Cette affaire concerne 40 personnalités politiques, journalistes, avocats et militants de la société civile, accusés sur la base d’un dossier vide de « complot contre l’État ». Parmi les charges figurent des réunions secrètes, des contacts avec des parties étrangères et des tentatives présumées de déstabilisation du régime. Cependant, l’absence de preuves solides et la nature floue des accusations dénotent une instrumentalisation politique de la justice pour réprimer les voix dissidentes. Sept accusés, dont des figures publiques comme Kamel Letaief, Khayem Turqui, Issam Chebbi, Jaouhar Ben Mbarek, Ghazi Chaouachi, Abdelhamid Jelassi et Ridha Belhaj, sont en détention arbitraire, tandis que d’autres opposants, comme Noureddine Bhiri, Sahbi Atig et Saïd Ferjani, sont incarcérés pour des affaires distinctes. Parmi les accusés figurent d’anciens ministres, des dirigeants de partis politiques et des figures publiques connues pour leur opposition à Kaïs Saïed et au coup d’État du 25 juillet 2021.

Depuis les arrestations spectaculaires de février 2023, les accusés dénoncent de graves violations de leurs droits fondamentaux, telles que le non-respect de la présomption d’innocence, le dépassement des délais légaux de détention et des restrictions arbitraires aux droits de défense. En octobre 2023, la Cour africaine des droits de l’Homme a ordonné à la Tunisie de prendre des mesures pour garantir aux détenus l’accès à des avocats et médecins de leur choix et de fournir des informations sur les motifs factuels et juridiques de leur détention. Cependant, ces recommandations restent ignorées.
Conscients de la futilité des accusations et de l’arbitraire des procédures, le juge d’instruction et la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Tunis ont interdit la divulgation de toute information ou le traitement médiatique de l’affaire.
Les avocats des détenus, tels que Me Essid Abdelaziz, Me Islam Hamza et Me Dalila Mssadek, ont eux-mêmes été pris pour cible par des poursuites judiciaires, démontrant une volonté d’intimider les défenseurs des droits humains et de restreindre l’exercice de la profession d’avocat. Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que la détention de plusieurs accusés était arbitraire à plus d’un titre, appelant à leur libération et à leur indemnisation.
Le report du procès peut être perçu comme une manœuvre pour limiter les risques de contestation populaire ou comme une tentative des autorités de gagner du temps pour ajuster leur stratégie face aux pressions croissantes. Pourtant, ce choix pourrait avoir l’effet inverse et renforcer la colère d’une population déjà éprouvée par une crise économique et sociale profonde. Au niveau international, cette affaire accroît les inquiétudes des partenaires de la Tunisie, qui surveillent de près l’évolution des droits fondamentaux dans le pays.
Ce procès symbolise la dérive autoritaire d’un régime qui, au nom de la sûreté de l’État qu’il fragilise lui-même, bafoue les principes fondamentaux des droits humains, muselle l’opposition et instrumentalise les institutions pour asseoir son contrôle. La résistance de la société civile et l’attention internationale seront déterminantes pour l’avenir de cette affaire et, plus largement, pour la défense des acquis démocratiques en Tunisie.
24 Janvier 2025
Le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT)