## Une gauche en quête de renouveau
Dans le paysage politique sri-lankais, le Janatha Vimukthi Peramuna (Front de libération populaire) occupe une place à part. Né dans les années 1960 avec une orientation marxiste radicale, le parti a connu une évolution significative pour devenir aujourd’hui une force politique majeure à travers sa coalition, le National People’s Power (NPP).
Pour Tilvin Silva, qui a consacré sa vie à ce mouvement, l’engagement politique est né d’une prise de conscience précoce : « Dès mon plus jeune âge, j’ai été profondément marqué par les injustices sociales qui m’entouraient — la pauvreté, l’exploitation des ressources et les inégalités », explique celui qui est devenu secrétaire général du JVP.
## Le diagnostic d’un échec historique
Le constat de Silva est sans appel : depuis son indépendance en 1948, le Sri Lanka n’a pas su trouver sa voie vers le développement, contrairement à d’autres pays décolonisés à la même époque. « Le pays manquait d’une vision claire et n’a pas su exploiter les talents et l’expertise de son peuple », analyse-t-il. La situation s’est particulièrement détériorée après 1977, avec l’introduction d’une économie ouverte qui, selon lui, a conduit à l’effondrement économique actuel.
Un échec historique qui s’est soldé par la faillite du pays en 2022, dans ce qui reste la pire crise économique depuis l’indépendance. Aujourd’hui, la dette nationale s’élève à 83 milliards de dollars, et le gouvernement actuel se voit contraint de brader les actifs nationaux pour maintenir le pays à flot.
## Un projet de transformation nationale
Face à cette situation, le NPP propose une refonte complète du modèle économique sri-lankais. « Pour reconstruire le Sri Lanka, nous devons passer à une économie basée sur la production », affirme Silva. Cette transition s’articule autour de trois axes : le développement d’une économie productive, l’implication des citoyens dans le processus économique, et une répartition équitable des bénéfices de la croissance.
Le programme comprend également une modernisation ambitieuse de l’administration publique. « L’introduction des technologies modernes sur le lieu de travail est cruciale », souligne Silva, qui souhaite faire entrer le Sri Lanka dans l’ère numérique.
## Le tourisme comme levier de croissance
Parmi les secteurs prioritaires identifiés par le NPP figure le tourisme. Le parti se fixe des objectifs ambitieux, notamment celui d’atteindre quatre millions de visiteurs l’année prochaine. Un pari qui nécessite, selon Silva, une transformation profonde du pays, notamment à travers le programme « Clean Sri Lanka ».
« Ce programme vise à transformer le pays en une nation nouvelle et organisée », explique-t-il. « Il ne s’agit pas simplement de propreté physique, mais de créer un environnement urbain structuré qui donne la priorité au bien-être public. »
## Les défis de la gouvernance
Pour mettre en œuvre ces réformes, le NPP estime qu’une majorité forte au Parlement est indispensable. Une position qui soulève des questions dans un pays marqué par des dérives autoritaires, mais que Silva justifie : « Nous ne cherchons pas un pouvoir antidémocratique, nous plaidons pour l’autorité nécessaire pour construire une nation plus forte et plus durable. »
Le NPP se distingue, selon son leader, par son engagement en faveur de la vérité et de la transparence. « Contrairement aux autres, nous ne faisons pas de promesses vides », affirme-t-il. Un engagement qui sera mis à l’épreuve dans un pays où la corruption et le clientélisme ont longtemps dominé la vie politique.
## Une renaissance éducative et sociale
Au-delà des réformes économiques, Silva insiste sur la nécessité d’une transformation sociale profonde, notamment à travers l’éducation. « Le système éducatif doit se concentrer sur la formation de bons citoyens — des individus qui respectent les autres, qui font preuve d’empathie face à leurs difficultés et qui démontrent de la compassion », plaide-t-il.
Cette « renaissance de la pensée » qu’il appelle de ses vœux illustre l’ambition du NPP : non pas simplement réformer l’économie, mais transformer en profondeur la société sri-lankaise. Un projet ambitieux dont la réalisation dépendra de la capacité du mouvement à convaincre un électorat échaudé par des décennies de promesses non tenues.
Face aux défis colossaux qui attendent le Sri Lanka — redressement économique, modernisation de l’État, lutte contre la corruption — le programme du NPP se veut à la fois radical dans ses objectifs et pragmatique dans ses moyens. Reste à voir si cette synthèse entre idéaux de gauche et « réalisme économique » saura convaincre les électeurs sri-lankais.
Mark Johnson
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