Les récentes grèves en défense des régimes spéciaux, le mouvement étudiant contre la LRU ou encore les luttes vivaces sur le front du logement ou des sans-papiers, témoignent de la capacité de riposte des exploité-e-s. Néanmoins, le recul de la conscience de classe et l’absence d’une stratégie d’ensemble pour affronter les attaques patronales et gouvernementales pèsent sur le mouvement social et hypothèquent ses possibilités de victoire. Le Parti socialiste n’a rien d’autre à proposer qu’une opposition sur la forme aux projets de Sarkozy, dévoilant ainsi un espace considérable pour les anticapitalistes. Face à ces responsabilités nouvelles, quelle stratégie pour les anticapitalistes et quelles convergences pour les forces qui se réclament de la transformation sociale ?
Alternative libertaire s’emploie à la formation d’un front des anticapitalistes, indépendant des institutions bourgeoises, pouvant rassembler toutes celles et tous ceux qui se revendiquent de l’anticapitalisme, militant-e-s organisé-e-s politiquement, syndicalistes de lutte, militant-e-s des mouvements sociaux. Un tel rassemblement doit permettre la popularisation des luttes, une expression unitaire pour amplifier la voix des anticapitalistes et contribuer ainsi à rendre crédible un projet révolutionnaire.
Délégitimer les institutions
En avançant vers la création d’un nouveau parti anticapitaliste, la LCR propose la construction d’une force dont la raison d’être sera en bonne partie d’exister sur l’échiquier électoral. À l’heure où la crise de légitimité des institutions est grandissante, il est question d’incarner la conflictualité sociale dans les urnes, et d’œuvrer ainsi au renforcement de la délégation de pouvoir, là où nous pensons que les révolutionnaires doivent, au contraire, contribuer à approfondir la perte de confiance dans la représentation et dans le personnel politiques.
Les élections municipales de 2008 constituent, de fait, une étape essentielle dans la construction de ce parti. Au-delà d’une fonction tribunicienne, l’enjeu est de gagner des postes de conseillers municipaux, voire de maires. Être révolutionnaire et être élu-e au sein d’une institution de gestion du capitalisme, la contradiction est dure à assumer et de peu d’utilité pour permettre au mouvement social de contenir les attaques libérales et de les battre en brèche.
Réarmer politiquement les luttes
Ce qui fait défaut aujourd’hui, c’est la capacité des travailleurs et des travailleuses à définir et porter un projet d’émancipation sociale. Il n’est pas possible d’opposer les seules mesures d’urgence à une droite hégémonique.
1986, 1995, 2003, 2006 : toutes les grandes grèves et luttes de ces vingt dernières années ont souffert de la même lacune. Elles ont réussi à cristalliser les mécontentements, mais elles n’ont pas réussi à approfondir la crise politique qui s’esquissait à chaque fois. Elles ont été porteuses de combativité et de radicalité, mais elles n’ont pas débouché sur un processus de contestation permanente du pouvoir étatique et patronal, comme ce fut le cas en France et en Italie entre 1968 et le milieu des années 1970. Pourquoi ? Parce que l’idée qu’il est nécessaire de transformer radicalement la société ne fait pas sens aujourd’hui pour un nombre significatif d’opprimé-e-s.
Remettre la question du projet de société et de son élaboration au cœur des mouvements sociaux et des luttes est une priorité. C’est le sens du front anticapitaliste que nous défendons.