Pervez Musharraf a évoqué la manière dont son entourage le raillait à propos de son incapacité à prendre en main la situation du pays. En bon patriarche, il est donc de retour. La question essentielle est de savoir comment il va sortir le Pakistan de l’impasse dans laquelle il se trouve et combien de temps il va maintenir l’état d’urgence. Il est exclu que le président remplisse un nouveau mandat de cinq ans en conservant sa double casquette [de président et de chef des armées]. Les hauts gradés seraient d’autant moins favorables à cette option qu’ils espèrent des changements dans le commandement en chef de l’institution militaire. Il semble que, si le discours de M. Musharraf du 3 novembre a été retardé de quarante-cinq minutes, c’est parce que certains généraux étaient opposés à sa décision [de proclamer l’état d’urgence]. On peut donc se demander combien de temps encore le général pourra rester à son poste.
Un scénario possible est que le haut commandement, qui pourrait ne pas avoir été préalablement averti de la suspension de la Constitution, chasse le général par la force. Mais, dans les milieux militaires, d’aucuns pensent qu’il est inconcevable, au regard du fonctionnement traditionnel de cet organe, que le chef d’état-major adjoint cesse de soutenir son supérieur et l’évince du pouvoir. Toutefois, l’absence d’action militaire signifie que l’armée n’est plus un corps de profession nels et qu’elle est devenue une or ganisation intéressée où les plus gradés choisissent de soutenir leur chef selon leur propre avantage.
Pour l’heure, les Etats-Unis n’ont pas retiré leur aide au régime de Pervez Musharraf, et il est possible que les pressions de Washington diminuent une fois le pays entré en période électorale pour la présidentielle de novembre 2008. Dans ce cas, le Pakistan pourrait prolonger l’état d’urgence et en profiter pour combattre les islamistes.
Quoi qu’il en soit, les militaires pourraient voir d’un mauvais œil le général-président rester trop longtemps au pouvoir, en particulier en tant que chef des armées. Ce problème serait réglé si, maintenant que la Cour suprême a été remaniée [avec des juges acquis au président], M. Musharraf s’efforçait d’obtenir un verdict favorable de sa part, verdict qui lui permettrait de quitter l’uniforme et de laisser le général Kiyani lui succéder [voir CI n° 884, du 11 octobre 2007].