Avant-poste en Cisjordanie appuyé par une coalition colons-soldats. (Credit : David Bachar)
A l’heure où la droite israélienne a adopté la « vision Trump » consistant à déplacer deux millions de Gazaouis afin de créer une « Riviera américaine » et au moment où les Forces de défense israéliennes (FDI) préparent le terrain pour un séjour prolongé [voir l’article de +972 publié sur A l’Encontre le 18 avril 2025], prétendument temporaire, au cours duquel les infrastructures d’une nouvelle colonisation sont mises en place, l’annexion de la Cisjordanie ne progresse plus à pas de tortue. Elle s’est mise en marche et progresse à grands pas.
En fait, l’annexion est déjà là. Lorsqu’elle sera officiellement déclarée, il sera déjà trop tard pour l’arrêter car le processus sera achevé.
C’est le modus operandi des colons et du gouvernement : faire tout ce qui peut être fait sans aller jusqu’à une déclaration officielle, sachant que personne n’y prête attention et que personne ne s’en soucie vraiment.
Ce qui se passe sur le terrain est clair pour quiconque se rend en Cisjordanie, et encore plus clair pour ceux qui suivent les activités de Bezalel Smotrich [ministre des Finances] et d’autres membres de la coalition gouvernementale. Au cœur de cette accélération, qui bat désormais son plein, se trouvent une augmentation drastique du nombre de permis de construire dans les colonies, le transfert de l’administration de la Cisjordanie de l’armée aux colons et à leurs partisans, la désignation de terres appartenant à l’Etat à un rythme effréné et la répression draconienne des constructions palestiniennes jugées illégales.
Beaucoup de ces mesures passent inaperçues car, en théorie, elles impliquent des démarches bureaucratiques : mise en place de l’administration des colonies, retrait de l’autorité de l’administration civile à l’armée, adoption d’une loi facilitant l’achat de terres en Cisjordanie par les Juifs et mesures visant à renforcer économiquement les colonies.
Ce dernier objectif est notamment atteint grâce à une loi qui permettra aux colonies de percevoir les recettes fiscales municipales provenant des zones industrielles et commerciales situées à l’intérieur du territoire israélien proprement dit, et à une autre loi qui considérera les colonies du sud du mont Hébron comme faisant partie du Néguev [district sud d’Israël]. Toutes ces mesures ont pour seul objectif de garantir que les colonies reçoivent davantage de fonds publics.
Le fait que ces projets de loi n’aient pas encore été approuvés par la Knesset n’a pas empêché la coalition d’injecter, de diverses manières, des millions de shekels dans les colonies. Ces mesures ne sont plus prises en secret, mais fièrement et ouvertement – par exemple, lorsque Smotrich et Orit Strock [ministre israélienne des Implantations et des Missions nationales] ont récemment participé à une cérémonie de création d’une équipe de rangers (voir article de Hagar Shezaf dans Haaretz, le 20 octobre 2024 : soldats issus pour l’essentiel des colons) au service des avant-postes agricoles du sud du mont Hébron.
Ce n’est pas un hasard si les avant-postes agricoles de toute la Cisjordanie jouent également un rôle important dans l’annexion effective en s’efforçant de vider la zone C [sous occupation israélienne et qui représente 62% du territoire cisjordanien] des Palestiniens et à les pousser vers les villes.
Les colons à la Knesset et les colons dans les territoires sont engagés dans un mouvement de tenaille, prenant le contrôle des institutions étatiques les plus importantes pour la Cisjordanie, réorientant les budgets et accordant une légitimité croissante aux jeunes des collines, ceux qui effectuent, sur le terrain, réellement le travail d’expulsion. Ainsi, lorsque l’annexion officielle aura lieu, il y aura le moins de Palestiniens possible dans cette région.
Nous ne devons pas détourner le regard. Nous ne devons pas penser que l’annexion n’est qu’une hypothèse. Nous devons regarder directement la réalité sur le terrain. Lorsque nous le faisons, nous voyons que l’annexion est pratiquement déjà là et que les moyens de la mettre en œuvre sont en train d’être préparés.
Editorial du Haaretz
L’article ci-dessus est l’éditorial de Haaretz, tel que publié dans les journaux hébreux et anglais en Israël.