Tout est possible avec Sarkozy, même de gagner contre lui. Vendredi 14 décembre, le ministère du Logement s’est engagé à reloger les 374 familles du campement de la rue de la Banque, organisées par des associations comme le Comité actions logement (CAL), le Comité des sans-logis (CDSL) et Droit au logement (DAL), dans le courant de l’année 2008 et même, pour les premières, avant la fin de l’année. Épuisées mais heureuses, les familles ont fêté cette victoire avec tous ceux qui les ont soutenues pendant ces mois de lutte. Mais, dès le lendemain, samedi 15 décembre, le gouvernement envoyait les forces de l’ordre en réponse à l’action des Enfants de Don Quichotte, comme il l’avait fait avec les familles du campement de la rue de la Banque, début octobre.
Cependant, les Enfants de Don Quichotte ne doivent pas désespérer, car on connaît désormais la méthode de Sarkozy : c’est celle du bâton et de la carotte. Ainsi, a-t-il fallu que les familles résistent à pas moins de six évacuations au cours desquelles elles furent chassées du trottoir du ministère de la Crise du logement (immeuble occupé rue de la Banque, où se situent les locaux du DAL), mais également privées de tentes, de couvertures et de bâches en plastique. À chaque fois, elles se sont réinstallées, forçant l’admiration par leur courage et leur résistance. Très vite, d’ailleurs, les associations caritatives et de lutte se sont unies autour des familles du DAL, les messages de soutien et les témoignages de solidarité se multipliant. À cela, s’est ajouté le soutien de personnalités, d’organisations syndicales et politiques, qui a permis de contrebalancer les campagnes de dénigrement.
Face au risque de multiplication de campements parisiens, le ministère du Logement a changé de tactique, et il a tenté de jouer le pourrissement. C’était sans compter sur la détermination des familles. Le discours officiel s’est ensuite perverti, dénonçant les méthodes des associations et tentant de diviser les familles. Le dialogue avec la ministre du Logement, Christine Boutin, étant impossible, Sarkozy s’est, une fois de plus, présenté en sauveur. Ne parlant que la langue people, il a trouvé, en la personnalité de Carole Bouquet (pourtant dénigrée quelques semaines avant par les sbires du même Sarkozy), la médiatrice idéale pour négocier et entendre enfin les requêtes du DAL, du CAL et du CDSL.
Durant la période des négociations, l’omniprésident a fait un discours, le 11 décembre, à Vandœuvre-lès-Nancy, et, pour ne pas perdre la face, a annoncé des mesures présentées comme pleines de bon sens. Pas assez de logements sociaux ? Il propose de vider ceux dont les locataires ont de « bon revenus » ou dont les logements sont sous-occupés. Pour les « riches » locataires de HLM, on appliquera une surtaxe qui existe déjà… Et, pour libérer des logements, rien de tel que de « favoriser » l’accès à la propriété. Alors que, par manque de moyens et par ses choix politiques, son gouvernement entretient la crise, notamment en ne construisant pas assez de logements HLM accessibles aux plus modestes, Sarkozy prétend résoudre le problème par des méthodes injustes, qui consistent à retirer à ceux qui ont un peu, pour prétendument satisfaire ceux qui n’ont rien. En fait, dans ce processus, tout le monde risque d’être perdant.
D’abord, cela risque d’aggraver les déséquilibres dans la répartition des locataires de HLM. On pourrait ainsi assister à une concentration très importante des plus démunis dans les mêmes immeubles et les mêmes quartiers. L’accès à la propriété fondé sur le prêt hypothécaire risque ensuite de plonger de nombreux ménages dans des situations de lourd endettement. Enfin, ces mesures risquent de précariser des millions de ménages, alors que 93 % des locataires en HLM ont des revenus inférieurs aux plafonds de ressources permettant l’accès au logement social. Le dépassement de revenus ne s’explique pas par des revenus élevés, mais par le fait que les plafonds ont évolué moins vite que le coût de la vie.
Sarkozy a voulu faire croire qu’il prenait les choses en main, mais ces mesures n’apportent aucune réponse sérieuse au problème du mal-logement. Au contraire, elles généralisent l’injustice et la précarité face au logement. En outre, les Enfants de Don Quichotte sont là pour nous le confirmer, les engagements pris ne sont pas tenus. Christine Boutin recommence à soutenir des contre-vérités, et elle soutient que tout le monde a un toit sur la tête. Alors comment expliquer que les maraudes, chaque soir, touchent plus de 7 000 SDF, uniquement à Paris ?
Les Don Quichotte le savent désormais : avec ce gouvernement, il ne faut rien lâcher. De plus, même si c’est difficile, les mal-logés de la rue de la Banque ont prouvé que la lutte collective, la solidarité et l’union, face à la répression, au pourrissement, au dénigrement et aux manipulations, propres à la méthode Sarkozy, permettent de gagner ce pourquoi elles se battent : un logement pour tous !