Difficile d’échapper à la déprime pour qui tient la rubrique « Faits et méfaits » [1]. Impossible en effet échapper à des sujets récurrents, voire lancinants, qui vous minent proprement le moral. Il en va ainsi de la torture d’hier (Indochine, Algérie…) ou d’aujourd’hui (Guantanamo…) et de l’hyperviolence d’un terrorisme d’Etat dont les auteurs sont d’autant plus assurés de l’impunité qu’ils opèrent derrière la façade d’une démocratie occidentale, d’une puissance impérialiste. Ainsi, protégé par une loi d’amnistie, le général et tortionnaire Paul Aussaresses peut, avec sa femme Elvire, s’offrir un « Portrait » d’une pleine page dans le Monde du 5 février [2], annonçant en fanfare son prochain livre — Je n’ai pas tout dit—, toujours écrit « sans regrets ni remords » pour les crimes commis lors des guerres coloniales.
On se demande pourquoi le « quotidien de référence » français ouvre ainsi ses colonnes au couple Aussarresses et lui accorde un tel bonheur narcissique ! Nul besoin d’en passer par de telles fourches caudines pour conclure sur l’opposition entre le général de Bollardière, qui brisa son devoir de silence pour dénoncer la torture, et le général Massu qui la mis en œuvre, « comme le souhait[aient] les [socialistes] Max Lejeune, les Guy Mollet et autres politiques à Paris ». Nul besoin non plus de nous narrer d’une plume très people le « coup de foudre » qui réunit Elvire à Paul en l’an 2000, ou de nous apprendre que leur « superbe matou » se nomme Ossala, pour nous rappeler qu’Aussarresses pendit sans états d’âme Larbi Ben M’Hidi et défénestra Ali Boumendjel. Complaisant, affligeant et indécent…