Mme Alam a été arrêtée à son domicile le 9 avril 2025 par des personnes se présentant comme des agents des forces de l’ordre. Elle aurait été emmenée sans mandat, détenue au secret par la Detective Branch et présentée à un magistrat le 10 avril lors d’une audience extraordinaire qui s’est déroulée tard dans la nuit. Elle a depuis été placée en détention provisoire pour 30 jours en vertu de la loi sur les pouvoirs spéciaux (Special Powers Act), sur la base d’une affirmation vague et non étayée selon laquelle elle constituerait une menace pour la sécurité publique et les relations diplomatiques.

Les rapports suggèrent que la détention de Mme Alam est liée à un différend personnel impliquant un diplomate d’un État du Golfe. Selon des sources publiques et des témoignages familiaux, Mme Alam avait récemment rompu ses fiançailles avec le diplomate après avoir découvert qu’il était déjà marié et avait des enfants. Elle aurait contacté l’épouse du diplomate et parlé publiquement de l’affaire. Plutôt que de traiter cette affaire comme un problème privé, les autorités bangladaises semblent avoir réagi par des mesures juridiques punitives, ce qui soulève des questions profondément troublantes quant à l’utilisation abusive du pouvoir de l’État pour soustraire des fonctionnaires étrangers à l’examen et pour pénaliser une femme qui a affirmé sa dignité et sa vérité.
Cette arrestation, effectuée en l’absence de procédure légale transparente, met en évidence l’utilisation abusive et persistante de la législation sur la sécurité nationale, critiquée depuis longtemps pour permettre la détention arbitraire et réduire au silence les dissidents. La loi sur les pouvoirs spéciaux (Special Powers Act, SPA) de 1974, dont les dispositions sont vagues et excessivement larges, continue d’être utilisée contre les critiques politiques, les journalistes, les artistes et les simples citoyen.nes. Elle permet la détention préventive sans inculpation ni procès pour une durée maximale de 30 jours (ou plus, sous réserve de prolongation), selon des critères qui manquent de clarté juridique ou de contrôle indépendant.
Les organismes internationaux de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International, n’ont cessé de demander l’abrogation de la SPA. Son utilisation continue contrevient aux obligations du Bangladesh en vertu du droit international relatif aux droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le pays est partie. Les protections fondamentales, telles que le droit à la liberté, la liberté d’expression et le droit à une procédure régulière, sont clairement violées lorsque des personnes sont détenues sans mandat judiciaire, sans représentation légale ou sans accès rapide à un tribunal.
Dans le cas de Mme Alam, les circonstances de son arrestation sont particulièrement troublantes. Des rapports suggèrent que ses allégations publiques à l’encontre d’un diplomate étranger pourraient avoir déclenché sa détention. Si ces allégations sont confirmées, il s’agirait d’un cas alarmant de complicité de l’État dans la suppression des griefs personnels d’une ou d’un individu pour protéger les intérêts diplomatiques étrangers, au détriment de la souveraineté nationale et des droits de l’individu.
L’invocation de la sécurité nationale dans de tels contextes sape le concept même de sécurité publique, le transformant en un outil d’intimidation plutôt que de protection. Le recours à la force policière sans avoir à rendre de comptes et la subordination du pouvoir judiciaire aux directives de l’exécutif - comme en témoigne le rôle présumé du ministère de l’Intérieur dans cette affaire - soulèvent de graves préoccupations quant à l’État de droit au Bangladesh.
Nous appelons donc le gouvernement du Bangladesh à :
1. Libérer immédiatement Meghna Alam, à moins qu’elle ne soit inculpée d’une infraction pénale reconnue conformément aux normes juridiques internationales et qu’elle ne bénéficie d’un procès équitable.
2. Abroger la loi sur les pouvoirs spéciaux de 1974 dans son intégralité et la remplacer par une législation qui respecte les normes internationales en matière de détention préventive, en assurant un contrôle judiciaire et des garanties limitées dans le temps.
3. Enquêter sur le comportement des agents des forces de l’ordre impliqués dans la détention de Mme Alam et veiller à ce que les violations des garanties procédurales - telles que l’arrestation sans mandat, l’entrée illégale sur le territoire et le refus d’une procédure régulière - soient traitées et sanctionnées.
4. Préserver l’indépendance du pouvoir judiciaire et veiller à ce que les tribunaux ne soient pas utilisés pour légitimer des actions extrajudiciaires ou motivées par des considérations politiques.
5. Mettre fin au harcèlement et à l’intimidation des personnes - en particulier des femmes - qui dénoncent les abus de pouvoir, qu’ils soient le fait d’acteurs nationaux ou d’agents étrangers opérant au Bangladesh.
L’arrestation de Meghna Alam n’est pas un incident isolé. Elle reflète un schéma plus large de répression et d’abus juridiques qui s’est intensifié ces dernières années. De la disparition forcée de militant.es à la criminalisation de l’expression en ligne, la trajectoire du Bangladesh en matière de droits humains est profondément préoccupante.
De nombreux Bangladais avaient placé un réel espoir dans les promesses de renouveau démocratique et de justice faites par le nouveau gouvernement après des années de répression. Le public attend maintenant des dirigeants intérimaires qu’ils rompent avec le passé - et non qu’ils reproduisent les pires abus - en faisant respecter l’État de droit et en sauvegardant les droits fondamentaux.
Nous sommes solidaires de toutes celles et tous ceux qui résistent à l’utilisation de lois injustes pour faire taire les dissident.es et nous appelons la communauté internationale à suivre de près l’évolution de cette affaire. Le silence face à l’injustice ne fait que renforcer la répression.
Les droits humains, la justice et l’État de droit ne doivent pas être des principes facultatifs : ils constituent le fondement de toute société démocratique.
Pierre Rousset, président, Europe solidaire sans frontières (ESSF), France
Farooq Tariq, président du parti Haqooq Khalq, Pakistan
Bangladesh Agricultural Workers Union, Bangladesh
Bangladesh Garment Workers Federation, Bangladesh
Bangladesh Krishak Samiti, Bangladesh
Bangladesh Krishok Federation (BKF), Bangladesh
Bangladesh Kishani Sabha (BKS), Bangladesh
Bangladesh Farmers Association, Bangladesh
Bangladesh Landless Association, Bangladesh
Bangladesh National Democratic Garments Workers Federation, Bangladesh
Bangladesh National Workers Federation, Bangladesh
Bangladesh Student Union Formation Process, Bangladesh
CNG auto-rickshaws [compressed natural gas] Mishuk [electric tricycles] Driver and Workers Union, Bangladesh
Ganotantrik Odhiker Committee (Democratic Rights Committee), Bangladesh
Motherland Garments Workers Federation, Bangladesh
National Farmers Alliance, Bangladesh
National Labor Federation, Bangladesh
Progressive Krishak Sangram Parishad, Bangladesh
Ready Made Garments Workers Federation, Bangladesh
Sarabangla Small Farmers Alliance, Bangladesh
Textile Garments Workers Federation, Bangladesh
United Farmers and Agricultural Workers Federation, Bangladesh
United Labor Federation, Bangladesh
Europe solidaire sans frontières (ESSF), France
Borderless Movement (Mouvement sans frontières), Hong Kong
Achin Vanaik, Professeur retraité de Relations internationales, Université de Delhi, Inde
Indian Social Action Forum (Forum indien d’action sociale, INSAF), Inde
Kunal Chattopadhyay, professeur retraité d’Histoire et de Littérature comparée, Université Jadavpour, Inde
Radical Socialist, Inde
Mutiara Ika Pratiwa, présidente de Perempuan Mahardhika (Femmes libres), Indonésie
Balasingham Skanthakumar, Sri Lanka, Directeur, Social Scientists’ Association
LABAN Kababaihan (combat de femmes), Philippines
Alyansa ng mga Mamamayan para sa Karapatang Pantao (Alliance des peuples pour les droits de l’homme), Mindanao, Philippines
Lanao Alliance of Human Rights Advocates (Alliance des défenseur.es des droits de l’homme de Lanao, LAHRA), Mindanao, Philippines
Alliance of Tri-People for the Advancement of Human Rights (Alliance des trois peuples pour l’avancement des droits de l’homme, ALTAHR), Philippines
Partido Manggagawa (Pari des travailleurs), Philippines
(Consultez la listed’organisations et individus signataires)
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