Des nuées de guerres s’amassent dans le ciel de l’Ouest de l’Asie et les titres des journaux parlent d’une confrontation militaire imminente entre Israël et la Syrie. Ces dernières semaines en Galilée on a vu d’importants convois militaires se déplacer vers le Nord et sur les hauteurs du Golan des divisions blindées viennent d’achever un exercice militaire important massivement couvert par les médias locaux et internationaux.
Qui est intéressé au déclenchement d’une telle guerre ? Le président Bashir Al-Assad a déclaré de manière répétée que la Syrie ne veut pas la guerre et qu’elle est prête à des négociations de paix immédiates avec Israël. Selon des sources étrangères, des pourparlers officieux ont d’ailleurs eu lieu il y a quelques mois. Toute analyse des contextes régionaux et internationaux confirmera que la Syrie, qui essaie désespérément de se faire rayer de la liste de l’« axe du mal » de l’administration néoconservatrice US, n’a aucun intérêt à initier une guerre contre Israël,malgré le fait que l’Etat juif occupe, depuis 40 ans, les hauteurs du Golan syrien. Les diplomates européens se sont évertués à communiquer au gouvernement israélien que le président Assad ne se prépare pas et ne veut pas d’une guerre contre Israël et il est intéressant que les services de renseignement militaires israéliens confirment ce point de vue.
Le premier ministre israélien, Ehud Olmert, n’est pas non plus intéressé à une guerre, sachant bien que, contrairement au passé, les Etats arabes ont la capacité opérationnelle de frapper le territoire israélien et sa population. Olmert n’est pas très malin, mais il a assez de mémoire pour se souvenir de la capacité de riposte du Hezbollah il y a un an. Et tout ce dont le Hezbollah est capable, Damas peut le multiplier par vingt ou plus : chaque ville d’Israël sera la cible de missiles syriens à moyenne portée si Israël déclenche une guerre.
Théologie de la guerre préventive
Ainsi si les deux protagonistes semblent éminemment peu enclins à une confrontation militaire, comment se fait-il qu’une guerre semble plus proche que jamais ? Parce qu’il y a un troisième facteur, qui a beaucoup de pouvoir dans notre région, une influence prépondérante et des liens structurels avec les élites dirigeantes israéliennes : c’est l’administration néoconservatrice à Washington.
Malgré le fait que la plupart des dirigeants américains sont en train de tourner le dos à la stratégie de « guerre global préventive sans fin » (un tournant qu’illustre le rapport bipartisan Baker-Hamilton), le petit gang de néocons entourant George Bush, appuyé par le lobby fondamentaliste chrétien, n’a pas donné son accord à ce tournant. La réaction du président au rapport Baker-Hamilton est révélatrice, il l’a ouvertement rejeté, décidant au contraire immédiatement de l’envoi de plus de troupes en Irak et d’élever la voix contre la Syrie. Il est raisonnable de supposer que, dans les deux dernières années de son administration, Bush mettra en œuvre sa philosophie politico-théologique de guerre « préventive » contre les forces « sataniques » de l’Islam.
De dangereux fanatiques...
Depuis des décennies, la superpuissance US n’a pas eu une direction aussi agressive, ignorante et fanatique, équipée d’une vision du monde qui relève plus de l’image d’Epinal idéologique que d’analyse concrète du monde réel. Dans la philosophie politique ultra-simplifiée des néocons, il n’y a pas de nuances ou de contradictions secondaires : le monde est divisé en deux – les « bons », identifiés à la soi-disant civilisation judéo-chrétienne, représentée par la démocratie américaine (avec le plus grand fossé du monde occidental entre riches et pauvres) et les « méchants » identifiés, comme tant les « musulmans », qui sont toujours considérés comme des fondamentalistes et des terroristes. Bush semble ignorer les contradictions entre chiites et sunnites, comme le fait qu’un gouvernementmusulman est à la tête d’un des alliés les plus importants des USA en Europe (la Turquie) et le fait que l’un des régimesmusulmans les plus fondamentalistes (l’Arabie Saoudite) et le partenaire-clé de la stratégie US dans le Golfe arabopersique. Ainsi la rhétorique de cette administration reste marquée du sceau de l’ultragénéralisation et de l’agressivité patriotarde.
En Israël : faucons, néocons et vrais...
Les deux ans qui restent à cette administration primitive et fondamentaliste pourraient bien être dramatiques et plonger lemonde dans un chaos encore plus sanglant. Après le fiasco étasunien en Irak, la frontière syro-israélienne pourrait bien être la ligne de front d’une telle guerre, précisément du fait de la présence de faucons néoconservateurs qui partagent les buts stratégiques de Bush au cœur des centres de décision israéliens.
D’abord, il y a Ehud Barak, maintenant ministre de la défense, l’un des idéologues principaux de la stratégie « il n’y a pas d’interlocuteur, il n’y aura jamais de paix ».Barak est un aventurier dangereux qui croit que ce qui n’a pas pu être obtenu par la forcemilliaire pourra être obtenu... par plus de forcemilitaire encore. Il prépare l’armée israélienne à une offensive contre la Syrie. En plus, il y a Benjamin Netanyahou, l’archétype des néoconservateurs israéliens. Il pourrait bien être premier ministre après les prochaines élections, qui seront sans doute anticipées.
Le prix du sang pour les civils
Dans un des scénarios les plus classiques, Israël sera à nouveau, la garde armée avancée de la guerre de Washington. N’est-ce pas pourquoi l’administrationUS vient de faire voter un crédit de 30 milliards de dollars pour le budget militaire (et non civil) israélien des 10 prochaines années ?
Il y a un an, Israël a reçu l’argent et n’a rempli son contrat. Malgré les pressions néoconservatrices, Ehud Olmert a choisi de s’enfuir du Liban, après le fiasco de juillet dernier. Les néocons ne laisseront pas ce scénario se reproduire. Comme dans un film hollywoodien de série B, Dick Cheney est en train de dire à Olmert : « Tu as été payé pour faire un travail, maintenant tu le fais et pas de baratin sur combien ça coûtera à tes gens ! »
Et les habitant-e-s d’Israël devront en payer le prix : selon les organes de contrôle de l’Etat d’Israël les manquements révélés par la dernière guerre au Liban concernant la protection des civils israéliens n’ont pas été corrigés. Bientôt, des civils israéliens mourront sacrifiés sur l’autel de la croisade chrétienne fondamentaliste fabriquée à Washington.