Editorial
C’est La Tribune qui le dit : « Les grands patrons français sont les mieux payés d’Europe. » L’année dernière, ils se sont octroyé des augmentations de 40 % ! Juste pour avoir une idée, les patrons des plus importants groupes du CAC 40 ont perçu, chacun, 6,175 millions d’euros en 2007... Au total, les entreprises du CAC 40 devraient annoncer des profits supérieurs à 90 milliards d’euros en 2007, contre 74 milliards l’année dernière. Bref, ce n’est pas la crise pour tout le monde, et certains se portent même très bien.
Au même moment, Sarkozy se dépatouille dans les sondages. Les élections municipales s’annoncent serrées, et c’est pour le moins la fébrilité qui agite son camp en ce moment. L’épisode de Neuilly – « ton univers impitoyable » – est là pour le rappeler. Sarkozy, entre un mariage et quelques SMS, est partout, omniprésent. Ça chauffe pour lui ? Il se justifie sur la ratification du traité européen « simplifié » : « Je suis génial : je fais ce que j’ai promis. » N’y a-t-il que lui pour voir que la ficelle est un peu grosse ? Il se peut que Sarkozy ait perdu une partie de son discernement, et que personne, dans son entourage, n’ose lui en toucher mot. C’est vrai, tout le monde s’en rend compte, et on avait certainement sous-estimé ce paramètre, en soi « pas très politique » : en plus d’être un fieffé réactionnaire, le type est « hors contrôle ». Quand, de plus, on arrive à une telle situation de concentration/personnalisation du pouvoir, cela donne la situation actuelle.
Après s’être présenté comme « le sauveur suprême » pendant sa campagne, Sarkozy est en train de se prendre les pieds dans le tapis. Principalement, sur le pouvoir d’achat. Il a beaucoup promis et les salariés, même ceux qui ont voté pour lui, se rendent compte qu’ils se sont fait berner. La déception sur les salaires est à la hauteur des illusions que Sarkozy a suscitées. Tout cela peut lui revenir dans la figure, par un effet boomerang. Nous ferons tout pour.
Basile Pot
La gazette des gazettes
Les courtisans changent de ton
ier, de la petite cohorte des éditorialistes en vogue, émergeaient surtout les courtisans. Il aura suffi que la popularité présidentielle s’effondre, jusque parmi les grands élus de l’UMP, pour qu’une liberté de ton inhabituelle s’impose dans nos news. Nicolas Sarkozy expérimente, ce faisant, la dure loi du système dont il a tant prêché les vertus : pour vendre, dans une économie où le marché est tout-puissant, les grands journaux doivent savoir, à défaut de l’informer, se montrer au moins en phase avec l’opinion.
Dans l’Express, Christophe Barbier appelle par exemple l’hôte de l’Élysée à « être enfin président, sobre et serein, homme de cap plus que de cape. Pour réussir cette métamorphose, il lui sera bon d’être impopulaire à lui-même ; c’est-à-dire qu’il doit apprendre à s’aimer un peu moins ». On ne peut faire plus vachard… Sauf, peut-être, chez Sylvie Pierre-Brossolette, ex-grande prêtresse de la Sarkozye, qui, dans Le Point, semble vouloir se venger de trop de complaisances passées : « On ne peut promettre n’importe quoi, sous peine de décevoir et d’accentuer encore un peu plus le scepticisme sur la parole donnée. »
Reste que, ici et là, perce simultanément la crainte que le trou d’air ne se transforme en crise de régime. Ainsi, Marianne prend-elle son lectorat à contre-pied, sous la plume de Maurice Szafran : « Il faut sauver du sarkozysme ce qui pourrait l’être – le souci d’un nouveau contrat social, ou la volonté d’une politique industrielle. » Moins adepte du « ni gauche, ni droite », Barbier résume mieux l’alternative, telle que la voient nos élites : « Aujourd’hui malmené dans les sondages, affaibli comme la plupart de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy a deux solutions : s’immobiliser et remonter dans les mesures de popularité comme un bouchon sur l’eau, pour filer vers quelque cataracte fatale ; plonger dans les abysses en aggravant son cas, pour sortir de cette apnée, en 2012, dans la mer de la prospérité, où vogueront les réformes réussies. »
L’essence du libéral-sarkozysme est ici résumée : prendre le risque d’une descente aux enfers en allant jusqu’au bout de la casse sociale programmée, pour pouvoir in fine s’imposer politiquement grâce à la défaite infligée à la population laborieuse. Message bien reçu…
Christian Picquet
Municipales en bref
PARIS.
Échange de clins d’œil entre le maire de Paris, Bertrand Delanoë (PS), et Marielle de Sarnez (Modem) concernant le second tour des élections municipales. Les désaccords politiques ne semblent plus être insurmontables entre les deux formations, et Bertrand Delanoë avertit les formations de gauche – en particulier les Verts –, en annonçant qu’il donnera des places en proportion du score. Ça sent le roussi !
NEUILLY.
Crise à Sarkoland. L’événement a été surmédiatisé. David Martinon, le conseiller de la cour, avait même réussi à provoquer un appel à manifester de la population UMP avant que Sarkozy fils balaie les velléités du porte-parole de l’Élysée. La crise est à la mesure de la chute du président dans les sondages.
CALAIS.
À Calais, comme dans bon nombre d’endroits, le retournement de veste est un sport local. Le socialiste Philippe Blet sera sur la liste « d’ouverture populaire et sociale » de Natacha Bouchart, candidate UMP aux dernières législatives.
LA RÉUNION.
À la Réunion, la ligne jaune a été franchie par Jocelyne Lauret (Parti communiste réunionnais), vice-présidente du conseil régional, en apportant son soutien à Alain Bénard (UMP), maire sortant de Saint-Paul et leader de l’opposition de droite à la région. Jocelyne Lauret a déclaré qu’elle se sentait toujours communiste. Est-ce l’effet Guy Môquet souhaité par Nicolas Sarkozy ? Les cas de dissidence sont nombreux dans l’île, puisqu’une liste dissidente du Parti communiste réunionnais s’est créée contre le soutien au candidat Modem.