Islamabad, correspondante
Au quatrième jour de l’état d’urgence au Pakistan, la répression contre tout éventuel opposant au régime du général-président Pervez Musharraf se poursuit sans relâche. Entre 2 000 et 3 500 personnes – responsables politiques, défenseurs des droits de l’homme, avocats – sont détenues à travers le pays.
Les avocats qui, lundi 5 novembre, ont tenté de manifester leur opposition ont été sévèrement malmenés et battus par la police. Des centaines d’entre eux ont été arrêtés. Alors que les Pakistanais sont toujours privés d’informations télévisées, puisque les transmissions des chaînes locales et internationales sont interrompues, le gouvernement a décidé de contrôler directement 21 journaux en ourdou et en anglais.
Des officiels du ministère de l’information vont être dépêchés dans les rédactions pour parcourir les informations, les éditoriaux et les lettres de lecteurs qui critiqueraient le général Musharraf ou l’armée. La police de Karachi a investi, lundi, l’imprimerie du plus grand groupe de presse du pays, Jang, parce que celui-ci refusait l’ordre de ne pas imprimer davantage d’exemplaires d’un journal du soir.
La vente des journaux a augmenté en raison de la disparition des télévisions. L’humeur de la presse reste toutefois au défi et les éditoriaux et les articles de mardi restent très critiques vis-à-vis d’une décision quasi unanimement condamnée dans le pays.
« OBLIGATIONS LÉGALES »
Face aux reproches modérés de la communauté internationale et en particulier des Etats-Unis, qui lui demandent le rétablissement de la démocratie et la tenue des élections législatives, initialement prévues en janvier, le président Musharraf a précisé, lundi, devant le corps diplomatique, que le scrutin se tiendrait à une date aussi proche que possible de l’échéance prévue.
« Les efforts en cours consistent à faire en sorte de rester le plus proche possible du programme prévu pour les élections. Il y a des obligations légales en ce sens », a-t-il déclaré aux ambassadeurs, selon son porte-parole, le général (à la retraite) Rashid Qureshi.
Le président Musharraf s’est toutefois refusé à préciser quand il renoncerait, comme il l’avait promis, à son poste de chef de l’armée. Avant l’imposition de l’état d’urgence, il s’était engagé devant la Cour suprême à renoncer à diriger l’armée avant le début de son deuxième mandat présidentiel, le 15 novembre.
« Je suis déterminé à enlever mon uniforme une fois que [l’équilibre entre ces trois] piliers, le judiciaire, l’exécutif et le parlementaire aura été corrigé », s’est-il contenté de dire aux ambassadeurs. « Je peux vous assurer qu’il y aura une nouvelle harmonie [entre ces trois piliers] et que la confiance dans le gouvernement et les organes de sécurité reviendra », a-t-il ajouté. Il s’est refusé à préciser la durée de l’état d’urgence.
Les Etats-Unis ont réaffirmé, lundi, leur désapprobation devant l’imposition de l’état d’urgence, sans toutefois retirer leur soutien au général Musharraf, « rude combattant contre les extrémistes et les radicaux », selon George Bush.
Le président américain s’est contenté d’appeler le président Musharraf à « rétablir la démocratie aussi vite que possible. Nous souhaitons qu’il y ait des élections aussi vite que possible, et que le président quitte son uniforme militaire ». Ce message a été transmis directement au président pakistanais par la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, qui s’est entretenue pendant vingt minutes, lundi soir, par téléphone, avec lui.
Alors que la plus grande incertitude règne sur le futur immédiat et que beaucoup attendent de voir quelle décision prendra l’ex-premier ministre Benazir Bhutto, les Etats-Unis pourraient tenter de faire revivre un accord de partage de pouvoir entre elle et le président Musharraf. Le chef du Jamiat Ulema Islam, le maulana Faz-ul-Rahman, pourrait y être associé.
Le silence de Mme Bhutto, qui avait regagné le Pakistan le 18 octobre après un accord politique avec le général Musharraf et séjourne dans sa résidence de Karachi, inquiète certains de ses partisans.