Les énergies renouvelables entravées par le nucléaire
Suivant une directive européenne, le Gouvernement veut produire 21 % de l’électricité consommée à partir d’énergies renouvelables. Le Languedoc-Roussillon recèle l’un des meilleurs potentiels éolien de France.
L’Europe vise 10 000 à 14 000 MW en éolien pour la France, dont 50 % en Languedoc-Roussillon. Or, la production d’électricité issue d’éoliennes (mise à mal par le nucléaire) est seulement de… 94 MW. Pour donner un coup de pouce, le Gouvernement a fixé que le kWh éolien serait acheté 8 centimes d’euro pour les premiers 1500 MW installés.
C’est faire beaucoup d’honneur aux exploitants des filières éoliennes et la Commission de Régulation de l’Electricité (proche d’EDF) s’est plainte : « Le tarif proposé entraîne des rentes indues aux producteurs éoliens qui se traduiront par une augmentation significative de l’électricité en France ».
La véritable bataille de Barcelone
« Le sommet de Barcelone a ouvert un peu plus le marché de l’énergie » (Midi-Libre 17.3.2). Une bureaucrate de Bruxelles expliquait la veille sur France-Inter : « La non libéralisation complète du marché de l’énergie a fait perdre 15 milliards d’euros par an ». Cette Commissaire européenne ne dis pas à qui profiteraient ces « 15 milliards ». C’est, en réalité, ce que les consommateurs auraient payé en plus à quelques PDG ou actionnaires, sans aucune contrepartie, si le « marché de l’énergie » était complètement livré aux exploitants privés.
EDF est encore un établissement public, mais la production d’électricité éolienne a été d’emblée et complètement livrée à des sociétés privées. Quand les dirigeants européens discutent à Barcelone de la « libéralisation de l’énergie », ils ne disent pas (la presse non plus) que le service public n’a déjà plus rien à voir avec l’ensemble des énergies renouvelables. Tout le secteur des E.R. est déjà accaparé par une multitude d’entreprises guerroyant entre elles. Ce fait est complètement passé inaperçu. Les polémiques autour de l’énergie (dont l’éolien) renvoient aux combats féroces que se livrent les entreprises pour accaparer ce nouveau marché et la distribution de l’énergie. L’enjeu majeur au cœur du marchandage de Barcelone est la privatisation rapide de la distribution de l’électricité, marché gigantesque, concernant les constructions habitées ou industrielles, l’éclairage public, le transport ferroviaire et le ferroutage, et demain peut-être le chargement des batteries des véhicules à motorisation électrique.
Développement sauvage de l’éolien
L’administration n’a pas imposé de concertation. Il n’existe pas de schéma directeur ni d’obligation d’enquête publique ! Encore un cadeau du Gouvernement aux entreprises les plus agressives qui réclament la fin des schémas directeurs, plans d’anticipation, plans d’occupation des sols, zones protégées, réserves et enquêtes publiques. Après les attaques (très avancées) contre les services publics, nous voyons se développer des attaques contre les contrôles publics et pour stopper toute contrainte de l’Europe, de l’Etat français et des Collectivités garantissant un minimum de contrôle social et étatique face au développement du business éolien.
Des dizaines de sites éoliens dans l’Hérault font l’objet d’études de faisabilité. « Une avalanche de projets fait craindre l’anarchie » titre Midi-Libre du 19 mars 2002 ! La discrétion est le maître mot et nous le rencontrons au cœur de chaque étude qui parvient à la connaissance des associations. On a même fait signer des « engagements de confidentialité » contractuels à des maires ! A quoi sert la confidentialité des projets, sinon à dissimuler ces arnaques à la population le plus longtemps possible ? Pour berner les gogos, le dernier chic consiste à parler de « ferme éolienne ».
Dans des documents préparés pour les collectivités, nous avons vu des photomontages où les éoliennes apparaissent très petites dans le paysage naturel, après utilisation d’un logiciel de traitements d’images et incrustations d’éoliennes miniatures dans une photo du site. Les promoteurs essaient de minimiser l’impact de l’éolien sur l’environnement avec ces trucages. Pour mieux assurer le succès de leur entreprise, les auteurs d’un projet à cheval sur la limite Aude-Hérault l’a scindé en deux dossiers, sous des noms différents, pour traiter avec deux collectivités, ce qui complique la tâche des associations qui ont tendance à se regrouper par départements. Tout est bon pour réduire la résistance associative et le contrôle par les habitants.
Où va le Ministère de l’Environnement ?
Le Ministère de l’Environnement ne s’attendait pas à un front de contestations ni aux questions posées. Il n’était pas préparé à gérer un parc éolien important et pensait que l’irruption du privé dans le secteur le débarrasserait du problème.
Des réunions, en 2002 à Montpellier, entre la Direction Régionale de l’Environnement (DIREN), l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) et des collectifs d’associations, ont montré que les représentants du Gouvernement, débordés, étaient en position d’écoute et prenaient furieusement des notes. L’ADEME a même engagé les services d’un bureau d’étude québécois pour tenter d’y voir clair dans l’éolien en France !
Le Gouvernement d’Union de la Gauche a voulu livrer en bloc l’éolien au privé, mais la pilule était trop grosse (on a déjà vu des phénomènes imprévus de rejets massifs, par exemple quand les banques ont voulu instaurer le chèque payant). Le rapport parlementaire BIRRAUX-LEDEAUT sur les énergies renouvelables (Déc. 2000), qui participe à la discussion actuelle, se place dans une perspective purement capitaliste. Une idée le domine, véritable obsession : utiliser la puissance de l’Etat pour capter ces marchés « rentables » et détourner cette manne au profit des entreprises les mieux notées (qui sont citées !). Si ce rapport parlementaire avait été écrit par les promoteurs de l’éolien, ils n’auraient pu mieux faire dans le sens de leurs intérêts. Le lobbying auprès des parlementaires est une réalité, surtout quand ils sont déjà consentants ou intéressés. Aucune remarque concernant les besoins sociaux et l’avis des populations n’apparaît dans le rapport.
Les entreprises démarchent les Collectivités en promettant de gros revenus (location et taxe professionnelle). Des sites sont achetés en douce, avant que les projets soient connus du public. Les associations sont contraintes d’utiliser des ruses de sioux pour obtenir des copies des dossiers. Enfin, la législation permet aux exploitants d’être dispensés de taxe professionnelle et foncière (ils ne le disent pas aux maires), sans parler des aides fortes qu’ils reçoivent !
L’engagement des Verts
Des techniciens Verts ont créés des bureaux d’études et se dépêchent d’investir les allées du pouvoir dans le domaine de l’environnement. Ils ont un pied dans le mouvement associatif et l’autre dans une entreprise touchant l’environnement, l’expertise ou l’énergie. Ils ne comprennent pas le sens de la contestation et n’ont pas de sympathie pour les structures revendicatives, les associations d’habitants et des perspectives autogestionnaires.
Le 1er septembre 2001, le Conseil National des Verts a pris position « pour » l’éolien, sans véritable discussion, puisque la question qui se pose concrètement dans les mobilisations actuelles est d’un autre ordre. Des luttes sont engagées « contre » de nombreux projets parce qu’on prend les habitants pour des colonisés. La soi-disant opposition aux énergies renouvelables est un faux procès fait aux opposants de l’éolien imposé.
A force de parler des énergies renouvelables comme on distribue de l’eau bénite, sans travailler sur les revendications exprimées par les habitants, les Verts qui « soutiennent l’éolien » à priori et sans aucun sens critique se sont retrouvés en mauvaise posture quand des collectifs ont commencé à examiner les projets dans toutes leurs conséquences. Voici ce que disait le bulletin n° 4 (hiver 2000) de l’Association Ecologiste du Caroux, diffusé dans le Nord de l’Hérault : « Les monopoles énergétiques étatiques étant en train de disparaître et les critères de rentabilité arrivant, on s’aperçoit que le nucléaire est décidément trop cher et accessoirement trop dangereux … Les éoliennes arrivent dans les Hauts Cantons à Fraïsse, cela va permettre de supprimer pas mal de lignes à haute tension » (Ceci n’est pas exact : les éoliennes produisant de l’électricité, il faudra bien transporter celle-ci par câbles aériens ou enterrés ! Et les éoliennes ne pouvant rivaliser avec la puissance de la Haute tension, celle-ci ne vas pas disparaître). Ces petites musiques (mépris du service public, acceptation des privatisations) sont désagréables. Elles déstabilisent des associations représentatives ou des collectifs qui croyaient que les Verts participeraient de bonne foi à leurs réflexions.
« Nouveaux détracteurs, Don Quichotte, Collectifs anti-éoliens » sont quelques uns des noms d’oiseaux par lesquels le bulletin des Verts de l’Aude dénonce les « Collectifs qui montent au créneau » (L’Aude à l’an Vert, n° 53, décembre 2001). Ces collectifs sont divers. Mais ces attaques injustes ont un effet dévastateur, surtout quand des réunions, parfois organisés sous la houlette de municipalités, sont transformées par des technocrates en débats bidon sur la « productivité des éoliennes » ou « la gratuité du vent », en faisant l’impasse sur les revendications, les mobilisations et les interrogations légitimes des habitants.
Nous sommes interpellés quand un Ministère et un parti font bloc. Nous ne voulons plus voir des représentants de commerce, et des techniciens au statut incertain, baratiner les Conseils municipaux (en allant jusqu’à faire croire qu’ils sont partenaires d’EDF ou « chargés de mission » (sic) et n’intervenir que pour privatiser une demande sociale.
Avec les énergies renouvelables, une fraction des Verts, peu nombreuse mais influente, s’engage dans une démarche de type marketing. Maryse ARDITI, porte-parole nationale des Verts, a pu y réfléchir quand un collectif d’associations, qui discutaient un problème d’implantation d’éoliennes, lui a demandé de quitter la salle où elle s’était invitée.
Sur quoi porte la contestation ?
Les énergies renouvelables doivent être soutenues et développées, mais pas à n’importe quel prix. Les éoliennes consomment des milliers de tonnes de béton pour leurs implantations. Que deviendront ces monuments dans 15 ans, temps de vie maximum d’une éolienne ? Des naturalistes ont montré que les pales brassant l’air jusque 110 mètres de haut peuvent provoquer des hécatombes d’oiseaux dans les couloirs de migration, et que ceux-ci doivent être connus et respectés (les oiseaux ne voient pas les éoliennes la nuit, et les percutent le jour à cause de leur couleur grise comme les nuages). Les collectifs s’interrogent aussi sur l’impact esthétique et économique de ces monstres. Enfin, la plus grande transparence doit être de rigueur en ce qui concerne l’information des populations. Il est inacceptable que des élus travaillent sur des projets aussi importants à l’insu de leurs administrés. Tout cela est nouveau et n’a jamais été discuté en dehors des bureaux d’études productivistes. Ce sont des questions réalistes de ce genre que les associations ont mis sur la table.
Les collectifs constatent que les démarches sournoises des entrepreneurs (nombreux cas constatés) pourrissent les rapports sociaux. Des technocrates voient dans ce questionnement la preuve d’un complot contre les énergies renouvelables. Ils font mine d’oublier les profiteurs et les actionnaires cachés derrière les projets d’allure futuriste, que plusieurs associations ont débusqué. Nous n’acceptons pas les arguments de certains pour qui toute entreprise est bonne à prendre du moment qu’elle rapporte de l’argent à la commune.
Au lieu de se battre pour le développement des énergies renouvelables et leur gestion démocratique, il faudra se battre contre leurs coûts élevés et leur manipulation par des entreprises privées ! C’est la contradiction majeure qui commence à apparaître.
Demain, les énergies renouvelables
Leur efficacité est réelle et leur technologie s’affine. Le coût du kWh éolien se réduit comparativement au kWh nucléaire. L’énergie solaire, à la base des énergies renouvelables, est inépuisable tandis que l’uranium, le charbon et le pétrole se tarissent et polluent toujours.
Les énergies renouvelables contestent le gaspillage capitaliste et offrent une alternative au nucléaire. Elles imposent aussi des économies et incitent à des gestions locales et décentralisées. Certaines économies d’énergie (solaire, photovoltaïque, micro-centrales éolienne ou hydraulique), à l’œuvre au niveau d’un hameau ou d’une association d’habitants, passent plus facilement sous le contrôle des usagers. Tout cela heurte de front une exploitation centralisée qui cherche à faire payer le prix fort.