TOKYO CORRESPONDANT
En quête de vérité sur les années de dictature, la Corée du Sud découvre les pratiques passées de ses services secrets. Dernière révélation en date, l’Agence centrale coréenne de renseignement (KCIA) aurait envisagé de faire assassiner Kim Dae-jung, ancien opposant au régime devenu président en 1998, par des yakuzas japonais.
L’information aurait été fournie à une commission du Service de renseignement national (NIS), par un ancien de la KCIA, et rendue publique dimanche 14 octobre. La commission, mise en place en 2005, doit faire la lumière sur le rôle des services secrets dans différentes affaires. L’une d’entre elles est le traitement réservé à Kim Dae-jung au début des années 1970.
En 1973, le pays est dirigé par Park Chung-hee (1961-1979), ancien militaire arrivé au pouvoir par la force. Avec l’appui de la KCIA et de ses amis politiques, il remporte toutes les élections présidentielles auxquelles il se présente. En 1971, il domine de peu son adversaire, Kim Dae-jung, qui obtient 46 % des suffrages.
Inquiète de la menace que pourrait représenter cet opposant pugnace entré en politique en 1954 et fervent défenseur de la démocratie, la KCIA, qui joue le rôle de police du régime, tente une première fois de l’assassiner. Elle maquille son forfait en accident de la circulation.
Kim Dae-jung s’en sort grièvement blessé et s’exile au Japon. Dans l’archipel, il crée un mouvement pour la démocratie en Corée du Sud et multiplie les critiques contre le régime de Park Chung-hee, devenu une véritable dictature en 1972 avec la mise en place de la Constitution dite Yusin, taillée sur mesure.
L’activisme de M. Kim incite les dirigeants sud-coréens à envisager à nouveau son élimination. D’après l’ancien agent de la KCIA qui s’exprimait devant la commission du NIS, une des options envisagées aurait été de le faire assassiner par un groupe de yakuzas.
Les agents de Séoul préféreront finalement l’enlever. L’opération se déroule l’après-midi du 8 août 1973, dans l’hôtel Grand Palace, au cœur de Tokyo, avec la complicité de la pègre japonaise d’origine coréenne. Kim Dae-jung, drogué, est ramené en Corée du Sud par bateau. Au cours du périple, ses ravisseurs lui attachent une pierre au cou et s’apprêtent à le jeter à la mer. Une intervention américaine lui sauve la vie. Libéré cinq jours plus tard dans Séoul, il se voit interdire toute activité politique.
Les années qui suivent, il multiplie les séjours en prison ou en résidence surveillée. En 1980, condamné à mort pour sédition et conspiration par la dictature de Chun Doo-hwan (1979-1987), il voit sa peine commuée en vingt années de prison grâce aux pressions de Washington.
Au moment du retour de la démocratie en 1987, Kim Dae-jung se porte candidat à l’élection présidentielle. Après deux défaites en 1987 et 1992, il remporte le scrutin de 1998. Au cours de son mandat de cinq ans, les services secrets subissent une importante refonte. Le NIS remplace, en 1999, l’Agence pour l’organisation de la sécurité nationale (ANSP), qui avait elle-même succédé à la KCIA en 1981.