Barr
Directrice adjointe, division Droits des femmes