Gilbert Hernot entre aux JC à Juvisy (Seine-et-Oise) en 1933 alors qu’il est apprenti. Son père est secrétaire de la cellule du PCF de la gare. Son adhésion n’est validée qu’après qu’il a sauté le mur d’une caserne pour y déposer des tracts. Mobilisé en Algérie, il est condamné à la prison militaire pour avoir constitué une cellule du PCF interdit, s’évade avec ses camarades au bout de quelques mois et s’engage dans les troupes du général Leclerc. Alors que son père ne revient pas de Dachau, il devient un agitateur de la CGTU, chargé d’aller d’entreprise en entreprise pour créer des syndicats. Il sert aussi de doublure aux dirigeants syndicaux annoncés en tête d’affiche de meetings, mais « empêchés ».
Secrétaire du syndicat Citroën-Grenelle en 47, il est secrétaire du syndicat des métaux de Juvisy pendant les années 50. L’état de santé de sa femme nécessite de quitter la région parisienne. Il finit par trouver un emploi dans une entreprise de la métallurgie de la vallée de l’Andelle dans le nord de l’Eure. Il devient secrétaire de l’union locale, entre au bureau de l’union départementale comme secrétaire à la propagande. Il est nommé parallèlement par la confédération délégué régional à la diffusion de « la Vie ouvrière ».
Dans l’Andelle, il impulse un militantisme de lutte où chaque conflit provoque au minimum des débrayages de solidarité dans les autres entreprises. En mai 68, il considère que la CGT et du PCF en 68 ont refusé de mettre en cause le pouvoir économique de la bourgeoisie et en tire les conséquences.
En octobre 70, le refus par l’UD CGT de soutenir trois de ses militants de Vernon poursuivis pour antimilitarisme suscite l’annonce de son passage du PCF à la Ligue Communiste. Il est aussitôt « démissionné » du bureau de l’UD par un simple communiqué dans « Paris Normandie ».
La LC organise alors avec lui une tournée nationale de meetings autour de la brochure « Le syndicat est l’arme de tous les travailleurs », qui dénonce « la fraction du PC dans la CGT ». Cette campagne, conçue principalement par Gérard Filoche (et vue avec un grand scepticisme par les vieux militants trotskystes de Vernon), devait porter les coups de boutoir qui commenceraient à détacher du PCF les « pans entiers » qui ont compris la trahison de leur parti en 68. Bientôt arrive la désillusion. Gilbert se retrouve sans revenus et sans perspectives, sa femme meurt. Il met plusieurs années à sortir de la démoralisation et à refaire sa vie. Embauché dans une petite entreprise à Louviers, il s’investit à fond à la CFDT et revient à la LCR en 76.
Militant ouvrier expérimenté, il apporte beaucoup à la jeune cellule locale, mais ses déformations autoritaires et ses habitudes d’homme d’appareil suscitent aussi des frictions. Les traumatismes qu’il a subis l’ont fragilisé. Par crainte d’être éliminé, il lâche le regroupement oppositionnel et fait allégeance à l’appareil de la CFDT. Il passe ensuite à la section de Louviers du PS. A partir d’une association antialcoolique, il y construit une « commission ouvrière ». « Mon espoir d’un nouveau juin 36 s’est trouvé confronté à la politique de trahison et de collaboration de classe du gouvernement Mauroy et des ministres communistes. Les ouvriers et les chômeurs que j’avais regroupés ont été les premiers à le comprendre et à quitter le PS » écrira-t-il plus tard, quand il se rapprochera de nouveau de la LCR. A partir de 1989, il contribue en particulier à donner de la chair à la formation des jeunes du cercle JCR (parmi lesquels Olivier Besancenot). Malade, il se retire de toute activité en 1994.
Pierre Vandevoorde
• Brochure :
http://www.association-radar.org/IMG/pdf/10-008-00020.pdf
• G. Hernot, « mon parcours politique », quatre pages manuscrites remises à l’auteur 18-12-1989
• Pierre Vandevoorde, « 1950 et après : Trois décennies d’activités trotskystes à Vernon (Eure) et au Laboratoire de Recherches Balistiques et Aérodynamiques (LRBA) » 2015 :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article39874
• Notice « Gilbert Hernot » du Maitron