Tout d’abord, pouvez-vous nous dire comment vous vous sentez après plus de deux ans de guerre à grande échelle ? Comment voyez-vous la situation en Ukraine et ce qui va se passer dans les mois à venir ?

Les deux principales émotions que nous ressentons sont probablement la fatigue et la gratitude. À la maison, l’angoisse des raids aériens, des coupures d’électricité, de l’hésitation des partenaires occidentaux à donner une réponse plus courageuse au mal russe, le fait que les militaires russes occupent chaque jour un peu plus des portions de notre terre ukrainienne. Gratitude aux forces armées ukrainiennes et à toutes les autres forces de défense pour que nous vivions dans une Ukraine indépendante, que nous puissions vivre et travailler, même parfois nous reposer, parler la langue ukrainienne et ne pas être tués pour cette raison dans les cachots russes.

Nous ne sommes pas des « expertes » politiques, donc nous ne pouvons pas dire comment nous voyons la situation en Ukraine dans les mois à venir. Nous ne sommes pas sûres que même les experts politiques le sachent eux-mêmes. Les nouvelles des derniers mois nous rendent très tristes – Trump a remporté les élections aux États-Unis, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a assisté au sommet des BRICS en Russie alors que Poutine est un criminel de guerre. La Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine le 17 mars 2023. Cela s’est produit dans le cadre d’une accusation d’expulsion illégale d’enfants des territoires occupés de l’Ukraine vers la Russie, ce qui constitue un crime de guerre en vertu du Statut de Rome de la CPI. 

Cependant, nous savons qu’il a commis et continue de commettre beaucoup plus de crimes. Ensuite, la Suisse a déclaré le 12 janvier qu’elle était prête à être un lieu de rencontre pour Trump et Poutine, bien qu’elle ait signé le Statut de Rome et la Pologne a déclaré le 9 janvier qu’elle n’arrêterait pas Benyamin Netanyahu s’il visite ce pays le jour de commémoration de la libération d’Auschwitz. Cependant, le 21 novembre 2024, la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, qui est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis dans la bande de Gaza ; alors que la Pologne est également signataire du Statut de Rome. Ces déclarations nous montrent que le droit international n’est qu’une formalité, et que personne ne se soucie vraiment de la justice et de l’humanité.

Bien sûr, la chose la plus effrayante maintenant est que Trump deviendra président des États-Unis (ou l’est déjà au moment de cette publication). Nous ne croyons pas à ses promesses d’arrêter la guerre en 24 heures, en 100 jours ou même en un an. Nous voyons que lui, comme beaucoup d’autres personnes, ne comprend pas la nature de cette guerre. Nous n’avons pas besoin d’un gel de la guerre, nous avons besoin de la victoire de l’Ukraine et des frontières de 1991, sans aucune concession à la Russie. Dans nos rêves les plus fous, bien sûr, nous aimerions voir la Fédération de Russie moderne cesser d’exister et les peuples qu’elle asservit devenir libres et indépendants. La cause de cette guerre n’est pas Poutine, ni le président Zelensky, ni le soi-disant « Donbass », ni la discrimination contre les russophones en Ukraine (qui n’existe pas) ; la cause de la guerre est l’histoire séculaire de l’impérialisme russe et du chauvinisme russe qui méprise et hait le peuple ukrainien.

Nous nous sommes un peu éloignés de la question, mais c’est très important pour nous de le dire. Et pour ce qui est de la situation en Ukraine, quoi qu’il arrive, nous continuerons notre travail ici, nous continuerons à soutenir les forces armées ukrainiennes (car elles sont les seules capables d’arrêter l’invasion russe), nous continuerons à promouvoir les valeurs féministes et les idées de justice sociale dans notre société.

Cela fait plus de deux ans que vous avez ouvert l’Espace des choses. Des centaines de personnes ont visité cet espace, où elles peuvent prendre gratuitement des vêtements et d’autres objets utiles que d’autres personnes ont apportés dans un geste de solidarité. Pouvez-vous nous dire comment les choses se sont passées jusqu’à présent ?

L’Espace des choses est un projet qui a été inauguré au début du mois d’août 2022. Nous nous sommes inspirées d’un projet similaire à Potsdam, en Allemagne, dans la librairie Satellite. Deux de nos membres ont visité cet endroit au début de l’année 2022, lorsqu’elles sont parties à l’étranger pendant deux mois en raison du déclenchement d’une guerre à grande échelle.

Nous avons reçu des fonds de diverses organisations donatrices pour l’Espace, et jusqu’à présent, nous avons des fonds jusqu’en septembre. Cependant, nous envisageons d’étendre ce projet. Actuellement, il est ouvert 3 jours par semaine pendant 3 heures et nous disposons d’une petite salle. Nous aimerions disposer d’un espace plus grand et d’un plus grand nombre d’heures d’ouverture, mais tout est une question d’argent. Bien qu’il soit juste de dire aussi que nous avons également besoin de ressources émotionnelles, que nous avons aussi un peu, et qui ne peuvent pas être apportées de donateurs ou de philanthropes.... Nous avons également le désir de créer un espace séparé pour les enfants, car au fil des ans, nous avons vu qu’il y avait une demande pour cela. Nous avons actuellement un coin pour les enfants, mais il est petit.

En 2023, vous avez publié Activistka, un zine féministe, et cette année et en juillet 2024, vous avez publié un autre zine, Les autres sont comme nous (52 pages). Et aussi une bande dessinée. Vous participez donc à la renaissance de la presse féministe en Ukraine. Avez-vous d’autres projets de publication ?

Oh, nous ne pouvons pas dire que nous participons à la renaissance de la presse féministe en Ukraine (enfin, peut-être un peu). Après tout, ce n’est pas notre activité principale. Pour l’instant, Activistka, et Les autres sont comme nous sont nos seuls magazines. Nous pensons qu’à l’avenir, nous en publierons d’autres, mais nous n’avons pas de projets pour cette année.

Mais vous avez bien d’autres activités : ciné-club féministe, participation active à la campagne internationale « 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le genre », votre You tube channel compte désormais 13 vidéos avec plus de 5 000 abonnées..... Pouvez-vous nous parler de toutes les activités que vous avez menées en 2024 ?

En 2024 :

• nous avons organisé un « marché libre » [1] de 2 jours qui a attiré jusqu’à 300 personnes, et nous avons été très satisfaites de cet événement !
• nous avons repris les projections de films et créé un club de cinéma féministe à Lviv “Objectif féministe” ;
• nous avons fait un voyage dans la région de Zaporijjia et Donetsk avec des activités et des cadeaux pour les enfants ;
• nous avons créé et présenté notre spectacle « les autres sont comme nous » sur les femmes sans abri et sans ressources ;
• nous avons fait des balades à vélo entre femmes ;
• nous avons lancé le projet YouTube « Cher journal » un projet d’essai vidéo sur les perspectives des femmes et des queers sur la société, le cinéma et la culture pop, et nous avons tourné 7 épisodes (attendez-vous à un nouvel épisode très bientôt !) ;
• nous avons été présentes au plus grand forum féministe de l’AWID, où nous avons parlé de l’Ukraine et de la nécessité de résister à la Russie ;
• nous avons rassemblé et publié 16 histoires personnelles de femmes qui ont subi des violences basées sur le genre ; c’est un évènement annuel où nous voulons donner la parole à celles qui en ont besoin, parce qu’il y a peu d’endroits où raconter les violences qui se sont produites ;
• nous avons commencé à être plus actives sur leurs réseaux sociaux (instagram et tiktok), nous publions chaque semaine divers articles d’information sur des sujets féministes ;
• (https://www.instagram.com/p/C68un0RNYCT/?igsh=emgybHQwbjE5YXd3)
• nous avons organisé 36 distributions de repas (de janvier à septembre).

Quels sont vos projets pour 2025 ?

Nous prévoyons :

• de développer notre projet youtube « Cher journal » et gérer activement les réseaux sociaux ;
• de poursuivre les activités du club de cinéma féministe « Objectif féministe » ;
• de poursuivre et développer l’activité de l’Espace des choses ;
• et peut-être que nous commencerons à organiser des événements d’éducation pour les adolescents sur l’égalité des sexes (mais ce n’est pas encore exact)

En plus de cela, nous avons encore quelques idées de projets différents, mais leur mise en œuvre dépend de nombreux facteurs, et ils n’existent que sous forme de projets actuellement.

Bilkis

Patrick Le Tréhondat

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