
Après les révélations de Mediapart dès 2012, après 10 ans d’enquête et 3 mois de procès, le parquet national financier a livré son réquisitoire dans un des procès de Nicolas Sarkozy, celui sur le soupçon de corruption avec la Libye pour assurer son élection en 2007 : « Une corruption de haute intensité attisée par l’ambition, la soif de pouvoir, la cupidité qui a tissé sa toile jusqu’aux plus hautes sphères de l’État ». Sont logiquement requis 7 ans de prison, 300 000 euros d’amende et 5 ans de privation des droits civiques.
C’est évidemment un choc. Est-ce une surprise ? Non. Est-ce une tristesse ? Oui. Pas pour l’homme – on ne va pas se mentir, on ne l’a jamais aimé – mais pour la démocratie.
Il fut parmi les plus actifs à valoriser et promouvoir comme une vertu la richesse clinquante, cette cupidité dont parlent les juges. On se souvient encore de ses vacances sur le yacht de Vincent Bolloré pour fêter son élection. Son goût du pouvoir était sans limites. Avec les dents, il l’a arraché, parfois avec panache, face au terroriste Human Bomb, face à la Chiraquie aussi. Il l’a voulu jusqu’à s’affranchir des règles de notre pays : la compétition électorale suppose un minimum d’équité et donc de limites dans les moyens et dépenses autorisées. Nicolas Sarkozy s’en est affranchi en 2012 et a été condamné dans l’affaire Bygmalion. Il fait appel de cette condamnation pour avoir déverser dans la campagne deux fois les 22 millions autorisés. Sans pour autant gagner.
Il se défendra dans cette affaire. On attend le jugement. On gardera dans un coin de la tête que cette histoire n’est sans doute pas sans relation avec l’exécution sauvage de celui qu’il recevait en grandes pompes peu auparavant, le détestable Mouammar Kadhafi. Ni avec la guerre qu’il a déclenchée et la déstabilisation de la région qui en a résulté.
Ce pourrissement de la démocratie par l’argent est au cœur du processus qui fait vaciller les Etats-Unis. Alexandria Ocasio-Cortez – une des rares membres du Congrès à se dresser face à Donald Trump aux cotés de Bernie Sanders – met cet enjeu au cœur de ses interventions, de ses meetings. Depuis 2010, les États-Unis ont libéralisé les dons d’argent. Auparavant, ils étaient limités à 5 millions de dollars par an (sic !). Désormais, plus aucune limite n’est donnée dans la compétition électorale. L’alliance de l’oligarchie et du pouvoir s’y love. C’est bien cette limite que Nicolas Sarkozy et les siens, assis à ses cotés sur le banc des accusés, ont voulu enfoncer. Il est salutaire que des journaux, la justice, les contrepouvoirs s’attachent à maintenir ces fondamentaux.
Catherine Tricot
