La dictature militaire birmane a encore resserré son étreinte sur le pays, vendredi 28 septembre, au troisième jour de la répression d’un mouvement de protestation lancé par les bonzes après une brutale hausse des prix. Les forces de sécurité ont été déployées massivement dans la principale ville du pays, Rangoun, où la plupart des magasins et des commerces sont restés fermés. De nombreuses lignes d’autobus ont interrompu leurs trajets et les accès aux pagodes de Shwedagon et de Sule ont été bloqués.
La répression des manifestations a provoqué officiellement, au cours des précédentes quarante-huit heures, la mort de 13 personnes, dont un cameraman japonais, Kenji Nagaï, de l’agence APF, et fait des dizaines de blessés. Ce bilan a cependant été contesté par l’ambassadeur australien, Bob Davis, qui a affirmé vendredi que le nombre de personnes tuées est supérieur « de plusieurs dizaines » au chiffre avancé par le régime birman.
INTERRUPTION DU RÉSEAU INTERNET
Cette répression accrue a également été illustrée par l’interruption, vendredi, des connexions locales au réseau Internet, utilisées par les opposants pour communiquer avec l’extérieur. Une source officielle birmane a attribué cette interruption à « un câble sous-marin endommagé ». A Bangkok, en Thaïlande, un responsable d’une entreprise de télécommunications fournissant des services par satellite à la Birmanie a déclaré que l’Internet avait été coupé, au moins partiellement, « côté birman ».
Après avoir laissé planer le doute, les autorités birmanes ont finalement accordé jeudi un visa à l’émissaire des Nations unies, Ibrahim Gambari, qui devait arriver à Rangoun samedi. L’émissaire s’était déjà rendu en Birmanie en mai et en octobre 2006. Il y avait rencontré à cette occasion l’opposante Aung San Suu Kyi, assignée à résidence, ainsi que le général Than Shwe, qui dirige le pays.
Ibrahim Gambari est un « interlocuteur neutre » qui peut « aider à désamorcer une situation dangereuse », ont affirmé les ministres de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), réunis jeudi, à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU. Les pays de l’Asean, traditionnellement peu enclins à s’ingérer dans les affaires internes des Etats membres, se sont par ailleurs déclarés « consternés » par l’utilisation d’armes automatiques contre les manifestants et ont demandé que la junte militaire birmane « cesse immédiatement d’user de la violence ». Ils ont exprimé leur « écœurement » face aux pertes humaines et ont appelé à la libération de tous les prisonniers politiques.
En dépit de la mort du cameraman japonais, Tokyo a prôné vendredi la modération. « La question des sanctions n’est pas à l’ordre du jour. Il est plus productif d’enjoindre à la junte de mettre fin rapidement, et de manière pacifique, aux manifestations que de rendre la vie de la population encore plus difficile par des sanctions », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Nobutaka Machimura. Le Japon a cependant annoncé tenir pour responsables de la mort du journaliste les dirigeants birmans.
Terrain historique de la lutte d’influence entre le Japon et la Chine, la Birmanie a toujours été une question délicate pour la diplomatie japonaise, plus favorable à une politiqued’« engagement constructif » que d’isolement.
Total reste la cible des ONG et de l’opposition en exil
Total a été de nouveau la cible, jeudi 27 septembre, des critiques de l’opposition birmane en exil et des organisations non gouvernementales. Elles l’accusent de recourir, même indirectement, au travail forcé sur le champ gazier de Yadana. « Total peut dire qu’il n’utilise pas de main-d’œuvre forcée, mais l’armée le fait puisqu’elle protège l’entreprise » en faisant venir cette main-d’œuvre pour garder le gazoduc, a dénoncé le Premier Ministre en exil, Sein Win, sur RMC Info.
Rama Yade, la secrétaire d’Etat française aux droits de l’homme, a estimé que, si Total part, il sera remplacé par des compagnies chinoises ou indiennes. Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy, a jugé qu’il s’agirait d’une « décision extrême », dont « les premières victimes seraient les Birmans », évoquant des programmes socio-économiques en faveur des riverains du gazoduc.
Total précise qu’il « n’investit plus en Birmanie depuis environ dix ans » et « n’a pas prévu d’autres investissements ».
Le nombre de morts en Birmanie serait plus élevé que le chiffre officiel
LEMONDE.FR avec AFP | 28.09.07 | 09h48 • Mis à jour le 28.09.07 | 10h30
Bob Davies, ambassadeur australien en Birmanie, interrogé sur la radio australienne ABC, a affirmé, vendredi 28 septembre, que le nombre de personnes tuées lors des récentes manifestations à Rangoun était bien plus élevé que le chiffre officiellement avancé par le régime birman.
Le régime des généraux a fait part d’un bilan de dix personnes tuées. Mais « des témoins ont affirmé avoir vu un nombre beaucoup plus important de corps sur le lieu des manifestations jeudi dans le centre de Rangoun », a souligné l’ambassadeur australien. Le nombre de personnes tuées est « supérieur de plusieurs dizaines au chiffre donné par les autorités », a-t-il affirmé.
Jeudi, la télévision nationale, contrôlée par les généraux, avait indiqué que neuf personnes – huit manifestants et un Japonais – avaient été tuées dans les violences. Le Japonais mort jeudi à Rangoun est un vidéo-journaliste de l’agence japonaise APF, Kenji Nagai, tué par balles alors qu’il filmait la répression des manifestations. Il s’agit du premier étranger tué. La veille, quatre personnes – un civil et trois bonzes – avaient été tuées, selon des responsables birmans et des témoins. Il apparaît très difficile d’obtenir des chiffres précis sur le nombre de morts.
La junte militaire au pouvoir en Birmanie tente de briser un mouvement de protestation contre elle, lancé le 19 septembre, à la suite d’une augmentation massive des prix et dont les moines bouddhistes sont devenus le fer de lance. La répression est « une réponse complètement inappropriée aux manifestations pacifiques », a affirmé Bob Davies. « La situation est très tendue », a-t-il ajouté, s’attendant à que les manifestations se poursuivent vendredi.
LIAISON À INTERNET ROMPUE
Par ailleurs, la junte birmane semble avoir suspendu, vendredi 28 septembre, les accès publics à Internet pour éviter la diffusion de documents liés à la répression du mouvement de contestation. Les cybercafés ont été fermés. La principale liaison à l’Internet a arrêté de fonctionner vendredi, selon un responsable birman des télécoms, qui a attribué le problème à « un câble sous-marin endommagé ».
Une source occidentale fiable, à Rangoun, a indiqué à l’AFP que depuis 11 heures, heure locale (6 h 30, heure de Paris), l’accès à l’Internet et aux courriels était bloqué et que la coupure aurait été ordonnée par la junte militaire. Les autorités birmanes cherchent à empêcher la diffusion, hors de Birmanie, d’informations, de photos et de vidéos sur la répression en cours. Or, c’est par le biais d’Internet que la presse dissidente fait sortir du pays les informations collectées par ses partisans.
En outre, les autorités ont annoncé la fermeture du centre de la capitale.