Qu’est-ce que le mouvement a obtenu ?
Philippe – Les marins pêcheurs n’ont obtenu, dans l’immédiat, que des exonérations temporaires de charges patronales et salariales. Ils ont eu aussi une promesse de mise en place, d’ici la fin de l’année, d’un mécanisme de compensation garantissant un gasoil pour la pêche à 30 centimes le litre en moyenne annuelle (il coûte 50 centimes aujourd’hui). Mais il n’est pas sûr que le gouvernement tienne sa promesse. Déjà, la Commission européenne a menacé de déclarer illégal un tel mécanisme, car il contreviendrait aux règles de la concurrence. C’est pourtant à ce mécanisme que les marins tiennent.
Pourquoi ?
Philippe – Les salaires des marins pêcheurs sont calculés avec un système de parts. Après avoir défalqué les charges, dont le gasoil, le revenu de la pêche est distribué sous forme de parts. Une partie revient à l’armement (le propriétaire du bateau, qui peut être une entreprise ou un individu), le reste étant distribué aux marins. Le patron qui est à bord reçoit une part et demie et les matelots une part. La baisse du gasoil a donc une conséquence immédiate sur le revenu des marins. Les marins pêcheurs qui perçoivent un salaire fixe mensuel sont très rares. Les revenus des pêcheurs sont très fluctuants. Parfois, l’hiver et dans de bonnes conditions, la pêche de la coquille Saint-Jacques, par exemple, peut rapporter certains mois 3 000 euros pour à peu près 35 heures en mer. Mais l’été, le même marin pêcheur pourra ne toucher que 800 euros dans le mois pour 60 heures passées par semaine en mer. La moyenne sur l’année donne un revenu moyen largement inférieur au Smic.
À part les salaires, quelles sont les difficultés du métier ?
Philippe – En hiver, les conditions de travail peuvent devenir très difficiles, voire dangereuses. On est souvent obligés de sortir, même par gros temps, et c’est dans ces cas que les accidents de travail se multiplient. Les statistiques d’accidents montrent que le métier de marin pêcheur est l’un des plus dangereux.
Et son avenir ?
Philippe – La pêche devient de plus en plus difficile pour les petits chalutiers, du fait de la surpêche effectuée par les gros armements, qui restent favorisés. Aujourd’hui, on est prêt à subventionner les artisans pour qu’ils détruisent leurs bateaux. On dénonce la surpêche, mais ce sont les gros armements qui draguent les fonds. Par ailleurs, le gouvernement parle de « répercuter le prix du gasoil sur le poisson », au lieu de s’en prendre aux énormes marges qui se dégagent entre l’achat et la revente. À titre d’exemple, le kilo de poisson vendu au bateau sera revendu sept fois plus cher chez le poissonnier.