Renvoyé de force après avoir tenté de revenir au Pakistan en septembre, Nawaz Sharif, ancien Premier ministre en exil et leader de la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N), est bel et bien de retour, après la courte visite du général président Musharraf en Arabie Saoudite [où réside M. Sharif]. On peut donc se demander si un « marché » a été conclu à son sujet. Récemment Pervez Musharraf avait précisé qu’aucun pays n’était véritablement souverain et avait fait référence aux liens entre le Pakistan et l’Arabie Saoudite, rappelant notamment les livraisons passées de « pétrole gratuit » du royaume saoudien.
Nawaz Sharif est un « ami » des Saoudiens, et leur amitié n’est pas du même ordre que celle qui a uni Benazir Bhutto, du Parti du peuple pakistanais (PPP), et les Etats-Unis. Celle-ci aurait fait d’un premier « marché » conclu par M. Musharraf [selon lequel le président pakistanais et Mme Bhutto devaient se partager le pouvoir]. Le roi Abdallah a mis son avion à la disposition de son ami Nawaz Sharif pour son retour au pays et lui a fait envoyer une voiture blindée à son arrivée à Lahore. La famille Sharif entretient des relations commerciales étroites avec l’élite saoudienne, et le soutien de Riyad représente plus qu’une « décision stratégique ».
Reste à connaître la nature du « marché » conclu par le général Musharraf à Riyad. Il est évident qu’un accord avec l’Arabie Saoudite ne jettera pas l’opprobre sur le parti de Nawaz Sharif, au contraire de ce qui s’est passé pour le PPP après l’entente conclue par Benazir Bhutto grâce à la médiation américaine. Le président aurait obtenu l’assurance que la famille Sharif resterait à l’écart de l’agitation politique et ne participerait pas aux législatives de 2008. Quelles que soient les garanties qu’il a reçues, Pervez Musharraf ne pouvait se montrer méfiant envers les Saoudiens et n’a pas eu d’autre choix que d’accepter le retour de Sharif.
Mais Nawaz Sharif respectera-t-il ses engagements ? Cela n’est guère probable sur le plan politique, si le PML-N veut renaître de ses cendres. Son frère Shehbaz aurait déclaré qu’il se préparait à se présenter aux élections, mais le parti n’est pas sur la même ligne. Plusieurs grandes figures du PML-N ont d’ores et déjà annoncé leur intention de s’abstenir de participer aux élections. L’objectif est d’alimenter les troubles afin de faire s’écrouler tout l’édifice construit par Pervez Musharraf depuis 1999, date à laquelle Nawaz Sharif avait été évincé du pouvoir. Mais cette stratégie de rejet est-elle solide ? Le parti est divisé en deux courants. L’un d’eux estime que la « formation artificielle » de la Ligue musulmane du Pakistan Qaid-e-Azam [PML-Q, fraction de la Ligue musulmane du Pakistan qui a fait scission et est acquise à Pervez Musharraf] n’attend que le retour de l’ancien Premier ministre pour se déliter.
Bon nombre d’anciens membres de la PML-Q reviendraient ainsi dans le giron du PML-N. Maintenant que M. Sharif est là, la renaissance du PML-N devrait commencer pour de bon, ce qui contrarie les intentions de boycott des dirigeants. Si le PML-N voit ses rangs grossir avec le retour d’anciens membres, quelles seraient les conséquences de la non-participation aux élections ? Une seule chose est sûre : le PML-N doit absolument être de la partie. La plupart des fils prodigues ne rentreront au bercail que dans l’espoir d’une « percée » de la formation qu’ils ont autrefois abandonnée. Si Nawaz Sharif boycottait les élections, le nombre de repentants du PML-Q pourrait subitement diminuer.