Depuis septembre, a commencé une négociation entre les partenaires sociaux (Medef, CGPME, UPA et les cinq confédérations syndicales jugées représentatives) sur le contrat de travail, l’assurance chômage et la sécurisation des parcours professionnels. Cette négociation se déroule alors que la situation des chômeurs et des salariés est fortement dégradée. Les droits des chômeurs ont été fortement revus à la baisse ces dernières années, avec moins de la moitié des chômeurs indemnisés, un durcissement des conditions d’indemnisation, une diminution de sa durée et l’explosion des sanctions (44100 radiations en juillet dernier). Un tiers des chômeurs n’ont droit à aucun revenu, notamment les jeunes de moins de 25 ans exclus du RMI.
La précarité est devenue la norme pour les entrants sur le marché du travail : plus de 70 % des embauches se font en CDD pour une durée moyenne d’un mois et demi. Le temps partiel imposé sévit, en particulier pour une majorité de femmes. L’inflation des stages non payés se poursuit (800 000 stages annuels, soit 100 000 emplois potentiels). 80 % des salariés gagnent moins de 2 000 euros.
Ces dernières années, les salariés - en poste, précaires ou non, au chômage ou en formation - ont multiplié les luttes qui, peu à peu, ont brisé le défaitisme né des années 1980. La victoire contre le CPE en fut la manifestation la plus significative. Cette longue maturation d’une conscience nouvelle permettra-t-elle de gagner les droits contre la précarité ? L’histoire est à écrire.
On pouvait espérer que la négociation sociale en cours apporterait des avancées pour les chômeurs et les autres salariés, puisqu’il était question de « sécurisation » des parcours professionnels. Or, ce qui filtre des séances de travail montre le caractère extrêmement dangereux des demandes du patronat. Le Medef veut la flexibilisation du CDI, par l’allongement de la période d’essai, suivie d’une période de « validation économique ». Il veut surtout instaurer cette fameuse « séparabilité à l’amiable » entre l’employeur et le salarié. On se souvient de la fameuse formule de Laurence Parisot : « Le travail, c’est comme l’amour, c’est précaire ! » Comme si employeur et salarié étaient en position d’égalité ! Le Medef veut aussi des contrats de mission et, pour l’employeur, la possibilité de modifier unilatéralement les conditions ou le contrat de travail, sans que le salarié puisse bénéficier d’un licenciement pour cause économique. Il souhaite également pouvoir se débarrasser d’un salarié jugé « inapte » sans le licencier.
Le gouvernement annonce sa volonté de légiférer si les partenaires sociaux ne sont pas d’accord d’ici la fin de l’année, mais il ne consulte pas les organisations de chômeurs et de précaires. Or, ce que souhaite Nicolas Sarkozy, c’est la fin du CDI et un licenciement facilité en échange du versement d’une indemnité. Il stigmatise les chômeurs comme des fraudeurs et veut durcir les sanctions contre ceux qui refuseraient deux offres d’emploi dites « valables ». Il prépare à marche forcée la fusion de l’ANPE (service public) et de l’Unedic (gérée par les partenaires sociaux, dominée par le Medef), ce qui reviendrait, sous couvert de guichet unique, à mettre le suivi des chômeurs sous la coupe du patronat. Ceci accélérerait la privatisation du service public de l’emploi par le recours massif aux officines privées de placement.
Quelle que soit l’origine de la « réforme », issue d’un accord entre le patronat et des syndicats minoritaires ou d’une décision sarkozyste, elle conduira à des changements concernant tous les contrats de travail, ceux déjà signés comme ceux proposés à partir de 2008. Il est urgent d’alerter les salariés du privé. Nous avons, depuis un an, élaboré une plateforme unitaire pour une garantie de revenu et la continuité des droits, à travers un statut de vie sociale et professionnelle, signée par AC !, Act-up, l’Association pour l’emploi, l’information et la solidarité (Apeis), le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), la Confédération paysanne, la Coordination des intermittents et précaires d’Île-de-France, Génération précaire, le Mouvement national contre le chômage et la précarité (MNCP), Stop précarité, Solidaires, par laquelle nous exigeons : l’accès de toutes et tous - salariés, chômeurs, précaires, primo demandeurs d’emploi, temps partiels imposés, stagiaires, paysans, intermittents, travailleurs pauvres, etc. - à un statut de vie sociale et professionnelle garantissant, dans tous les cas (licenciement, fin de CDD ou de mission d’intérim, démission...), le droit à un revenu individuel décent avec, pour référence, le Smic revalorisé, et la continuité des droits sociaux afférents - formation librement choisie, droit au logement, à la santé, à une progression de carrière, à la retraite -, ainsi que la possibilité pour tout travailleur à temps partiel qui le souhaite de passer à plein-temps ; la création d’un fonds national, interprofessionnel, mutualisé, basé sur une nouvelle répartition des richesses, pour financer la mise en œuvre de ce statut.
Nous organisons, comme première mobilisation, un meeting unitaire, le 25 octobre à Paris1, également appelé par le SNU-ANPE, la Fondation Copernic, le réseau de l’Observatoire unitaire des politiques sociales (Oups) et le DAL. Ce meeting doit permettre de construire la mobilisation. Nous devons nous emparer de la négociation en cours pour imposer nos exigences. Les chômeurs, les précaires, tous les salariés du privé, les jeunes sans emploi ni revenu sont les premiers concernés, et ils doivent bâtir un front unitaire. Nous appelons les signataires à organiser des réunions de même format, en régions, en novembre et décembre.
La mobilisation se poursuivra par une manifestation nationale, le samedi 8 décembre, à Paris, appelée par les organisations de chômeurs et de nombreux mouvements associatifs, syndicaux et politiques. Une riposte d’envergure est possible. Chacun est concerné.
Note
1. De 18 h à 21 h, à la Bourse du travail (3, rue du Château-d’Eau, salle Jean-Jaurès, M° République).