ÉTUDIANTS : en grève jusqu’au retrait
Le mouvement étudiant contre la loi sur l’autonomie des universités touche 63 campus, près de 30 étant bloqués.
a répression contre les étudiants s’intensifie : envoi de la gendarmerie contre les piquets de grève à Nanterre, déploiement de 70 vigiles à Jussieu, destruction de matériel syndical et associatif par l’administration à Lyon 2, etc. Mais la mobilisation reste massive, comme à Lyon 2 et à Villetaneuse (1 300 personnes) lundi 19 novembre, pour reconduire la grève et le blocage.
Pour la mobilisation étudiante, l’enjeu, désormais, est de réussir à impliquer des milliers d’étudiants dans la construction quotidienne de la grève. Venir en assemblée générale (AG) et voter la grève est une première étape. La suivante est de participer à la tenue des piquets de grève, à la rédaction des tracts, aux rencontres avec les salariés en lutte... C’est en associant un maximum de grévistes à ces activités qu’une grève devient réellement massive et puissante.
Les attaques se sont multipliées contre les blocages. La ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, les directions des universités et les médias attaquent leur légitimité. Mais c’est la seule solution pour réunir les étudiants et leur permettre de se mobiliser. Sans blocage, pas de grève massive. Les référendums sur le blocage n’ont pas de légitimité pour nous : ils isolent la question du blocage de son contexte, ils ne permettent pas, contrairement aux AG, de mener un réel débat et d’échanger les informations en tenant compte de tous les points de vue. Les AG sont la seule manière de permettre que chacun vote en connaissance de cause et puisse participer à la mise en application des décisions collectives.
La particularité du mouvement étudiant est d’être capable de rapidement se tourner vers les travailleurs. Les étudiants mobilisés ont conscience qu’il faut se lier aux travailleurs pour gagner face au gouvernement. L’expérience du CPE est là. Il faut développer les rencontres directes entre grévistes étudiants et salariés, les diffusions de tracts communes vers les usagers pour populariser les grèves... C’est ce type de lien qui fera avancer l’idée que seul un mouvement d’ensemble nous permettra de gagner contre ce gouvernement et sa politique.
APPEL DE LA COORDINATION NATIONALE DE TOURS,
les 17 et 18 novembre (extraits)
« Nous refusons catégoriquement la généralisation de la concurrence et de la précarité pour les personnels, ainsi que le renforcement des pouvoirs des présidences et du patronat au sein des conseils d’administration. Cette réforme n’est ni amendable, ni négociable, que ce soit sur un plan local ou national. [...]
« La journée du 14 novembre montre que la contestation sociale s’amplifie. Les cheminots, les salariés de la RATP et d’EDF-GDF ont raison de lutter sur la question des retraites. Nous aussi, étudiants, sommes concernés, car le gouvernement et le Medef veulent augmenter la durée de cotisation de l’ensemble des salariés, à 41 voire 45 ans. Parce que nous ne voulons pas perdre notre vie à la gagner, nous soutenons le mot d’ordre de 37,5 annuités de cotisations pour tous [...].
« Suspendre les cours est le seul moyen pour que tous les étudiants, notamment les boursiers, puissent se réunir et décider ensemble de se mobiliser. Sans blocage, les étudiants ne disposent pas réellement de droit de grève. Face aux tentatives de faire reprendre les cours par l’intermédiaire des référendums, nous réaffirmons la seule légitimité des assemblées générales pour décider des suites du mouvement [...]. Leur projet est de détruire l’ensemble des acquis sociaux. Face à ce projet, c’est ensemble que nous gagnerons : nous devons construire un mouvement d’ensemble des jeunes et des salariés pour riposter à l’offensive du gouvernement. [...] Nous appelons à une journée de grève et de manifestation étudiante et lycéenne dans toutes les villes le 22. Nous proposons une date de mobilisation interprofessionnelle, le 27 novembre, aux autres secteurs en lutte. Nous rejoindrons toute initiative proposée par les salariés en grève : leur combat est aussi le nôtre [...]. »
Xavier Guessou
LYCÉENS : la mobilisation commence fort
es lycéens entrent dans la bataille pour lutter contre la privatisation de l’éducation aux côtés des étudiants déjà mobilisés. Le 20 novembre marque le point de ralliement de la jeunesse qui veut se battre contre la politique de Sarkozy et son gouvernement. Déjà, lors de l’élection de Sarkozy, plusieurs lycées s’étaient mobilisés. Depuis, les lycéens n’ont pas cessé de se battre, de par leur grande disponibilité à la lutte, contre toute forme d’injustice : expulsions de sans-papiers ou des problèmes locaux.
Aujourd’hui, la grève massive chez les cheminots, dans les facs, dans la fonction publique – notamment dans l’Éducation nationale –, donne le signal aux lycéens pour se mobiliser à leur tour contre la loi d’autonomie des universités (LRU) et pour la défense du service public. La LRU concerne les lycéens à travers un dispositif de sélection à l’entrée des universités. Après le bac, l’inscription à la fac ne sera plus un droit mais une récompense pour les plus méritants. Les lycéens l’ont bien compris et, à ce jour, on décompte plus d’une centaine d’assemblées générales dans les lycées (c’est plus qu’au début du CPE), et une vingtaine de lycées sont bloqués à Paris pour pouvoir organiser la lutte.
Dans la plupart des villes, entre 500 et 1 500 lycéens étaient dans la rue le 20 novembre. Face à la mobilisation plus large de la jeunesse, le gouvernement se sent menacé et tente de casser le mouvement qui démarre, comme par exemple au lycée Racine (Paris 8e), où la police est intervenue pour disperser les grévistes. Ce n’est que le début et la lutte s’annonce dure : au lycée Jaurès (Montreuil), le blocage est effectif depuis une semaine. Dans les 5e et 13e arrondissements de Paris, cinq lycées s’aident mutuellement pour construire la grève. Il s’agit maintenant d’amplifier la mobilisation dans la jeunesse et de travailler à la jonction avec les autres secteurs : c’est tous ensemble qu’on peut gagner face à ce gouvernement.
Rosadulux et Jean-Baptiste Pelé
Relaxe des lycéens !
En 2005, le ministre de l’Éducation, François Fillon, attaquait déjà l’enseignement. Sa loi concernait alors le secondaire. Un grand mouvement lycéen se lançait, durant trois mois, avec comme point culminant 200 000 personnes dans la rue et jusqu’à 800 lycées bloqués. La répression a été forte : plus d’une cinquantaine d’affaires judiciaires, des exclusions ou des refus de réinscription dans les lycées. Les 22 novembre et 10 décembre, treize personnes passent en procès, huit, mineures, à la première date, cinq, majeures, à la seconde. Elles sont accusées de violences et de dégradations lors d’une action d’occupation d’une annexe du ministère de l’Éducation, en avril 2005. Celles qui cumulent les deux accusations risquent jusqu’à cinq ans de prison. Toutes risquent de payer solidairement 75 000 euros de dommages. 180 personnes avaient été arrêtées avec elles… Pourquoi en faire des boucs émissaires ?
Parce que l’acharnement judiciaire concerne tout le mouvement social, un collectif de plusieurs dizaines d’organisations appelait à un rassemblement devant le tribunal de grande instance de Paris, le 22 novembre. Par le passé, dans ce mouvement, la mobilisation a déjà permis d’obtenir la relaxe de certains accusés. Cette affaire est la dernière : il faudra être mobilisés !