Entre les remises en cause du droit de grève, les salaires bloqués, les coupes claires dans les effectifs du fret, les fermetures de gares et, enfin, les annonces sur la suppression des régimes spéciaux, la coupe est pleine. Chose nouvelle depuis longtemps, un bouillonnement intense agite en ce moment les salariés de la SNCF. Les discussions entre collègues sont nombreuses, les distributions de tracts sont bien accueillies. Par exemple, aux ateliers de matériel des Quatre-Mares, à Rouen, une assemblée générale a réuni 450 cheminots sur les 750 que compte le site.
L’appel à la grève du 18 octobre sera bien suivi. Les discussions portent déjà sur la suite, avec la conscience qu’une grève de 24 heures ne sera pas suffisante pour faire reculer Sarkozy. L’enjeu est donc une grève déterminée, en sachant qu’il y a pour cela plusieurs obstacles à franchir. Le premier, et non des moindres, est la « bataille de l’opinion », avec des médias qui ne vont pas manquer de tirer sur « les cheminots privilégiés preneurs d’otages ».
S’il est peu probable, dans le contexte actuel, que les autres salariés fassent grève pour la défense des régimes spéciaux, il est important de s’assurer de leur soutien et de communiquer sur des bases claires. Ce sont les cheminots qui se payent leurs retraites : une remise en cause des régimes spéciaux n’améliorera en rien le sort des autres retraites. Pire, le gouvernement s’en servira pour attaquer un peu plus les autres retraites. D’autant que, sur ce terrain, le gouvernement est épaulé par la direction de la SNCF. Après avoir vanté la loi sur le service minimum, qui va « révolutionner l’état d’esprit dans l’entreprise », la direction de la SNCF vient de publier, via la propagande interne (« Les infos »), un matériel vantant la réforme des retraites. Des réunions sont prévues, avec l’encadrement, pour le préparer à faire avaler la réforme aux cheminots « de base ». Autre obstacle à franchir, la jonction avec les autres régimes spéciaux, principalement ceux de GDF et de la RATP. À EDF, un préavis a été déposé par les principaux syndicats. Une grève commune est nécessaire, elle permettrait d’obliger le gouvernement à céder plus rapidement.
Enfin, l’autre interrogation concerne les jeunes embauchés. De nombreux cheminots, qui ont participé aux grèves de novembre-décembre 1995, sont partis à la retraite et, depuis 1997, il y a eu 70 000 nouveaux embauchés. Pour ceux-ci, la question du pouvoir d’achat semble l’emporter sur celle des retraites, qui peuvent paraître lointaines. Il s’agit donc d’expliquer que les deux sont liées. Cependant, de nombreux jeunes ont déjà compris l’enjeu que représente cette réforme, et ils se disent prêts à la grève.
Le débat entre les cheminots de la LCR a porté sur la faisabilité de se saisir de toutes les possibilités de démarrer la grève dès maintenant, dans la perspective de maintenir un climat de combativité d’ici au 18 octobre. Car, jusqu’à présent, on a surtout entendu les leaders des confédérations syndicales se plaindre que cette réforme se faisait « sans négociation ». Il s’agit donc de faire entendre une autre voix. Mais, de l’avis général, il faut mettre avant tout le paquet sur le 18 octobre, en donnant aux salariés les moyens de prendre leur grève en main, par la tenue d’assemblées générales nombreuses, seules à même de reconduire la grève.
L’enjeu de cette lutte est important et, d’un certain point de vue, déterminant pour le climat social des semaines et des mois à venir. C’est pour cela que la LCR a déjà diffusé un tract en défense du droit de grève et que, dans les semaines qui viennent, nous renforcerons notre intervention en direction des usagers et des cheminots. Une victoire serait un premier camouflet pour Sarkozy et donnerait confiance aux autres secteurs.
Le secrétariat cheminots de la LCR