Après avoir laissé espérer une timide ouverture, le pouvoir birman semble se raidir à nouveau. L’expulsion, mardi 4 décembre, du chef de l’équipe des Nations unies en Birmanie, Charles Petrie, confirme la ligne dure adoptée par la junte face aux pressions de la communauté internationale deux mois après la répression du mouvement contestataire qui avait secoué les principales villes du pays. Le régime militaire avait été ulcéré par des déclarations de M. Petrie, le 24 octobre, mettant l’agitation d’août et de septembre sur le compte de l’incapacité du pouvoir à satisfaire les « besoins de base » de la population.
L’envoyé spécial des Nations unies pour la Birmanie, Ibrahim Gambari, avait bien tenté lors de sa deuxième visite sur place, début novembre, de faire annuler l’ordre d’expulsion de M. Petrie, il n’aura obtenu qu’un délai de grâce venu à échéance mardi.
Ce départ forcé d’un haut responsable des Nations unies est intervenu alors que la junte a fait savoir qu’elle déniait tout rôle à Aung San Suu Kyi, figure emblématique de l’opposition démocratique placée en résidence surveillée à Rangoun, dans le processus de rédaction d’une nouvelle Constitution. Lors d’une conférence de presse tenue à Naypyidaw, la nouvelle capitale érigée en pleine jungle (300 km au nord de Rangoun), le général Kyaw Hsan, ministre de l’information, a indiqué qu’« aucune assistance ni conseil de qui que ce soit (n’étaient) requis » pour les travaux d’une commission qui a commencé le 3 novembre à élaborer une nouvelle loi fondamentale. Les membres de cette commission ont tous été nommés par la junte.
Le refus d’associer Mme Suu Kyi à ce chantier constitutionnel, que le régime présente pompeusement comme une étape de sa « feuille de route vers la démocratie », augure mal des futurs contacts avec M. Gambari, dont la mission est précisément d’inciter le régime au dialogue avec l’opposition. La diatribe prononcée par le même général Kyaw Hsan contre le mouvement protestataire d’août-septembre, qualifié d’« insignifiant » et animé par des « faux moines » manipulés de l’étranger, ne va pas davantage dans le sens de la main tendue. Si le régime affirme avoir libéré de nombreux prisonniers - officiellement 8 500 mais sans que l’on sache s’ils comprennent les manifestants arrêtés pendant la répression d’octobre -, rafles et arrestations se poursuivent, selon Amnesty international, au point que M. Gambari a mis en garde contre « toute nouvelle arrestation (allant) contre l’esprit de réconciliation nationale ».
Un incident survenu le 30 novembre dans un monastère de Moegok, situé près de la ville de Mandalay, a illustré l’extrême nervosité du régime. L’armée est intervenue pour encercler le monastère alors que quatre cents moines s’étaient rassemblés pour une cérémonie rituelle d’offrandes. Les autorités redoutaient que les religieux n’entament une procession vers une pagode voisine, selon un scénario bien établi lors des manifestations de septembre.
« Le régime va continuer à agir unilatéralement sans négocier avec d’autres parties », a commenté Aye Chan Naing, directeur de Democratic Voice of Burma (DVB), de passage à Paris le 5 décembre pour recevoir un prix de Reporters sans frontières récompensant le travail journalistique de cette radio dissidente implantée à Oslo (Norvège) et disposant d’un solide réseau d’informateurs en Birmanie. « En surface, le gouvernement semble tout contrôler, a précisé Moe Aye, le rédacteur en chef de DVB. Mais la population est toujours mécontente et saisira une prochaine occasion pour se manifester. »
La junte « ment » sur les morts et les arrestations, selon HRW
Le régime militaire en Birmanie « continue de mentir » sur le nombre de personnes tuées et arrêtées lors de la répression en septembre du mouvement de protestation emmené par des moines bouddhistes, a affirmé, vendredi 7 décembre, l’association de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW).
Dans un rapport sur la répression des manifestations en Birmanie, HRW déclare avoir dénombré 20 morts uniquement à Rangoun, soit 10 de plus que le bilan officiel, et estime que le chiffre des tués est « bien plus élevé » que ce que la junte admet et que « des centaines » de personnes restent en détention. « La répression est loin d’être terminée », ajoute l’organisation, qui dénonce la poursuite de raids nocturnes et d’actes d’intimidation contre des opposants et des moines, dont des milliers ont été arrêtés.
HRW précise qu’on est sans nouvelles de « centaines de manifestants ».
Quelque 1 200 prisonniers politiques étaient déjà sous les verrous avant les événements de septembre. - (AFP.)