Les derniers bastions de la grève du 18 octobre ont repris le travail, en région parisienne, à Marseille... Ils ont, à juste titre, tenu à exprimer la détermination des cheminots ou des travailleurs de la RATP en refusant de se limiter à la journée de 24 heures dite « carrée ». Ils ont repris, soucieux de ne pas se couper de leurs camarades de travail et de lutte, de préserver l’unité pour mieux regrouper les forces en discutant, dans les assemblées générales, des prochaines étapes de la lutte. Le magnifique sursaut des travailleurs qu’a représenté la mobilisation sans précédent du 18 octobre n’a pas épuisé ses forces et ses possibilités. Chacun sait que les choses ne pourront en rester là.
Lundi 22 octobre, les syndicats de cheminots ont décidé d’appeler à la grève reconductible si le gouvernement ne modifiait pas son projet. Un nouveau rendez-vous est pris pour le 31 octobre. Les syndicats de fonctionnaires appellent à une journée de grève et de manifestations, le 20 novembre. Ce qui est désormais à l’ordre du jour, c’est la préparation de l’inévitable confrontation avec le gouvernement. L’ampleur de la grève à la SNCF (75 % de l’ensemble des cheminots, une participation sans précédent), à la RATP, chez les électriciens et les gaziers, dépassant celle des grèves de 1995, n’a pas suffi à faire reculer le ministre du Travail, Xavier Bertrand, et Nicolas Sarkozy. Mais elle a créé les conditions d’un nouveau développement du mouvement, d’autant qu’elle est le résultat des capacités d’initiatives des équipes militantes et des travailleurs eux-mêmes, plus que de la volonté des directions des confédérations syndicales.
Le gouvernement a connu un revers. Sa campagne d’intimidation, menée activement sur le thème de l’équité et de la justice a non seulement échoué, mais elle a indigné et révolté la grande majorité des salariés. Il n’a pas réussi à isoler ceux qui bénéficient des régimes spéciaux. Ces derniers, comme tous ceux qui les ont rejoints dans la grève et dans la rue, ont conscience qu’autour de cette question se joue une bataille plus générale, se construit un rapport de force non seulement à la SNCF ou à la RATP, mais pour l’ensemble des salariés.
Cette conscience que le 18 octobre était un moment charnière a mobilisé équipes militantes, salariés de la fonction publique, enseignants, malgré le refus des directions syndicales d’indiquer clairement leur volonté d’avancer vers un mouvement interprofessionnel en défense des régimes spéciaux, des retraites, mais aussi de l’emploi, des salaires, des services publics... De fait, la mobilisation dans la fonction publique ou, même si elle y a été moindre, dans le privé, est porteuse de la perspective d’un mouvement interprofessionnel.
Face à la fermeté d’un gouvernement voulant obliger tout le monde à reconnaître l’inéluctabilité de la réforme des retraites, il n’est possible de changer le rapport de force que si l’on rompt avec cette logique de la politique des réformes, en se prononçant pour le retour aux 37,5 annuités pour tous. Encore une fois, il apparaît que la force du gouvernement est l’acceptation par la gauche, tant syndicale que politique, des réformes comme horizon indépassable. François Hollande (PS) comme Bernard Thibault (CGT) demandent des négociations, de la concertation, du dialogue, mais ils ne remettent pas en cause le fond de la politique du gouvernement. Pourtant, ce dernier est dans une situation difficile face au mécontentement grandissant dans le pays, à la rébellion des magistrats, des avocats, des internes en médecine et aux affaires qui le rattrapent. Pour Sarkozy, il s’agit d’asseoir son autorité, de légitimer, vis-à-vis de la droite comme du patronat, sa politique d’ouverture, en faisant la démonstration qu’il réussit là où Juppé avait échoué.
La seule force susceptible de bousculer le calendrier gouvernemental est la mobilisation des salariés, l’initiative de la base, celles des équipes militantes, qui ont bien compris ce qui se jouait autour de la question des régimes spéciaux. C’est une large bataille politique pour contester le bien-fondé des réformes, poser la question centrale de la répartition des richesses. C’est populariser les revendications capables d’unir l’ensemble des salariés : le refus de l’allongement de la durée du travail, le retour aux 37,5 annuités pour tous, la défense du CDI et de l’emploi, la hausse générale des salaires, 300 euros pour tous, le Smic à 1500 euros net...
Partout, les militants de la LCR s’engagent dans cette bataille, aident au regroupement de tous ceux - travailleurs, militants, organisations - qui veulent populariser ces revendications, œuvrent à l’unité la plus large, tant sur le plan syndical que politique, participent à la mise en place de cadres démocratiques permettant aux salariés eux-mêmes de prendre en main la mobilisation... Le mouvement engagé peut s’amplifier, s’approfondir. La journée du 18 octobre a mis fin à la déprime suivant l’élection de Sarkozy, la confiance revient, la possibilité d’un mouvement interprofessionnel pour faire reculer le gouvernement prend corps...
Yvan Lemaitre
SNCF : Ce n’est qu’un début
Comme prévu, la grève du 18 octobre à la SNCF a été historique, avec le plus important taux de grévistes depuis l’été 1953. Ce succès doit ouvrir la voie à une mobilisation de plus grande ampleur.
Le 18 octobre, à certains endroits, comme à Montpellier, on a atteint 86 % de grévistes, tous collèges de cheminots confondus. Dans plusieurs dépôts de conducteurs, les 100 % ont été atteints. Les grévistes ont été également nombreux chez les agents de maîtrise et les cadres, qui savent qu’ils perdront énormément avec la contre-réforme Fillon. Il y a eu 36 % de grévistes à la direction de l’entreprise. Sentant que la grève allait être massive, la direction proposait aux cheminots, dans certains chantiers, de se mettre en congé le 18 octobre, « pour ne pas perdre une journée de salaire », afin de faire baisser le taux de grévistes. Peine perdue !
Le 18 octobre est un premier succès indéniable, mais pas suffisant. Le gouvernement continue à marteler qu’il n’entend pas revenir sur l’élément essentiel de sa contre-réforme : faire passer les régimes spéciaux de 37,5 annuités de cotisations à 40. La tentative d’impulser une grève reconductible était donc fondée. Vendredi 19 octobre, il y avait de 25 à 30 % de grévistes, ce qui est loin d’être négligeable et correspond à une journée de grève « classique ». Dans les jours qui ont suivi, la SNCF a passé son temps à expliquer que « le trafic revenait à la normale », alors que la grève continuait dans un certain nombre d’endroits, au moins jusqu’au mardi 23 octobre.
Cependant, l’ensemble des cheminots n’a pas réellement suivi le mot d’ordre de grève reconductible. À cela, on peut trouver des débuts d’explications. La principale raison est la division syndicale, qui a lourdement pesé. Les syndicats étaient unis le 18 octobre, mais divisés le 19. Le sentiment de nombreux cheminots était : « Le gouvernement veut nous isoler et si, en plus, on est divisé, c’est pas la peine. » Ensuite, la direction de la CGT a mis tout son poids contre la reconduction, en demandant par exemple aux militants de ne pas participer aux assemblées générales, ou en expliquant que c’était « bien trop tôt », entretenant ainsi l’illusion que le gouvernement allait revoir sa copie. Cela n’a pas empêché des équipes de la CGT de faire grève après le 18, mais, pour bon nombre de cheminots, tout cela a pu apparaître, à tort, comme une « guéguerre syndicale » entre la CGT et SUD.
Pour imposer la reprise du boulot le 19 octobre, la CGT a dû expliquer à ses militants, dont l’immense majorité à envie d’en découdre, qu’une grève reconductible était inéluctable dans les semaines qui viennent. Si, à cela, on ajoute la magouille de la Fgaac (agents de conduite), qui est allé « négocier », dans le dos des grévistes, de fausses avancées pour les conducteurs, cela fait beaucoup d’éléments jouant contre un mouvement prolongé. Lundi 22 octobre, les fédérations de cheminots ont réaffirmé qu’elles n’acceptaient pas le cadrage du gouvernement. Si celui-ci s’entête dans sa réforme, elles envisagent de déposer, fin octobre, un nouveau préavis de grève pour courant novembre. Celui-ci pourrait être reconductible, ce qui est une bonne chose.
Mais d’ici le mois de novembre, il ne faut pas faire retomber la pression, les directions syndicales étant capables d’aller « négocier quelques avancées » bidons avec le gouvernement, à la marge par rapport à l’enjeu principal de la réforme : le nombre d’années nécessaires pour faire valoir ses droits à une retraite pleine et entière. Une quelconque négociation acceptant le cadre des 40 annuités de cotisations serait perçue, à juste titre, comme une trahison.
Le 18 octobre et ses suites ont fait la démonstration que les cheminots n’étaient pas prêts à se laisser faire. Les assemblées générales ont vu arriver de nombreux jeunes, loin d’être rebutés par une grève dure et prolongée. L’enjeu des semaines à venir est de « recoller les morceaux » entre les équipes syndicales, les cheminots qui ont fait une grève de 24 heures et ceux qui l’ont reconduite. Sur le fond, tout cela est une bonne nouvelle, il y aura forcément des suites.
Basile Pot
Marseille : un souffle de printemps
La manifestation marseillaise du 18 octobre a été massive et a montré la voie d’une riposte unitaire.
Une vingtaine de cars ont déposé, sur la Canebière, les manifestants venus du département. D’autres s’étaient auparavant regroupés pour manifester devant leurs directions : les postiers, les retraités devant le siège du Medef, les étudiants devant l’IUFM. 7 300 manifestants selon la police et 50 000 selon les syndicats, il a fallu attendre une heure et demie avant que les derniers manifestants ne démarrent. On pense à 1995 et 2003. Derrière la banderole unitaire de tête, les responsables des unions départementales, puis les militants des bastions de la CGT. Au coin du boulevard d’Athènes, le cortège s’arrête et les cheminots, qui arrivent de leur assemblée générale, en prennent la tête, suivi d’un très gros bataillon bleu d’EDF-GDF. Derrière, le privé n’est pas en reste. Les salariés du commerce, avec leur tee-shirt contre le travail du dimanche, la chimie, dont les industries du pétrole sont menacées, enfin, les finances et les hôpitaux. Les banderoles demandent 37,5 annuités pour tous. Absent de marque, la Régie des transports de Marseille (RTM), où il n’y a pas eu d’appel à la grève, en attente du 24 octobre, jour de négociations nationales sur les transports urbains. Au milieu, se glissent les étudiants, Unef, SUD, anars, JCR...
Malgré les appels frileux de la FSU, les enseignants sont là, heureux de se retrouver nombreux, certains brandissent les banderoles des manifestations passées et défilent en intersyndicale. La CFDT essaie de faire bonne figure, coincée devant le cortège de FO, dont la sono tonitruante, diffuse L’Internationale, reprise tout le long du cortège par ceux qui sont déjà sur le chemin du retour. En queue, SUD, plus important que d’habitude, car les cheminots ont défilé chacun dans leur cortège. Des militants distribuent des tracts et arborent les badges de leur parti, PCF, LCR ou collectifs. Mais pas de PS ! Il faut dire que, de ce côté-là, on a été conviés dans la plus grande discrétion à débattre de la « décentralisation », sous l’égide de Michèle Alliot-Marie et de Jean-Noël Guérini, candidat PS à la mairie.
Et maintenant ? De la SNCF, où le débat a été chaud car beaucoup de syndicalistes locaux de la CGT étaient pour la reconduction, dépend largement la suite du mouvement. Localement, nombreux sont ceux qui ont compris que, face aux attaques, il faudra une riposte d’ensemble. Mais ce serait mieux si on avait aussi une plateforme commune pour mobiliser.
Nous devons refuser des négociations à froid, c’est une riposte d’ensemble qu’il nous faut. C’est bien le sens de la mobilisation marseillaise montrant la voie d’une riposte interprofessionnelle. Message pour les directions syndicales : ne vous fiez pas au coma de la gauche de gouvernement, il y a une gauche qui sait que seules nos luttes changeront la situation. Il va falloir compter avec elle.
Babette Johsua, Henri Saint Jean
Loire-Atlantique : début prometteur
Le 18 octobre, Nantes a connu une importante manifestation, marquée par son caractère interprofessionnel.
Les manifestations en Loire-Atlantique, le 18 octobre, étaient organisées par les secteurs concernés par la réforme des régimes spéciaux, mais aussi par les structures interprofessionnelles. Quatre unions départementales (CGT, FSU, Solidaires, FO) appelaient en intersyndicale à faire grève contre le passage à 41 annuités pour le régime général, à raison d’un trimestre par an à compter de 2008, et contre les multiples attaques du gouvernement et du Medef. Dans ce département, la volonté d’unifier les mouvements n’est pas nouvelle, et des appels départementaux issus de ces quatre organisations ont souvent pallié l’absence d’appels confédéraux.
La manifestation de Saint-Nazaire a rassemblé près de 3 000 personnes, dont des salariés des Chantiers de l’Atlantique, d’Airbus et d’entreprises sous-traitantes. À Nantes, il y eut près de 10 000 manifestants, une participation honorable pour la ville. Bien sûr, on était loin des chiffres des grandes manifestations mais, dans le contexte général, il s’agit d’un bon niveau de mobilisation, les appels départementaux étant moins « visibles » et donc moins suivis que les appels nationaux.
La manifestation était ouverte par un cortège d’EDF-GDF, suivi, sur environ la moitié de la manifestation, par les cortèges de la CGT, le secteur public, les employés territoriaux, le CHU, les postiers. L’ANPE défilait symboliquement avec les Assedic et faisait le lien avec le secteur privé, représenté de manière significative par les métallurgistes, dont Airbus, la chimie, l’Agro, la construction, la CPAM. Le cortège SUD-PTT était dynamique, la grève ayant été très suivie dans les centres de tri. Les cheminots, tous syndicats confondus, fermaient la marche. Des militants CGT étaient en plein dilemme sur la question d’attendre l’interfédérale du 22 octobre, comme le préconise leur fédération, alors que la nécessité d’un mouvement reconductible était évidente et qu’il n’y a jamais eu un tel nombre de grévistes, y compris chez les cadres, avec certains secteurs en grève à 100 %. Les quatre organisations syndicales ont conclu leur intervention en parlant des suites à donner. Pour Solidaires, le 18 octobre n’est qu’un début ; pour la FSU, il faut poursuivre, et vite ; pour FO, il faut décider des modalités des suites de l’action ; et, pour la CGT, « il s’agit d’une première étape, nous allons vers un affrontement social, la seule voie est celle de l’action. Sarkozy, nous allons le faire plier ».
Dans les rangs de la CGT, beaucoup n’ont pas compris que la confédération n’appelle pas en tant que telle, ne fédère pas les appels de ses différentes structures, et ne mette pas en avant l’interprofessionnalisation du mouvement dans près d’un tiers de ses unions départementales. Mais c’était un début, qui aura certainement donné envie de continuer le combat.
Correspondant
Stratégie syndicale : enlisées et divisées
Comme en 2003 ou en 2006 (CPE), la question trotte dans toutes les têtes : que veulent les confédérations syndicales ?
Sarkozy n’y est pas allé sabre au clair contre les syndicats, malgré les déclarations guerrières de Claude Guéant (avec leur 8 % d’affiliés, les syndicats ne peuvent « bloquer les réformes »). Sarkozy a plutôt attiré le syndicalisme dans un marécage de négociations, où il compte l’enliser. Pour traverser ce marais, émergent quelques points d’appui mais, à tout instant, chaque organisation est menacée de perdre l’équilibre. Un faux pas peut coûter cher, aussi bien face à la base combative, que vis-à-vis du pouvoir. Le salariat attend un syndicalisme efficace. Mais les enjeux bureaucratiques sont également considérables. Tout est mis sur la table, du droit de grève au contrat de travail, jusqu’au paritarisme et au financement.
Au lendemain du 18 octobre, il faut donc rappeler que les directions confédérales ont déjà les yeux tournés vers leur élection présidentielle à elles. Fin 2008, les prud’homales sont un enjeu crucial dans le secteur privé, et pour leur poids institutionnel. Simultanément, la réforme de la représentativité, la fin du décret de 1966 - qui leur conférait une représentativité indépendante de leur audience -, redistribueraient complètement les cartes. Non seulement la situation actuelle barre la route aux nouvelles forces (Solidaires, FSU, Unsa), mais elle mine tout le syndicalisme. Elle devait changer, courant 2008. Mais Bernard Thibault (CGT), après le scandale de l’UIMM, demande l’accélération du calendrier pour une représentativité élective et non octroyée. Comment cette négociation va-t-elle peser ?
Cette nouvelle donne explique que des syndicats aussi « autonomisés » que la Fgaac (agents de conduite SNCF) préfèrent négocier en catimini, quitte à se faire acheter la paix sociale, plutôt que prendre des risques dans un front unitaire. Mais les cinq confédérations, avec leurs multiples contradictions, se savent en concurrence. Comment expliquer autrement qu’après avoir fait plier Villepin sur le CPE, grâce aux jeunes et à l’unité, elles n’aient même pas prévu une seule rencontre pour harmoniser leurs positions, alors que Sarkozy veut briser le « contrat social » ? Maryse Dumas (CGT) a révélé que c’était pendant les interruptions de séance du Medef (lors de la négociation sur le « contrat de travail ») que les syndicats avaient le loisir de débattre entre eux ! Seule l’Union syndicale Solidaires a proposé une rencontre à toutes les organisations, mais n’a reçu aucune réponse. La fédération des finances de la CGT a fait de même sur son secteur (Bercy). Chaque confédération est donc avant tout sur la défensive, face à un pouvoir ultramobile.
FO est doublement menacée par les réformes institutionnelles. D’une part, elle est talonnée par l’Unsa, qui progresse. D’autre part, la représentativité majoritaire la ferait passer du statut de « grand parmi les petits » (CFTC, CGC, FO), parfois choyés par l’UIMM, à celui de « petit parmi les grands ».
La CFDT voudrait à la fois effacer le souvenir de 2003 (être le supporter direct du pouvoir fait perdre des plumes) et bloquer toute stratégie sur le modèle unitaire anti-CPE, malgré son succès. Elle cherche donc à attirer la CGT dans des compromis négociés. Toutes les deux ont réagi vivement quand Fillon, sur les traces du Medef, a paru anticiper les résultats de 2008 sur les retraites. Mais refuser d’aller au-delà de 40 ans, c’est aussi admettre, pour la CGT comme pour la CFDT, que le retour aux 37,5 annuités est impossible. La CGT est obsédée par son image, fragile, dans le secteur privé. Elle refuse, confédéralement, de se situer en opposition au pouvoir. Mais la moitié des unions départementales et des fédérations de son comité confédéral national (CCN) ont appelé au 18 sans mot d’ordre national. L’enjeu est que cette fronde rampante n’en revienne pas à la nostalgie d’une CGT seule au combat, mais débouche sur une large unité dans les luttes.
Dominique Mezzi
Pouvoir d’achat : 300 euros de plus, 1 500 net pour tous
Alors que la baudruche du « travailler plus pour gagner plus » se dégonfle, Sarkozy et son gouvernement prétendent donner la priorité au pouvoir d’achat. Il nous faut saisir l’occasion pour mettre en avant les revendications d’augmentation des salaires.
Une conférence devant les partenaires sociaux, ouverte le 23 octobre, des commissions, des rapports et quelques grandes phrases... C’est avec de piètres ficelles que Sarkozy entend maintenir l’image qu’il avait voulu se donner lors de la présidentielle, celle du candidat du pouvoir d’achat. S’il est tout à fait improbable qu’elle puisse faire encore illusion, cette agitation gouvernementale, alors que le coût de la vie explose à la suite de la hausse des loyers et de l’immobilier, des produits alimentaires et des prix du pétrole, met sur le devant de la scène l’une des préoccupations les plus largement partagées dans la population, l’impossibilité de joindre les deux bouts et la crainte permanente de ne pas pouvoir faire face aux dépenses les plus indispensables.
Le haut-commissaire aux Solidarités actives, Martin Hirsch, l’un des hommes de « l’ouverture », a indiqué que 7,1 millions de personnes vivaient en France sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 817 euros par mois pour une personne seule. Pour autant, il n’a pas réussi jusqu’à présent à faire signer, par les associations qu’il avait conviées au jeu de dupes de la concertation, un appel commun qui aurait servi à donner un semblant de légitimité à la refonte des contrats aidés en un « contrat unique d’insertion ». L’objectif de celui-ci ? Probablement contraindre les « bénéficiaires » de ce revenu à accepter tout ce qu’on voudra leur imposer comme travail sous-payé.
Sarkozy a déclaré qu’il « est inacceptable que 7 millions de personnes vivent en France sous le seuil de pauvreté ». Il prétend, sans rire, au moment où son gouvernement veut amputer les retraites des centaines de milliers de salariés bénéficiant des régimes spéciaux, vouloir « combattre les causes » de la pauvreté et non ses « conséquences », « comme l’ont fait les gouvernements de droite et de gauche depuis 25 ans ». Mais il a déjà abandonné la promesse dérisoire - qu’il avait faite lorsqu’il était candidat - de lier les allégements d’impôts et de cotisations sociales des patrons à leur politique salariale.
Qu’est-ce qui peut sortir des rapports de la Commission Attali, l’ancien conseiller de Mitterrand, ou de la conférence du 23 octobre ? Le fait que le gouvernement se targue d’avoir déjà fait beaucoup pour le pouvoir d’achat avec le vote du « paquet fiscal », un cadeau de plusieurs milliards d’euros pour les plus riches, en dit assez là-dessus. Il est question de « libéraliser » le secteur de la distribution pour faire baisser les prix dans les hypermarchés par des mesures demandées depuis longtemps par les Auchan et autres Carrefour.
Face à ce bluff, il y a la réalité. Celle des bas salaires : plus de 15 % des salariés sont payés au Smic, alors qu’ils n’étaient que 8,1 % en 1991, et près de 38 % perçoivent moins de 1,3 Smic. Mais aussi celle de l’explosion des revenus des classes privilégiées : les 3 500 foyers les plus riches de France, qui ont déclaré, en 2005, un revenu moyen de 1,88 million d’euros, ont vu leurs revenus progresser de 42,6 % entre 1998 et 2005, selon Le Monde. Plus généralement, c’est 10 % supplémentaires des richesses produites qu’a accaparées, en quinze ans, l’infime fraction de la population ayant la mainmise sur l’économie au détriment de celle qui ne peut vivre que de son travail.
À la « recherche de la compétitivité » dont le succès, prometteur de profits pour le patronat, repose sur la baisse du coût du travail, il nous faut opposer le droit à une existence digne pour toutes et tous. C’est une question de répartition des richesses et de rapport de force. 300 euros d’augmentation pour tous les salaires ! Un salaire minimum pour tous, avec ou sans travail, de 1 500 euros par mois ! Des exigences à populariser et à défendre autour de nous, sur nos lieux de travail, dans nos syndicats.
Galia Trépère