Les « partenaires sociaux » se sont fixé deux jours entiers, les 9 et 10 janvier, pour échouer ou réussir, paraît-il. Mais que signifie échouer ou réussir dans ce cas ? La négociation sur le contrat de travail devait faire la preuve que tout ne passe pas par la loi. Serait-ce réussir que signer un accord majoritaire avec le Medef, même si on évite une intervention du législateur, comme semble le défendre à tout prix la CFDT, qui veut prouver son rôle de corps intermédiaire ? Est-ce échouer que d’empêcher le Medef d’entraîner les syndicats, même si Sarkozy sera alors libéré de ses engagements de respecter la négociation ?
Sarkozy avait fait campagne pour le « contrat unique », mais ses contours ne plaisaient pas assez au Medef, qui souhaite en revenir au contractualisme pur. Où en est-on ? Premier constat : on ne discute pas sur un contrat unique – terme disparu depuis septembre –, mais sur le projet du Medef exclusivement, et notamment sur la traduction du principe de « séparabilité à l’amiable », tant vanté par la présidente du Medef, Laurence Parisot, et sur la trajectoire des salariés : « entrée » dans l’emploi, « rupture » de l’emploi, et « retour » (éventuel) à l’emploi. Depuis quelques semaines, les syndicats semblent se concerter davantage.
Ainsi, fin décembre, un front syndical aurait rejeté la proposition du Medef d’un « dispositif professionnel d’essai », qualifié de « simili-CNE » (Les Échos du 24 décembre), avec une durée d’essai allongée à trois ou six mois pour les embauchés, six ou douze pour les cadres, et un préavis de rupture variable selon l’ancienneté. Mais la hotte du Medef est bourrée d’autres innovations réduisant les droits collectifs à la portion congrue. Il y a, par exemple, le « CDI à objet précis », ou « de projet », dont le terme est incertain, mais surgit dès que le projet est réalisé. Un front syndical, pouvant inclure la CGT, voulait requalifier ce contrat en CDD, et envisager un « donnant donnant » avec des mesures de « sécurisation des parcours professionnels » (ancienneté maintenue entre deux emplois, ainsi que les droits à la formation, à la prévoyance santé). Mais le Medef ne veut rien entendre en cette matière, qui impliquerait des financements mutualisés.
La « séparabilité » est bien au programme, appelée « rupture conventionnelle » – prévue dans le contrat –, consentie et certifiée par « un officier ministériel » – notaire ? – et non par le juge prudhomal. Dans ses expressions publiques (interview de Maryse Dumas au Peuple), la CGT estime qu’un « front uni est difficile » avec des syndicats qui cherchent l’accord comme « une fin en soi ». D’autres sources prédisent que la CGT cherche à signer, ou en rêve. Le plus grave est l’opacité qui règne sur ces négociations. Mais étouffer les capacités d’information, noyer les permanents syndicaux dans des débats dont l’interdépendance politique est étroitement surveillée, c’est aussi la stratégie du pouvoir.
Dominique Mezzi
* Paru dans Rouge n° 2233, 03/01/2008.
Atteinte au contrat de travail
Rouge n° 2232, 20/12/2007
La fin d’année peut être propice aux mauvais coups, qui peuvent surgir de la négociation sur le contrat de travail, la sécurisation des parcours professionnels et l’indemnisation du chômage. Les « partenaires » sociaux (confédérations, Medef, CGPME) sont étonnamment discrets sur ce qui se dit chaque vendredi, et c’est le gouvernement qui attire l’attention, en menaçant de légiférer à la hussarde au cas où les « partenaires » perdraient du temps. Cependant, depuis quinze jours, les choses se précisent. Le Medef veut obtenir l’allongement de la période d’essai à six mois pour les CDI (un an pour les cadres), une rupture « à l’amiable » du contrat de travail, sans prononcer de licenciement, certifiée par un « officier ministériel », l’accord des deux parties ayant « l’autorité de la chose jugée », excluant le recours au tribunal. Ainsi, se trouverait « sécurisé » le licenciement… pour le patron. Le Medef veut encore faire acter un CDI à « objet précis ». Il admet du bout des lèvres qu’en cas de licenciement, il puisse y avoir transférabilité de certains droits dans l’entreprise nouvelle, mais pris en charge aussi par les salariés !
Le Medef n’est pas totalement unanime derrière sa propre délégation, et il se pourrait que certains attendent un enlisement pour permettre à Sarkozy de se déchaîner. Face à cela, des « rapprochements » se font jour entre la CFTC, la CFDT, FO et, peut-être, la CGT. Les 9 et 10 janvier, un marathon de deux jours entiers de négocations est prévu. Fillon veut une loi en février.