L’Europe présentée aujourd’hui est plus un concept géopolitique qu’une garantie de bien-être matériel. Le principal motif d’opposition - qu’il s’agisse de discussions théoriques ou de protestations pratiques - est enraciné dans les sentiments nationalistes plutôt que dans la substance sociale. Cependant, il est possible de concilier ces différences en alignant les intérêts nationaux sur le bien-être social et matériel.
Ce scénario politique est profondément déstabilisant pour Ivanishvili. Le parti Rêve géorgien, habitué à asseoir sa légitimité sur des confrontations géopolitiques entre la Russie et l’Europe, n’a encore jamais été confronté à un conflit de ce type qui met en lumière les pratiques sociales et politiques de ces deux centres géopolitiques tout en révélant ce dont la population a réellement besoin : un État fort. Un tel État contrôlerait les ressources publiques et naturelles et mettrait en place des systèmes de protection sociale solides.
Ces systèmes comprendraient des installations stratégiques nationalisées (hôpitaux, centrales hydroélectriques, industries), des ressources naturelles (manganèse, or, cuivre, charbon) et des biens sociaux (logements étudiants abordables, bourses d’études liées à un salaire décent, assurance chômage, réglementation du salaire minimum, baisse du coût des médicaments, démantèlement des monopoles, plafonnement des prêts à taux d’intérêt élevé, annulation des dettes existantes et réforme du secteur de la construction pour lutter contre le problème des sans-abri. Toutes ces mesures sont conformes aux intérêts de classe des travailleurs de Géorgie.
Le peuple géorgien aspire à ces objectifs, mais Ivanishvili s’emploie activement à les saper. Il continuera à le faire si nous ne confrontons pas son véritable programme à des exigences politiques claires et spécifiques dès aujourd’hui. Dans cette dynamique, Ivanichvili détient actuellement un avantage, notamment en raison du consensus sur le fait que la principale étape de l’intégration européenne est fixée à 2028. Cependant, il doit agir pour créer un tournant bien avant cette date. S’il n’agit pas, quelqu’un d’autre le fera. Ce retard serait une erreur stratégique. Si la résistance publique actuelle commence à embrasser le contenu social que l’intégration européenne promet pour l’avenir, le processus d’intégration commencera effectivement maintenant, et non en 2028.
Si les acquis à venir décrits ci-dessus sont mis en œuvre aujourd’hui plutôt que d’être reportés, le peuple géorgien sera économiquement et socialement prêt à relever tous les défis. Les politiques économiques néfastes du Rêve géorgien et le cadre actuel de la protestation sociale mineront la confiance d’Ivanichvili et de ses partisans. Cela les obligera à changer de tactique politique - non pas en attaquant et en s’emparant des ressources du peuple, qui poussera à une lutte pour leur restitution, mais à se défendre en cédant aux revendications de la population. Les revendications sociales seront le moteur de ce changement.
Ivanishvili sera contraint d’adopter une position défensive. Dans un tel état, il deviendra vulnérable et plus enclin à faire des concessions. Ces concessions d’aujourd’hui prépareront le terrain pour la défense de nos intérêts de demain. La défense de ces intérêts au niveau de l’État signifie la défaite finale d’Ivanichvili.
Il s’agit d’un processus de longue haleine qui nécessite le soutien de l’opinion publique à cette vision et la mise en œuvre de stratégies de résistance pour la mener à bien. Il est essentiel de reconnaître que les groupes d’opposition qui promettent de tout résoudre en deux ou trois jours en exerçant une « pression sur Ivanichvili » font le jeu de ce dernier et trahissent les intérêts de la population.
La paix n’a jamais été la réponse à l’oppression systémique !
Lorsqu’ils vous battent, vous maltraitent physiquement et moralement, essaient de vous briser et de dominer votre comportement et vos décisions, vous devez non seulement vous défendre, mais aussi résister et riposter. Vous devez les blesser, les briser et les dominer, physiquement et moralement.
La domination sur les personnes ne se limite pas à l’oppression physique ; elle est avant tout économique.
La domination économique a déjà été mise en œuvre. Ils nous ont dépouillés de tous les biens publics essentiels à la vie. Ils ont saisi et vendu nos biens communs, du logement à la terre. Ils nous ont volé notre dignité et se battent maintenant pour l’hégémonie finale. Cette élite politique et économique, consolidée à la fois dans le parti au pouvoir et dans l’opposition, ne représente aucune idéologie populaire - seulement la poursuite de l’appauvrissement et de l’oppression de ceux qui travaillent chaque jour.
Dans la situation actuelle, le gouvernement compradore du Rêve géorgien tente de dominer physiquement le peuple, en brisant nos esprits de sorte que même l’idée de résistance est étouffée, sans parler de l’action. Ce gouvernement n’épargne personne dans ses tentatives de maintien du contrôle, ciblant les personnes sans distinction d’âge, de sexe ou de statut.
C’est pourquoi nous, le peuple, devons nous emparer du pouvoir concrètement et économiquement. Aujourd’hui, nous devons montrer à ce gouvernement qu’il ne peut pas nous détruire et simultanément prendre possession de notre autonomie économique.
Nous ne devons pas suivre le scénario d’Ivanichvili, qui nous réduit à assister à un spectacle passif devant le parlement tout en contrôlant le processus depuis les coulisses. Nous devons au contraire adopter des tactiques inconnues et dangereuses pour le système qu’il a construit, oser des pratiques qu’il n’a ni vues ni été confrontées, des stratégies qui dépassent son entendement.
On se souvient du visage d’Ivanishvili, ébranlé par le défi du peuple, et de ses gestes d’excuse, signe évident que sa confiance en lui peut être ébranlée. La résistance, sous des formes qu’il ne peut ni prévoir ni gérer, peut saper son autorité.
Il n’a pas encore entendu les revendications qui remettent en cause la logique de son pouvoir transactionnel. Il est passé maître dans l’art de gérer les manifestations spontanées et éphémères devant le parlement, de manipuler et de contenir les rassemblements alimentés par une indignation passagère. Cela l’enhardit et lui permet de tout brader, y compris notre avenir et notre patrie.
Mais il n’a pas été confronté à des stratégies de résistance qui perturbent le fonctionnement normal des institutions qui favorisent le capital et contrôlent les récits - des stratégies qui rendent la police anti-émeute et d’autres outils de répression inutiles, rendant leurs attributs insignifiants.
Pour remettre véritablement en question le système, nous devons l’empêcher de fonctionner dans des conditions normales et déplacer le soutien du public des rues symboliques de Rustaveli [quartier central de Tbilissi] vers les lieux où ces pratiques perturbatrices seront mises en œuvre.
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Mouvement étudiant de mai
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