Dans le parc des Beaumonts, à Montreuil-sous-Bois (93), l’aménagement « doux » de la friche a commencé. Nous avons déjà parlé dans l’Epeichette de cet espace vert de 22 ha. Etabli au bord d’un plateau surplombant le centre ville (et le bois de Vincennes), il a gardé d’intéressants boisements sur ses flancs ; là où les coteaux sont trop raides pour être l’objet d’un aménagement « lourd ». Par ailleurs, la construction d’un parc urbain de conception traditionnelle (pelouses artificielles saupoudrées de conifères et de quelques feuillus avec une esplanade bétonnée) a dû être suspendue à mi-course, fautes de crédits. Une végétation spontanée s’est ainsi maintenue ou reconstituée, sur quelque 11 ha, avec une friche, des buissons et arbustes, des arbres isolés et des bosquets.
Ilot de nature au milieu de l’océan parisien, aéré par les cimetières voisins et le quartier des Murs à pêches, il accueille une riche avifaune, rare en milieu urbain : nicheurs « campagnards », migrateurs en goguette, hivernants à la recherche d’un havre…
Un article de synthèse sur l’avifaune des Beaumonts est en préparation pour le Passer [1]. Il permettra de faire de point de la situation « avant aménagement » et servira de repère pour évaluer les évolutions ultérieures. C’est l’occasion de rassembler de nouvelles données pour que cette synthèse soit la plus complète possible. Nous avons, par exemple, retrouvé la trace, dans le Tarn, d’un ancien corifien, Michel Malaterre, qui avait beaucoup fréquenté ce site en 1975-1980 ! Ses carnets sont d’autant plus précieux que les données actuellement centralisées ne concernent que les années 1993-1998. En préparant une étude départementale, le CPN a lui aussi exhumé quelques obs intéressantes ; bien d’autres dorment probablement encore dans des tiroirs. Alors, si ce n’est déjà fait, n’oubliez pas de communiquer vos observations concernant les Beaumonts (et d’inciter vos connaissances à agir de même) — et ce, quelles que soient les années concernées.
Voici donc le premier objet de cette note, dans l’Epeichette : lancer un vigoureux appel à coopération. Le second est de faire succinctement le point, en commençant par un bref rappel historique.
C’est en 1993 que l’intérêt ornithologique des Beaumonts a été signalé à la mairie et à la Diren, puis ultérieurement inscrit dans une Charte pour l’environnement signée entre ces deux organismes. Une nouvelle conception d’aménagement du site a été élaborée, en vue de préserver et d’accroître sa biodiversité tout en offrant aux habitants des environs un bel espace d’allure naturelle, de facture « rurale ». Dans cette optique, un premier rapport a été présenté à la Diren, au conseil local de l’environnement et à la mairie. Cette dernière, sous l’impulsion de la maire ajointe Eliane Robin et de Nathalie Cadiou, l’a prise en compte et a commandé une étude de faisabilité, réalisée en 1997. Sur cette base, le bureau municipal a adopté un nouveau plan d’aménagement dont la réalisation a commencé en août 1998 (après la tenue sur le site, en juillet, d’un chantier jeunes européen animé notamment par François Carez).
Il était temps d’intervenir. L’évolution spontanée de la couverture végétale commence à « fermer » le site et à réduire sa diversité : disparition des zones de végétation rase, expansion des boisements, impérialisme de quelques espèces exotiques devenues en France dominatrices… La pression humaine augmente d’année en année, de plus en plus de personnes découvrant les charmes de ce coin sauvage (bien qu’un peu dépotoir), qui pour faire griller des saucisses, qui pour mettre en jambes son chien.
Il fallait aussi tenir compte d’importantes contraintes :
– En matière de budget, tout d’abord. L’un des atouts maîtres du projet alternatif est qu’il coûte près de dix fois moins cher que le précédent. De plus, grâce à son contenu novateur, écologique et pédagogique, il a bénéficié de subventions particulièrement importantes (notamment, mais pas uniquement, de la Diren). Il devait respecter d’étroites limites budgétaires.
– Initialement, la création d’un étang d’assez grande taille était envisagée. Mais les Beaumonts constituent le point le plus haut de Montreuil. Acheminer de l’eau en quantité aurait coûté trop cher. Une autre solution, élégante, a été choisie : la constitution d’une zone humide avec quatre mares, dont trois reliées par un rut plus ou moins temporaire ; alimenté surtout par l’eau de pluie, avec un apport artificiel réduit. Pour cela, les « bassins versants » ont été élargis et, quand nécessaire, le sol a été discrètement imperméabilisé par une membrane.
– Un dépôt de voirie empiète sur l’espace du parc. Il ne sera malheureusement pas déplacé. Dans cette partie de la friche, le cheminement humain est donc moins excentré que nous l’avions un temps espéré. Il longe ainsi le rut et le chapelet des trois mares. La présence humaine s’avère donc notable en bordure de la zone humide.
– Enfin, discutable dans son principe, une protection artificielle de la friche n’avait en pratique aucune chance de tenir ; les grillages auraient immédiatement été percés, puis démontés et efficacement recyclée au profit de jardins privés, comme l’expérience locale l’a déjà prouvée… L’idée de base est donc d’orienter le cheminement humain sur un parcours périphérique en offrant une promenade agréable de plus d’un kilomètre, de protéger le centre de la friche en multipliant les obstacles naturels (fossés et abruptes, zones humides et boueuses, barrières de végétation…), d’assurer la présence de trois emplois-jeunes, des « gardiens-animateurs » à même d’expliquer les nécessités de la protection.
Malgré ces contraintes, l’étude de faisabilité n’a pas seulement permis de préciser et de donner chair aux suggestions initiales, elle les a aussi considérablement enrichies. Dans l’architecture d’ensemble avec la zone humide conçue comme un système circulaire reliant trois mares via une petite cascade et avec le reprofilage complet d’un long talus rectiligne et monotone. Dans mille détails aussi : accidents de terrains, pierriers, etc., ont une fonction paysagère évidente mais servent de même à multiplier les refuges propices à la faune. De plus, cette étude, très fouillée, ne s’arrête pas à l’aménagement ponctuel du site mais présente des lignes directrices pour sa gestion dans la durée, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir.
La première phase des travaux a été réalisée en août-octobre avec le remodelage physique d’une partie du site (création du cheminement circulaire et de la zone humide, reprofilage du talus). Elle a porté sur environ deux hectares, soit le cinquième seulement de la zone concernée. Elle a débuté plus tôt qu’il n’était originellement prévu, avant que la nidification ne soit complètement terminée. Cela s’est avéré indispensable pour profiter des beaux jours (les interventions les plus lourdes ne pouvant avoir lieu par mauvais temps, quand le sol est gorgé d’eau) et pour initier la repousse de la végétation avant l’hiver (afin de limiter les ravinements dus aux précipitations). Les deux responsables du chantier, Philippe Rossier et Florian Meier (lui-même un ornithologue), ont quotidiennement suivi les travaux pour limiter au maximum les dérangements, préserver certaines plantes (églantiers, etc.) et ne pas négliger la réalisation des importants « détails » (répartition des remblais importés en fonction de leur composition, création de nombreux pierriers, etc.).
Des herbes typiquement franciliennes ont été recherchées jusqu’à près de 100 km et fauchées pour être répandues sur la zone de travaux (avec leurs insectes…), de façon à enrichir la biodiversité de la friche. Des blocs de grès, rejetés par les paysans, ont été à cette occasion découverts et utilement recyclés aux Beaumonts. Un mobilier rustique (petits ponts et bancs en troncs) a été installé, ainsi qu’une fontaine d’eau potable. D’ici au printemps, plusieurs interventions auront lieu pour travailler le détail du remodelage, réaliser des plantations et renforcer les protections naturelles de la friche.
Nous sommes entrés dans une étape prometteuse mais délicate pour le projet Beaumonts, cher au Corif. Les premiers travaux ont déjà considérablement amélioré l’apparence du site ; la fréquentation humaine (et canine) s’accroît en conséquence. En revanche, les défenses naturelles ne sont encore qu’incomplètement érigées (la végétation dense demande du temps pour pousser…). Il faut donc, en l’état, éviter tout ce qui peut augmenter encore la fréquentation…