« En raison d’un certain succès auquel nous assistons en Irak, nous pouvons envisager un rapatriement des troupes ». En faisant cette annonce au cours d’une allocution retransmise dans tout le pays, Bush tenait à donner le change face à une opinion publique majoritairement hostile à la guerre. Mais, comme l’ont dénoncé les démocrates, cela ne sera, au mieux, qu’un retour à la situation antérieure à l’hiver dernier, lorsque Bush avait envoyé en Irak 20 000 soldats supplémentaires pour, disait-il, préparer le retrait de l’armée américaine.
Parler de « succès », comme l’a fait Bush jeudi dernier, ou avant lui le général Petraeus, commandant en chef des troupes en Irak, relève du cynisme ou de l’aveuglement. Il est vrai que les dirigeants américains en ont rabattu de leurs prétentions. Il n’est plus question de « victoire », et c’est le gouvernement irakien lui-même que Bush a rendu responsable de l’échec. La vérité est que l’intervention des troupes impérialistes, outre les souffrances terribles qu’elle a infligées à la population irakienne, les centaines de milliers de morts, la destruction des infrastructures et de l’économie, a créé une situation politique que les dirigeants américains sont incapables de maîtriser. C’est ainsi qu’a été assassiné, dans la province d’Al Antar, la veille du discours de Bush, un dirigeant sunnite qui était un des principaux alliés des Américains.
Aux États-Unis, le temps est loin où l’opinion était dominée par l’union sacrée, et ce revirement a causé la défaite des républicains aux élections de mi-mandat l’an dernier. Mais les démocrates ne vont pas plus loin qu’une timide contestation de la guerre, déplorant par exemple, comme Ike Skelton, le président de la commission des forces armées, que « les troupes qui sont en Irak ne soient pas disponibles pour d’autres missions : pour aller en Afghanistan traquer Oussama Ben Laden ».
Samedi dernier, une manifestation a réuni, à Washington, plusieurs milliers d’opposants à la guerre, parmi lesquels Cindy Sheehan, la mère d’un des 3 700 soldats tués en Irak.
Le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a beau s’insurger contre les propos de l’ancien dirigeant de la Réserve fédérale, Alan Greenspan, celui-ci n’a fait qu’exprimer, comme il le dit lui-même dans ses mémoires, ce que « tout le monde sait : la guerre en Irak est largement une question de pétrole ». De pétrole, bien sûr, et plus largement, d’intérêts et de positions dans la concurrence mondiale que les États-Unis ne peuvent s’assurer que par leur domination militaire incontestée.
C’est pour cette raison que Bush a renouvelé ses menaces contre la Syrie et l’Iran, dans l’idée de préparer l’éventualité de nouvelles guerres, que seules les populations elles-mêmes pourront empêcher.