FG : Quel est ton parcours ?
RC : Je suis de famille ouvrière. Mon grand-père était mineur dans le Nord, il était au PCF. Mon père était ouvrier. Mes parents sont divorcés et ma mère était tisserande. Toute ma jeunesse est bercée par le textile : la crèche, le primaire, le secondaire… J’ai été jusqu’au CAP d’ajusteur. Je rentre dans l’entreprise en 67, après mes études. Je n’avais pas 18 ans quand je suis rentré. Je rentre en Juin. En septembre, je me syndique à la CFDT, parce que le délégué du coin y était. Je ne suis pas militant, à ce moment-là. Je n’ai pas encore signé mon contrat définitif, je suis en CDD, mais je me syndique quand même. Jusqu’en mai 68, je ne fais pratiquement pas grève, sauf sur les ordonnances de De Gaulle, en 67.
FG : Comment commence la grève de 68 ? Comment t’y impliques-tu ?
RC : En 68, je fais grève dès la première heure. Je fais partie des jeunes qui disent aux délégués de la CGT, qu’on ne reprend plus le travail tant que la direction ne nous reçoit pas. On est plusieurs centaines comme ça. Est-ce que c’est la lecture des tracts - il y en avait peu, à l’époque -, l’arrogance des chefs, je ne sais pas trop… Toujours est-il que c’est intangible, je pars pendant un mois. On part en grève sur les augmentations de salaires, je crois. Le mot d’ordre était d’une demi-heure de grève. On demande à être reçu par la direction ; il y a un refus, un blocage de la direction qui s’enferme avec ses gardiens. Nous, on dit que tant qu’ils ne nous recevrons pas, on ne reprend pas le travail et puisqu’ils sont enfermés, ils le restent. Il y a alors un flottement ; il n’y a pas de volonté de dire clairement que l’on va occuper la taule, mais on commence à défiler en cortège dans l’entreprise pour faire débrayer. On utilise l’argument d’avoir séquestré la direction, alors qu’au début, c’est elle-même qui s’est enfermée. Et donc, ça part pendant un mois d’occupation de la taule.
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https://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=377