Six personnes au moins ont été tuées, mardi 24 septembre, dans un nouveau raid israélien sur la banlieue sud de Beyrouth, bastion du mouvement islamiste Hezbollah, a annoncé le ministère libanais de la santé, l’armée israélienne indiquant avoir mené une « frappe ciblée ». Dans un communiqué, le ministère a indiqué que le bilan « préliminaire » était de « six morts et 15 blessés ».
Le bombardement a frappé un immeuble du quartier de Ghobeiry. Un photographe de l’AFP sur les lieux a rapporté que l’attaque avait détruit deux étages du bâtiment, situé dans cette zone résidentielle densément peuplée. Des dizaines de voitures et de motos qui se trouvaient dans un garage ont été endommagées, ainsi que des immeubles avoisinants et des câbles électriques.
Une source proche du Hezbollah a indiqué à l’AFP qu’un de ses responsables militaires, Ibrahim Kobeissi, avait été tué dans la frappe. Pour sa part, l’armée israélienne a indiqué dans un communiqué que « des avions de chasse de l’armée de l’air ont éliminé mardi à Beyrouth Ibrahim Mohammed Kobeissi, le commandant du réseau de missiles et de roquettes de l’organisation terroriste Hezbollah ».
Kobeissi avait rejoint le mouvement chiite libanais dans les années 1980 et occupé plusieurs postes militaires, dont celui de chef de l’unité Badr, chargé de l’une des trois zones d’opérations du Hezbollah dans le sud du Liban, selon l’armée israélienne.
L’immeuble résidentiel dont les deux derniers étages ont été touchés par une frappe israélienne dans le quartier de Ghobeiri, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 24 septembre 2024. © Photo Anwar Amro / AFP
Cette frappe intervient au lendemain d’un raid similaire qui visait également un responsable du Hezbollah dans la banlieue sud. Ce dernier, Ali Karaké, a échappé à la frappe, selon le Hezbollah.
Ces attaques sont survenues après des coups durs pour le Hezbollah la semaine dernière : des explosions meurtrières ont touché les appareils de transmission du mouvement, faisant 39 morts, et une frappe israélienne ayant fait 55 morts a décimé les dirigeants de sa force d’élite, Al-Radwan, dont son chef Ibrahim Aqil.
Lundi 23 septembre, Israël avait encore intensifié ses bombardements sur le Liban, faisant « 558 morts, dont 50 enfants et 94 femmes », selon un bilan annoncé mardi par le ministre de la santé libanais, Firass Abiad, lors d’une conférence de presse. 1 835 personnes ont été blessées, a-t-il précisé. Ce bilan « dément toutes les allégations israéliennes selon lesquelles l’armée viserait des combattants », a-t-il ajouté.
Ordres d’évacuations
« La vérité, malheureusement, est que la grande majorité, si ce n’est pas tous, sont des personnes non armées qui se trouvaient dans leurs maisons », a-t-il dit. Il s’agit du plus lourd bilan depuis la dernière guerre entre le Hezbollah et Israël en 2006. Le ministre a indiqué que 16 secouristes et pompiers avaient été blessés et qu’un hôpital à Bint Jbeil, dans le sud du Liban, avait été visé par une frappe.
Mardi 24, les bombardements se sont poursuivis et l’armée israélienne a annoncé avoir frappé « des dizaines de cibles du Hezbollah dans de nombreuses régions du sud du Liban ». Les habitant·es d’un village de la région de Sidon, dans le sud du Liban, auraient reçu des appels plus tôt dans la matinée, leur demandant d’« évacuer leurs maisons immédiatement ». Selon l’ANI, l’agence nationale d’information libanaise, les frappes ont touché les régions du sud de Kfarkila, Roumine, Deir el-Zahrani, Doueir, Ebba et Zawtar, la région de Jal el-Bahr à Tyr mardi matin, Markaba et El-Haouch dans la nuit.
Carte des bombardements. © Infographie Mediapart
Les frappes, d’une intensité sans précédent depuis le début des échanges de tirs à la frontière israélo-libanaise en octobre 2023, ont visé « environ 1 600 cibles terroristes » au total, affirmait l’armée israélienne mardi en fin de matinée. Celle-ci a également signalé des explosions secondaires, « indiquant la présence d’armes stockées dans les bâtiments » visés.
Selon le quotidien israélien
L’ONU sonne l’alarme
« Le Liban est au bord du gouffre », a alerté mardi le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, devant l’Assemblée générale à New York (États-Unis), craignant que le pays ne devienne « un autre Gaza », une expression qu’il avait déjà employée dimanche.
Près d’un an après le début de la guerre entre Israël et le Hamas, déclenchée par l’attaque sans précédent du mouvement islamiste et d’autres groupes palestiniens le 7 octobre 2023, « Gaza est un cauchemar permanent qui menace d’emporter toute la région dans le chaos. À commencer par le Liban. Le peuple libanais, le peuple israélien et les peuples du monde ne peuvent se permettre que le Liban devienne un autre Gaza », a-t-il martelé devant les 193 pays de l’ONU réunis pour la semaine annuelle des discours des chefs d’État et de gouvernement.
Dénonçant aussi l’attaque « abominable » du Hamas contre Israël le 7 octobre et la capture d’otages, il a réclamé à nouveau un cessez-le-feu « immédiat », répétant que « rien ne peut justifier d’infliger un châtiment collectif au peuple palestinien ».
« Les civils innocents de Gaza vivent également l’enfer », a aussi rappelé le président des États-Unis, Joe Biden, devant l’Assemblée générale de l’ONU, après avoir dénoncé « les actes ignobles » commis le 7 octobre 2023. « J’ai proposé, avec le Qatar et l’Égypte, un cessez-le-feu et un accord sur les otages, qui ont été approuvés par le Conseil de sécurité des Nations unies. Le moment est venu pour les parties de finaliser les termes de l’accord, de ramener les otages chez eux, d’assurer la sécurité d’Israël et de Gaza libéré du Hamas, d’alléger les souffrances à Gaza et de mettre fin à cette guerre », a-t-il poursuivi, ajoutant : « Une guerre totale n’est dans l’intérêt de personne. »
Un immeuble bombardé dans la banlieue sud de Beyrouth, le lundi 23 septembre 2024. © Photo Hassan Ammar / AP via SIPA
« Nous sommes extrêmement préoccupés par la grave escalade des attaques dont nous avons été témoins hier [lundi 23 septembre – ndlr]. Des dizaines de milliers de personnes ont été forcées de quitter leurs maisons hier et cette nuit, et leur nombre ne cesse d’augmenter », avait précédemment déclaré un porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), Matthew Saltmarsh, lors d’un point de presse à Genève (Suisse). « Il s’agit d’une région qui a déjà été dévastée par la guerre et d’un pays qui ne connaît que trop bien la souffrance », a-t-il ajouté.
Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) appelle également « de toute urgence à une désescalade immédiate » et à ce que toutes les parties respectent leurs obligations en vertu du droit humanitaire international afin de garantir la protection des infrastructures civiles et des civils, y compris les enfants, les travailleurs humanitaires et le personnel médical.
« La journée d’hier a été la pire que le Liban ait connue depuis dix-huit ans. Cette violence doit cesser immédiatement », a affirmé de son côté la représentante adjointe de l’Unicef au Liban, Ettie Higgins, en liaison vidéo depuis Beyrouth.
Les autoroutes du sud du Liban, à destination de Beyrouth, étaient dans la nuit de lundi à mardi bondées de personnes fuyant les attaques israéliennes. Dans l’après-midi de lundi, la capitale du Liban, Beyrouth, a également fait l’objet de bombardements massifs.
Après presque un an de guerre dans la bande de Gaza, le front s’est déplacé vers le nord d’Israël et la frontière avec le Liban, où les échanges de tirs s’intensifient entre le puissant Hezbollah, allié du Hamas et soutenu par l’Iran, et l’armée israélienne. La semaine dernière, Israël a porté un coup à l’organisation en parvenant à faire exploser des pagers et des talkies-walkies utilisés par le Hezbollah. Ce dernier a promis de continuer à attaquer Israël « jusqu’à la fin de l’agression à Gaza ».
L’Iran met en garde contre « un nouveau Gaza »
« Nous ne devons pas permettre que le Liban devienne un nouveau Gaza aux mains d’Israël », a déclaré mardi le président iranien, Massoud Pezechkian, lors d’une interview avec CNN.
Lundi, le chef d’État avait accusé Israël de vouloir « élargir » le conflit au Moyen-Orient, soulignant que cela ne « bénéficierait à personne » et insistant sur le fait que Téhéran ne cherchait pas à « déstabiliser » la région. « Nous savons mieux que quiconque que si une guerre plus importante devait éclater au Moyen-Orient, cela ne bénéficierait à personne dans le monde. C’est Israël qui cherche à élargir ce conflit », a-t-il déclaré à New York lors d’une table ronde avec des journalistes.
Une frappe aérienne israélienne sur le village libanais de Jibal el Botm, près de la frontière, le 23 septembre 2024. © Photo Kawnat Haju / AFP
Massoud Pezechkian, un réformateur qui a prêté serment fin juillet, fait ses débuts à l’ONU, où il participe à l’Assemblée générale annuelle des Nations unies. « Nous avons essayé de ne pas répondre. Ils n’ont cessé de nous dire que la paix était à portée de main, peut-être dans une semaine ou deux », a-t-il affirmé, semblant faire référence à la mort d’Ismaïl Haniyeh, ex-chef politique du Hamas tué en Iran le 31 juillet dans une attaque imputée à Israël, ainsi qu’aux négociations sur un cessez-le-feu à Gaza.
« Mais nous n’avons jamais atteint cette paix insaisissable. Chaque jour, Israël commet de nouvelles atrocités et tue de plus en plus de personnes – des personnes âgées, des jeunes, des hommes, des femmes, des enfants, des hôpitaux, d’autres infrastructures », a-t-il ajouté. Il n’a pas répondu directement à la question de savoir si l’Iran répondrait désormais plus directement à Israël.
« Nous entendons toujours dire que le Hezbollah a tiré une roquette. Si le Hezbollah ne faisait même pas ce minimum, qui le défendrait ? », a dit le président iranien. « Curieusement, nous sommes toujours considérés comme l’auteur de l’insécurité. Mais regardez la situation telle qu’elle est », a-t-il insisté.
La France demande une réunion du Conseil de sécurité
Les États-Unis sont opposés à une invasion terrestre du Liban et vont présenter des « idées concrètes » à leurs partenaires cette semaine à l’ONU pour apaiser ce conflit, a confié un haut responsable états-unien.
« Nous sommes au bord d’une guerre totale » au Liban, a de son côté averti le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, tandis que la France a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité durant cette semaine diplomatique déjà surchargée.
La Chine s’est dite mardi « profondément choquée » par les pertes humaines consécutives aux frappes israéliennes. « La Chine accorde une attention particulière aux tensions actuelles entre le Liban et Israël et est profondément choquée par le grand nombre de victimes causées par ces opérations militaires », a indiqué lors d’un point presse régulier Lin Jian, un porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, en réponse à une question sur les attaques israéliennes. « La Chine s’oppose aux violations de la souveraineté et de la sécurité du Liban, et s’oppose et condamne toutes les actions qui portent atteinte à des civils innocents », a souligné le porte-parole.
Le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, avait affiché lundi, lors d’une rencontre à New York avec son homologue libanais Abdallah Bou Habib, un ferme soutien au Liban. « Nous sommes fermement opposés aux attaques aveugles contre les civils », a indiqué le ministre, selon un communiqué diffusé mardi. « Quelle que soit l’évolution de la situation, nous serons toujours aux côtés de la justice, aux côtés de nos frères arabes, dont le Liban », a assuré le diplomate chinois.
Hadi Al-Sayed, journaliste libanais à Al-Mayadeen, a été tué lundi dans le bombardement de son domicile dans le sud du pays, a annoncé mardi le média en ligne.
La rédaction de Mediapart et Agence France-Presse