Munif Mulhem est né à Homs en 1951. Officier dans les missiles sol-air, il avait été exclu de l’armée, coomplètement contrôlée par le parti unique Baath, en 1973, pour marxisme. En 1974, il fut à l’initiative de la création d’un cercle marxiste de travailleurs. En 1976 naît la Ligue d’Action Communiste. Entré dans la clandestinité, il est élu en 1978 membre du bureau politique. Il est reconnu comme le représentant d’une sensibilité trotskyste du parti. En août 1981, une conférence générale clandestine du « Parti d’Action Communiste » fut organisée au Liban. Les services de sécurité baathistes furent en mesure d’arrêter peu de temps après la quasi-totalité des délégué.e.s. C’est une période où le régime réprime violemment les communistes qui ne lui font pas allégeance ainsi que les islamistes, des milliers d’entre eux connaissent alors la prison et la torture. Mounif resta 17 ans dans les geôles de Hafez-el -Assad. Au bout de six ans, le pouvoir lui a proposé un marché dont il était coutumier : la libération contre la promesse de ne plus faire de politique, ce qu’il a refusé avec d’autres de ses camarades. La même proposition cinq ans plus tard a rencontré le même refus. N’arrivant pas à faire accepter ses conditions de remise en liberté, le pouvoir les a enfin traduits en justice – ils étaient détenus jusqu’alors sans inculpation - devant la Cour suprême de l’État qui les a condamnés à des peines allant jusqu’à vingt ans. Transféré au sinistre bagne de Palmyre, les quatre dernières années de détention ont été marquées par des séances quotidiennes de torture. Il est sorti de prison en 1997.
Au début des années 2000, à la suite de l’arrivée au pouvoir de Bachar al-Assad, une courte période d’ouverture dite « printemps de Damas » a vu l’éclosion de « Forums », salons de discussion et de débat, à travers le pays, dans lesquels un certain nombre d’anciens du PAC ont joué un rôle. Le poids des longues années de prison ajouté à la désintégration de l’URSS avait poussé nombre d’entre eux à renoncer à leurs convictions, certains devenant même des partisans de la démocratie états-unienne.
Mounif Mulhem lui, fonda à Damas, avec de jeunes marxistes, le « Forum de gauche pour le dialogue ». Tous furent rapidement fermés sous la pression des services de sécurité. À la fin de l’année 2002, il est à l’initiative du mouvement contre la mondialisation capitaliste, jusqu’à ce que l’étau de la surveillance par les services de sécurité ne les contraigne à cesser leurs activités.
Mounif Mulheim a subisté dans des conditions matérielles et sanitaires précaires tout au long de ces années, grâce en particulier à la solidarité matérielle d’amis et de camarades.
Après le soulèvement populaire de 2011, il a continué à chercher à être actif au sein du mouvement de protestation populaire. Cela lui valut une nouvelle incarcération en 2019. Il avait pu ressortir au bout de neuf mois qu’il décrit comme pires que ce qu’il avait pu connaître lors de ses 17 années de détention jusqu’en 1997.
Avec la chute du régime, il a entrepris de participer au regroupement des militant.e.s qui veulent renouer avec les objectifs démocratiques et révolutionnaires de 2011, pour la libération de tout le territoire syrien des forces d’occupation, tant israéliennes que turques, états-uniennes, iraniennes ou russes, pour que le peuple prenne confiance dans ses capacités à organiser la société par en-bas.
Pierre Vandevoorde