« Un accord au secours du dialogue social », titre Le Monde du 16 janvier. Il y a, en effet, deux manières de porter un jugement. D’abord, par le contenu (Rouge du 17 janvier), et il est clair que le résultat engrange, pour le patronat, beaucoup de flexibilité et, pour le salariat, pas grand-chose (sauf quelques mesures pour les jeunes) pour bloquer les insécurités qui explosent et qui seront légalisées. Il est vrai que Sarkozy avait un projet plus radical (contrat unique) et que le Medef en voulait plus. Il suffit d’écouter les ultras de l’UMP : accord « modeste », « homéopathique », etc. Certains seront tentés par la surenchère législative, mais le pronostic est qu’ils s’uniront derrière le constat d’une « rupture culturelle » (Les Échos, citant un député UMP). Car c’est bien de cela qu’il s’agit.
Le sarkozysme (et le Medef) veut à la fois briser les droits conquis par un siècle de luttes, mais il veut le faire par une pacification générale, sans « humilier » les directions syndicales. Derrière le rideau élyséen, il y a Raymond Soubie, conseiller du prince et expert es syndicats depuis 40 ans. Il connaît son monde. La CFDT a bien raison, même si elle y est allée prudemment (syndrome de 2003), de saluer, dans l’accord, l’accomplissement du mandat de son congrès confédéral, pour renégocier le contrat de travail, mais surtout réaffirmer le rôle du syndicalisme comme « corps intermédiaire » et comme concepteur d’une synthèse de l’intérêt général. Jean-Claude Mailly tente de retrouver la vieille philosophie de Force ouvrière, sous le vocable de « réformisme militant », sans laisser « à d’autres (gouvernement et Parlement) […] le soin de décider à notre place » (FO Hebdo).
Tous les signataires, en fin de compte, font leur la conclusion du rapport Chertier, commandité par Villepin juste avant la crise paroxystique du CPE, où la légitimité du pouvoir a été mise en lambeaux par absence de co-élaboration tripartite. On y lit que la mise en place d’un « domaine réservé » des partenaires sociaux, « pourrait permettre de dépasser les oppositions de principe entre tenants d’une négociation qui occupe tout l’espace des relations professionnelles […] et défenseurs d’une vision selon laquelle l’État prévoit l’ensemble des règles applicables, la négociation n’intervenant que pour créer de nouveaux droits et compléter la loi ». Il s’agit donc de mettre à bas, définitivement, la hiérarchie des normes, qui stipule (article L 131 du code du travail) que les accords collectifs comportent « des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements ».
Mais cet épisode éclaire par anticipation la négociation de la représentativité syndicale et du principe de l’accord majoritaire, que CGT et CFDT se faisaient fort d’obtenir (jusqu’à amender ensemble la loi de janvier 2007 sur l’obligation de négociation) et que refusaient jusqu’ici la CFTC, la CGC, et FO, par crainte d’une hégémonie des « grands ». La CGT, comme elle l’a dit, n’a nullement joué la politique de la chaise vide et elle a participé activement à faire bouger le texte, en alliance avec d’autres. Le fait que le patronat ait mis un peu d’eau dans son vin démontre par ailleurs que le contexte (crise UIMM) permettait une mobilisation, en lien avec les associations de chômeurs et de précaires, qui ont été les seules à vouloir agir.
Signer un tel texte serait cependant vécu dans la CGT comme « le » dérapage de trop. Mais, en définitive, même si la CGT a joué le jeu sans mobiliser, elle se retrouve seule maintenant. Le front majoritaire qui se profile associe la CFDT, FO, la CFTC et la CGC, FO franchissant le Rubicon du « réformisme ». En revanche, FSU et Solidaires, dits non « représentatifs », ont dénoncé le projet. Voici peut-être les bases d’un front alternatif pour mobiliser et empêcher le pouvoir de légiférer, avec l’aide de forces progressistes.